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Arsenal : Avec ou sans Wenger, mais il faut que ça change

Bruno Constant

Mis à jour 09/02/2017 à 18:51 GMT+1

PREMIER LEAGUE - Battu par Watford puis Chelsea, Arsenal a dit adieu au titre bien avant la fin du spectacle, comme chaque saison depuis maintenant 13 ans. Et pour combien d'années encore si le club londonien ne prend pas de mesures radicales ?

Arsène Wenger avec Arsenal, 2017

Crédit: Panoramic

C'est la question que tout le monde se pose depuis la nouvelle désillusion d'Arsenal à Chelsea (3-1), quatre jours après son revers face à Watford (1-2). Il n'y avait pourtant ni Jose Mourinho - contre lequel Arsène Wenger n'a jamais gagné - ni Didier Drogba - 16 buts en 16 matches contre les Gunners ! - pour martyriser l'Alsacien et ses joueurs. Certains avanceront qu'il y avait faute de Marcos Alonso sur Bellerin sur le premier but et que cela aurait pu tout changer. Oui, il y avait faute. Mais, non, je ne pense pas que cela aurait changé quoi que ce soit à la supériorité de Chelsea, bien plus fort physiquement, bien mieux organisé et bien plus discipliné. Wenger, lui-même, ne s'est pas caché derrière cette excuse. Tout simplement parce que ses joueurs étaient inexcusables.
Pour une fois - et c’est suffisamment rare pour le souligner -, le Français avait dérogé à son schéma de jeu habituel pour s'adapter à son adversaire en organisant son équipe en 4-3-3 avec un milieu renforcé - Iwobi et Oxlade-Chamberlain autour de Coquelin - et en plaçant Özil et Walcott sur les côtés, pour s'engouffrer dans le dos de Moses et Alonso. Mais un poste qui réclamait également des efforts défensifs pour empêcher ces deux derniers d'apporter le surnombre.
Et qu'a-t-on vu au bout de 13 minutes ? Walcott laisser Alonso seul, ne pas revenir sur lui alors que Bellerin était au marquage de Diego Costa. Bref, ne faire preuve d'aucune solidarité pour aider son coéquipier. Ce n'est pas la première fois qu'on surprend l'absence d'investissement défensif de Walcott ou Özil. Parce que l'un comme l'autre n'ont pas le goût du sacrifice et du travail défensif. Au passage, l'Allemand a une nouvelle fois été totalement absent des débats dans un grand rendez-vous, ce qui ne plaide vraiment pas en sa faveur pour une revalorisation salariale à hauteur de ses souhaits.
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Mesut Özil

Crédit: AFP

"Men against boys"

Une fois encore, on a eu le sentiment d'entendre l'écho de la célèbre phrase de Patrice Evra à propos d'Arsenal : "men against boys", des hommes contre des enfants. A l'image de l'action de Hazard qui a fait voler en éclats les défenseurs d'Arsenal comme de vulgaires poupées de chiffon. Le Belge s'est amusé d'eux comme il jouait avec son fils sur la pelouse de Stamford Bridge le jour du sacre de Chelsea en 2015. Après la rencontre, Wenger a osé affirmer que son équipe manquait d'expérience. En début de saison, il affirmait que ce n'était plus une excuse, que son équipe comptait un champion d'Europe (Cech), trois champions du monde (Mertesacker, Özil, Mustafi), un champion sud-américain (Alexis), deux vice-champions d'Europe (Koscielny, Giroud)...
Le parallèle entre Chelsea et Arsenal est d'ailleurs assez saisissant quand on voit où étaient ces deux équipes il y a tout juste un an. Comment expliquer que Chelsea, à l'agonie, a pu se transformer en un futur champion et pas Arsenal ? La différence entre les deux clubs ? L'un prend des mesures radicales pour rectifier le tir, l'autre pas.
La principale faiblesse de Chelsea l'an passé était l'entrejeu et le manque de protection d'un back four vieillissant (Ivanovic, Terry). Chelsea est donc allé chercher le meilleur milieu défensif du championnat (Kanté), a rapatrié David Luiz et éliminé Ivanovic et Terry de l'équation en modifiant son organisation défensive - back three -. Qu'a fait Arsenal pendant ce temps-là ?
Les Londoniens du nord avaient besoin d'un défenseur central, d'un milieu défensif axial d'expérience, pour ne pas dire de classe mondiale, et d'un buteur. Sont arrivés Mustafi, dont l'association avec Koscielny a fait ses preuves, Xhaka, dont le principal fait d'armes est de s'être fait expulser deux fois en dix-neuf rencontres de championnat et Lucas Perez, un énième joueur de côté. Bref, ils ont tapé à côté, une fois de plus. Résultat : depuis 2010, sept entraîneurs se sont succédés sur le banc de Chelsea, un seul à Arsenal. Les Blues ont raflé deux titres et sont en route pour un troisième. Les Gunners ? Zéro. Et ne me parlez pas d'argent ou de budget ! Les deux clubs ont quasiment les mêmes moyens.
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Arsène Wenger lors d'Arsenal-PSG

