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Espagne - France, entretien avec Philippe Montanier

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ParEurosport

Mis à jour 14/10/2012 à 00:22 GMT+2

Philippe Montanier, l'entraîneur de la Real Sociedad, porte un regard expert mais alarmant sur les différences entre le foot français et le foot espagnol.

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Crédit: Eurosport

"Comment expliquer la différence de niveau entre le football français et espagnol ?
P. M. : Déjà, en Espagne, vous avez les meilleurs Espagnols et les meilleurs étrangers. On joue bientôt l’Atletico Madrid, leur effectif est incroyable… Ce n’est pas qu’une question de budget : La Liga est un championnat technique, beaucoup plus qu’en France. Sans parler du Barça ou du Real car ça fausse la donne, le niveau moyen est très intéressant.
En France, on se pose la question de la prédominance du physique, voie privilégiée depuis une dizaine d’années ?
P. M. : L’Espagne a pris le contre-pied, en favorisant les joueurs de petit gabarit, dotés d’une grande intelligence de jeu. La France a suivi la voie de la victoire de 1998. C’était peut-être une erreur, mais il ne faut pas tout jeter non plus. Benzema, Ben Arfa, Gourcuff sont de bons joueurs, formés dans les écoles françaises, qui ont une sensibilité proche de ce que l’ont fait ici.
La formation française est-elle à contre-courant ?
P. M. : Laurent Blanc a tenté d’instaurer un nouveau modèle. Mais pour récolter les fruits, il faudra attendre sept ou huit ans. La vraie question est : existe-t-il toujours des formateurs en France ? J’ai la sensation que former n’est plus une finalité, mais un moyen d’entraîner chez les pros. Pour se faire remarquer, un jeune entraîneur va privilégier le résultat immédiat, en mettant des joueurs costauds et prêts physiquement. Prenons Raynald Denoueix : il est devenu entraîneur presque par hasard. Il aimait former les jeunes, c’était sa vocation. C’est idée de fond que je pose : où sont les vrais formateurs en France? Comment les aider ?
En quoi diffère la formation espagnole de celle pratiquée en France ?
P. M. : Avant tout, le jeune footballeur espagnol s’entraîne moins ! Ce ne sont pas deux ou trois séances par jour, mais trois ou quatre par semaine. Je constate qu’en France, les jeunes font de la pré-formation, puis de la formation, avec toujours plus d’exigence et de rigueur. A 18-19 ans, ils ont perdu l’amour du foot ! Ils sont saturés ! Dans les écoles de foot françaises, j’ai vu des entraîneurs expliquer dix minutes à des gamins le replacement défensif… Des gamins hein ! Dix minutes de perdues, où tu ne touches pas le ballon…
Culturellement, il y aussi une grosse différence entre les deux pays non ?
P. M. : Il y a un plus grand amour du foot en Espagne. Dans mon équipe, j’ai plusieurs joueurs comme Pardo ou Inigo Martinez qui ont été remarqués par de très grands clubs. Ils ont été sollicités, mais ont préféré rester pour jouer. Ils ont l’amour de la Real Sociedad. Ils évoluent avec leurs copains, devant leur famille. Ils partiront peut être un jour, comme Xabi Alonso, mais avec un autre statut. Ils seront prêts. Aujourd’hui, une proposition du Real Madrid arrive à un jeune Français, je ne suis pas sûr qu’il la refuse. Je parlais de saturation, on est dans le problème. A la Real, à forte identité basque, le jeune dort chez lui, mange chez lui. Il peut déconnecter. En France, le système veut que les jeunes soient toujours ensemble. Ils mangent, dorment, étudient, jouent au foot ! Et ils jouent trop ! Sans compter que certains voient ce sport comme un facteur de réussite…. En Espagne, le jeune joueur va se battre pour un club, dont il est généralement supporter dès l’enfance. En France, il va se battre pour en sortir et accéder à la reconnaissance sociale.
Sur Eurosport.fr, nous avons évoqué l’idée de relancer la filière de la Liga, qui nous a tant souri dans le passé. Les clubs français ne recrutent pas en Liga.
P. M. : Au niveau des clubs et du recrutement aussi, il y a du travail. A Valenciennes, je regardais souvent la Ligue 2 espagnole. La situation a sans doute changé via la crise économique, mais à l’époque il était compliqué d’amener ces talents. L’apport de ces "cerveaux" serait bénéfique à la France. Vu d’Espagne, la France reste un championnat mineur, mal suivi, peu rémunérateur. Tous les clignotants sont au rouge : le niveau de jeu général, le manque de puissance financière, la frilosité de certains… Le football français n’est globalement pas bon. A part quelques joueurs, il y a peu de créativité. Je crains que même que cela se paupérise dans les années à venir.
L’émergence d’un Ben Yedder, qui n’a pas suivi la filière traditionnelle et qui est passé par le futsal, doit tout de même vous interpeller ?
P. M. : Il faut privilégier ce type de joueurs instinctifs, vifs, techniques. Comme Antoine Griezmann, pur produit de la formation espagnole. Pas très puissant, mais rapide et intelligent dans son jeu. C’est un dingue de foot aussi… J’aime bien aussi le petit Thievy, qui joue en Ligue 2 (Las Palmas). Un excellent attaquant, prometteur, qui a beaucoup joué dans la rue. Il faut réincorporer la notion de plaisir. Le football en salle ? Oui, c’est une piste à explorer. On s’amuse tout en travaillant sa technique, dans des espaces très réduits. Les Espagnols et les Brésiliens y jouent sans arrêt. Pourquoi pas nous ?
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