Le monde de l'hypocrisie

La période des transferts vient de débuter ce mardi. Un moment propice pour faire rêver les supporters, pour alimenter les chroniques de bon nombre de canards en mal de scoops. Les meilleurs joueurs du monde sont l'objet de toutes les attentions mais aussi de toutes les dérives. Le Real Madrid se veut la personnification de ces excès à outrance sans que l'on trouve à y redire. Symbole d'un système pernicieux et totalement déréglé, le club espagnol invite les clubs italiens, espagnols et anglais à rentrer dans une surenchère de l'absurde. Pendant ce temps là, l'UEFA regarde le train passer sans se soucier de mettre un bémol à cette mascarade.

Le mal est profond et ne changera donc jamais. On pensait que la crise financière allait calmer les ardeurs de certains clubs. Que la folie des grandeurs allait laisser place à plus de raison et surtout de bon sens, il n'en est rien. Le Real Madrid, club endetté à hauteur de 547M d'euros, s'offre Kakâ pour 65M d'euros. Une bouchée de pain dans ce monde de l'absurde où aucune dérive n'est sérieusement pénalisée. Le football espagnol touche le fond et plus encore avec un déficit cumulé de 3,4 milliards d'euros. Le club merengue est l'exemple même de l'hypocrisie régnant au sein du football mondial actuel. En 2002, le club avait déjà dû éponger une dette d' 1 milliard d'euros avec la vente surcôtée de terrains à la Ciudad Real ainsi que l'aide, totalement impensable en France, d'un gouvernement plus que conciliant.

Le football génère des fortunes et enrichit des milliers de personnes dans le monde. Une économie dans l'économie qui ne doit pourtant pas faire perdre de vue que les lois du marché devraient être les mêmes pour tout le monde. Un Platini à 30 000 euros à la Juve en 1982, un Papin à 50 000 euros en 1991, ces chiffres font désormais sourire avec un Kakâ à 800 000 euros par mois (hors primes). Bien sûr, les temps ont changé et l'évolution dans cette escalade des prix se veut quelque part légitime par rapport au marché.

Et le football français dans tout ça ? Le bon élève de l'Europe avec l'Allemagne. Une DNCG intraitable qui évite un déraillement inévitable dans cette escalade des prix. Les clubs français continuent dès lors de bricoler dans leur garage en attendant d'avoir le droit de voir la lumière un jour. Malgré des droits télé conséquents (660 millions d'euros par an), la Ligue 1 ne peut concurrencer les ténors européens. Pour donner un exemple concret, le salaire de Karim Benzema est de 3.9M d'euros nets à Lyon. Bien en deça des 9M d'euros d'un Kakâ qui aurait de plus des primes en droits d'image à hauteur de 4M d'euros. Mais la France ne peut seulement accuser l'inégalité fiscale et financière pour expliquer son retard. Les clubs de Ligue 1 manquent cruellement de professionnalisme au niveau des cellules de recrutement. Mis à part Lyon, aucun club ne possède par exemple de recruteurs permanents en Amérique du Sud. Le cas de Ramires, milieu brésilien convoqué dans les 23 Brésiliens pour la Coupe des Confédérations, en est le meilleur exemple. L'OM s'est intéressé au joueur tardivement alors que Benfica le suit depuis un an et demi quotidiennement en faisant un travail de fond auprès des proches du joueur. Résultat des courses, pour 7M d'euros, ce joueur talentueux jouera à Lisbonne l'an prochain.

Alors pendant que la France va se contenter de quelques vieux fruits tombant de l'arbre du mercato, l'Europe des "faux" riches continuera de fausser la donne impunément. Mais puisque l'UEFA trouve ça génial, on ne va surtout pas venir contrarier Platini et consorts...