Crédit: AFP

L'Alsacien a perdu la main pour dénicher les pépites françaises

En décembre 2012, Arsène Wenger posait fièrement au côté de cinq jeunes britanniques dont il venait de prolonger les contrats : Gibbs, Jenkinson, Oxlade-Chamberlain, Ramsey et Wilshere. Ce devait être la relève, le british core, comme on entendait à l'époque, la fibre ou le noyau britannique manquant et tant décrié à Arsenal, la future ossature de son équipe. Quatre ans plus tard, où sont-ils ? Gibbs alterne entre le banc et l'infirmerie, Jenkinson enchaîne les prêts, Oxlade-Chamberlain tarde à s'imposer, Ramsey n'est ni un milieu axial défensif ni un milieu droit, Wilshere est parti à Bournemouth pour avoir davantage de temps de jeu. Ils n'ont plus 20 ans mais 23, 24, 25, 27 ans. Et je ne parle même pas de Walcott dont le niveau stagne depuis plusieurs années.
L'autre problème c'est que Wenger a perdu la main pour dénicher ou ne serait-ce qu'attirer les pépites françaises avant tout le monde. C'était le cas avec Vieira, Anelka, Henry, Pires auxquels on pourrait ajouter Diaby (sans toutes ses blessures) et Koscielny. L'Alsacien suivait Martial mais celui-ci est allé à MU, il dit avoir approché deux fois Kanté mais ce dernier a préféré aller à Leicester puis à Chelsea et Griezmann, qui porte une admiration pour Arsenal depuis qu'il est tout jeune, semble prendre la direction de Manchester United.
Alors je repose la question : Arsène Wenger doit-il céder sa place ? Je vais être honnête et franc avec vous. Je n'ai pas la réponse. Le problème d'Arsenal est bien plus grand que le seul départ de son manager. Je ne suis pas certain qu'un autre entraîneur obtienne de meilleurs résultats avec cet effectif-là. Le problème c'est qu'on le savait déjà. Le 16 décembre, ici même, j'avais écrit une chronique en expliquant pourquoi je ne croyais pas en cet Arsenal. Beaucoup m'avaient jugé sévère ou hâtif, après une seule défaite en quinze rencontres. Mais il semble qu'Arsenal m'ait donné raison, une fois de plus.

Un grain de sable et tout s'effondre

Arsenal échoue presque inlassablement à chaque fois que l'occasion se présente de revenir sur l'équipe de tête et prendre définitivement part à cette course au titre qui lui échappe depuis tant d'années. C'était déjà le cas la saison passée face à Swansea (1-2), à l'Emirates, alors que les Londoniens avaient l'opportunité de revenir à trois longueurs de Leicester à dix journées de la fin.
La semaine passée, au vu du calendrier (réception de Watford et confrontation directe avec Chelsea) et du résultat des Blues à Liverpool (1-1), Arsenal avait la possibilité de revenir à 3 points des hommes d'Antonio Conte. Résultat : les Gunners pointent à douze longueurs ! Ciao, arrivederci ! Combien de fois la formation d'Arsène a-t-elle réellement été impliquée dans la course au titre ? Disons jusqu'à cinq-six journées de la fin ? Allez-y, cherchez... Il faut remonter à la saison 2010-2011. A sept journées de la fin, Arsenal avait l'occasion, à domicile face à Liverpool, de revenir à quatre points de Manchester United. Vous connaissez la suite : 1-1, bye-bye !
Lors des dernières saisons, il y a, selon moi, deux moments où Arsenal avait vraiment le profil d'un prétendant au titre. La première, et plus lointaine, c'est en 2007-2008. Après 26 journées, les Gunners étaient un leader solide et fringant, avec cinq points d'avance sur son premier poursuivant (MU) jusqu'à l'épouvantable blessure d'Eduardo, son attaquant brésilo-croate et meilleur buteur. Après ça, l'équipe s'est effondrée pour finalement terminer troisième. Comme en 2010-2011, avec cette finale de Coupe de la Ligue perdue face à Birmingham, un simple grain de sable donne l'impression de pouvoir tout dérégler, preuve d'une grande fragilité.
La dernière fois, c'était... la saison passée. Compte-tenu des périodes de transition de MU - en reconstruction avec Van Gaal -, City - dernière année de Pellegrini avant l'arrivée de Guardiola -, Liverpool - avec le départ de Gerrard - ou des difficultés de Chelsea - relations tendues entre Mourinho et son vestiaire -, j'avais fait d'Arsenal mon favori pour le titre, dès le mois d'août (pour ceux qui chercheraient). Et le sacre de Leicester, avec le plus faible total de points depuis 5 ans (81), n'a fait que confirmer mon sentiment : cela aurait dû être l'année d'Arsenal.
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Arsène Wenger.

Crédit: AFP

Et si la solution était de voir Arsenal éjecté du top 4 ?

Je compatis à la souffrance et la frustration des supporters des Gunners lassés de voir leur saison se terminer en mars. Une déception trop facilement effacée par le soulagement de finir dans le Big Four et la joie de toujours devancer le rival, Tottenham. C'est une maigre consolation qui sauve les apparences mais prive le club d'une réelle et profonde remise en question. J'en viendrais presque à souhaiter une crise, une vraie crise, à ce club, le voir éjecté du Top 4 afin qu'un changement radical s'impose. Un mal pour un bien. Une refondation totale, avec ou sans Wenger. L'idée soumise sur Twitter après Chelsea semble d'ailleurs avoir suscité le débat chez certains supporters des Gunners.
Mais, alors que le débat sur l'avenir du technicien français, en fin de contrat et âgé de 67 ans, devrait être porté sur la table des dirigeants, on entend depuis plusieurs mois - et je dis "mois", pas "semaines" ni "jours" - qu'un nouveau contrat de deux ans serait déjà prêt. Car qui osera prendre la responsabilité de dire stop à Wenger après vingt-et-une saisons si l'Alsacien ne le décide pas lui-même ? Ivan Gazidis qui se félicite davantage du bilan financier que sportif ? Stan Kroenke, dont l'entreprise Arsenal affiche bénéfices et profits record ? La vérité est que les dirigeants londoniens ont peur car ils ne l'ont jamais fait.
Depuis vingt ans, l'idée même de remplacer Wenger n'a jamais été évoquée. Depuis dix ans et le départ de David Dein, Wenger décide seul et sans contrepoids la politique sportive du club, recrutement compris. Et il est évident que la recette ne fonctionne plus, pas sous cette forme en tout cas. Mais le risque de se tromper, comme Manchester United avec Moyes, est grand et presque inéluctable, avec la crainte de perdre une ou plusieurs années en dehors du Big Four, de priver le club de Ligue des champions et son propriétaire et ses actionnaires de juteux profits.
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Le propriétaire d'Arsenal Sir Chips Keswick et le directeur général Ivan Gazidis

Crédit: AFP

Prendre exemple sur Ferguson et changer d'adjoint...

La solution intermédiaire pourrait être l'appel à un véritable adjoint de Wenger. Comme Alex Ferguson. Durant ses vingt-sept années passées sur le banc de Manchester United, l'Ecossais a employé sept assistants, d'Archie Knox à Mike Phelan en passant par Brian Kidd, Steve McClaren, Jimmy Ryan, Carlos Queiroz et Walter Smith. C'était, disait Ferguson, une manière pour lui de se remettre en question, de rafraîchir son approche avec des idées et des méthodes nouvelles. La plupart ont d'ailleurs épousé la carrière d'entraîneur en chef par la suite, avec plus ou moins de succès.
De son côté, Arsène Wenger n'a connu que deux adjoints : Pat Rice et Steve Bould, depuis 2012, dont le rôle semble être dévoué à rester dans l'ombre. Peut-être serait-il temps de faire appel à une personnalité plus forte, un jeune loup qui pourrait être amené à prendre la succession de Wenger. Ce n'est pas les anciens joueurs qui manquent. On pense à un Patrick Vieira, qui n'attend que ça, ou un Dennis Bergkamp...
Bruno Constant fut le correspondant de L'Equipe en Angleterre de 2007 à 2016. Il collabore aujourd'hui avec RTL, Europe 1 et Rfi en tant que spécialiste du football anglais et vous livre chaque sa semaine sa chronique sur la culture foot de Sa Majesté.
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