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Comment Kenny Roberts et Casey Stoner ont révolutionné le pilotage moderne

Stéphane Vrignaud

Mis à jour 24/06/2017 à 13:02 GMT+2

MOTOGP - Inspiré par Jarno Saarinen, Kenny Roberts a ouvert la voie à un pilotage moderne en 500cc à la fin des années 70. Et ce n'est que bien plus tard que Casey Stoner l'a révolutionné. Voici comment.

Casey Stoner (Ducati Team) au Grand Prix de Malaisie 2007

Crédit: Getty Images

Pas facile de se plonger dans l'histoire du style sur deux roues en 500cc sans risquer de s'y perdre entre mythes et réalités, mais une chose est certaine : la façon de faire des pilotes "modernes" remonte à Kenny Roberts. Arrivé en championnat du monde de vitesse de 500cc en 1978, l'Américain a imposé son style et ses résultats. Son style par ses résultats, pourrait-on corriger, car comme le disait Jean-Philippe Ruggia : "Celui qui a le meilleur style c'est celui qui gagne". Et par conséquent, celui que l'on copie.
"Kenny Roberts a apporté un style qui a marqué le début de l'ère moderne de l'élite, et il a perduré assez longtemps sous le nom 'd'école américaine' ", confirme Christophe Guyot, patron du GMT94, équipe double championne du monde d'Endurance et consultant pour Eurosport. Une précision : on parle bien d'un point d'entrée de l'ère "moderne", car d'autres pilotes ont posé auparavant des fondations essentielles comme Jarno Saarinen.
"Kenny Roberts a développé des choses amenées par Saarinen, surtout le déhanché", observe Christophe Guyot. "Il l'a amplifié en ajoutant sa capacité à glisser avec l'école du dirt. C'est à ce niveau-là qu'il a apporté quelque chose, en s'habituant plus facilement que les autres à glisser de la roue arrière. Il allait plus vite comme ça et il a entraîné les autres dans cette logique. Que ce soit Randy Mamola, Kevin Schwantz, Waine Rayney."
Dans les années 80, le dirt track est une habitude du Nouveau monde et une révolution pour une Europe épicentre de la 500cc. Sur une piste ovale cendrée, les équilibristes sans frein avant contrôlent les glissades arrière à la poignée de gaz. Quand il arrive en Mondial, Kenny Roberts fait juste ce qu'il sait faire. Trois titres plus tard (1978, 1979 et 1980), tout le monde s'y est mis. Et s'entraîne en "dirt". Et aujourd'hui, ça n'a pas changé et Valentino Rossi a même son ranch ad hock.

Stoner, l'autre révolutionnaire

La révolution en marche, l'emprise est telle qu'il s'agit de s'adapter ou disparaître. "Kenny Roberts a inspiré tous les pilotes européens, y compris Christian Sarron, qui est passé du style non déhanché au style déhanché en montant en 500cc en 1985. C'est l'un des pilotes les plus incroyables", souligne un Christophe Guyot admiratif.
Au fil du temps, les pneus ont développé une adhérence incroyable, l'électronique a vampirisé les machines mais les précurseurs se sont fait rares. "Question style on est ensuite passé directement à Casey Stoner, qui a amené un pilotage complètement nouveau", assure le patron du GMT94. Carrément ! "Il a inventé une manière de se déhancher, de faire pivoter sa moto. Et pour ça, il ne s'est inspiré de personne. On n'en a même pas vu l'esquisse avant. Depuis, on peut considérer que ce ne sont que des variantes. En phase de pilotage, Kenny Roberts et Casey Stoner sont vraiment pour moi les pilotes clé."
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Casey Stoner (Ducati Team) au Grand Prix du Qatar 2008

Crédit: Getty Images

Assurément, l'avènement du style Stoner a été un choc pour une génération. "Il a vraiment inventé quelque chose", appuie Christophe Guyot. "Deux choses, en fait : le double déhanché et le double point de corde. Un virage classique, c'est une entrée à l'extérieur, un point de corde et une sortie à l'extérieur. Stoner fait extérieur, point de corde, nouveau pivot dessus et sortie. Ce n'est pas perceptible car la moto ne se relève pas, mais c'est ce qui se produit. Et c'est un truc de fou ! Pour faire ça, il faut avoir le corps très en avant pour délester l'arrière et le faire pivoter. Et si le double point de corde ne se voit pas, le double déhanché se voit quand il entre dans le virage et qu'il se déhanche à nouveau pour faire pivoter encore sa moto au point de corde."

"Ce qu'a fait Rossi est hallucinant"

Mais pour bien comprendre, il faut réaliser que l'Australien l'a fait par nécessité, en regard de l'ADN de la Desmosedici. Quand il commence à poser le coude, chez Ducati en 2007, c'est expressement pour mieux faire pivoter sa moto. Avec à la clé, un titre.
"Aujourd'hui, la quasi-totalité des pilotes l'ont adopté, à quelques exceptions près comme Lorenzo. On peut d'ailleurs voir qu'il ne s'en sort pas sur la Ducati. Et tant qu'il n'aura pas le style de Stoner, il n'arrivera pas à la piloter", prévient Christophe Guyot.
Christian Sarron, l'un des trois Français vainqueur en 500cc, en Allemagne en 1985, a étonné à son époque, mais un pilote plus emblématique a fait partie de ces très rares mutants. Le plus emblématique de modernes, en fait. "Peu de pilotes ont changé leur style sur cette période, je n'en vois même que deux : Christian Sarron concernant Kenny Roberts, et Valentino Rossi pour ce qui est de Casey Stoner", explique Christophe Guyot. "Car Rossi était de l'école du déhanché classique, alors qu'on le voit maintenant le coude par terre façon Stoner. Il a complètement modifié son pilotage en pleine carrière et c'est rare. Il faut insister là-dessus : seuls Sarron et Rossi ont fait ça."
Valentino Rossi (Yamaha Factory) et Casey Stoner (Ducati Team) au Grand Prix des Etats-Unis d'Amérique 2017
"Ce qu'a fait Rossi est hallucinant. Hormis lui et Sarron, tous les autres pilotes ont gardé leur style d'un bout à l'autre de leur carrière. Il a travaillé énormément son style. Si on compare les photos de ses premières années à celles de maintenant, on voit qu'il a énormément évolué. C'est quelqu'un qui recherche la perfection et qui évolue en permanence. Il est totalement dans le pilotage moderne."

Le coude de Ruggia, les patinages de McCoy

Certains ont aussi fait leur chemin avec un style bien propre. On peut citer Freddie Spencer, champion du monde 1983 et 1985, qui combinait glissade, déhanché et genou par terre. Ou le quintuple champion du monde Mick Doohan. "Il aimait maitriser la glisse de l'arrière un peu comme Kenny Roberts, il était donc très droit. Il mettait ainsi beaucoup de poids sur l'arrière pour bien être assis quand il accélérait." Dans un autre registre, il y a eu Jean-Philippe Ruggia, le pionnier du coude par terre. Mais pour le Français, ce n'était pas une attitude technique mais un repère, comme le genou. Rien à voir donc avec Stoner. Malheureusement, le Toulonnais était aussi une attraction : des photographes passaient le voir pour lui demander de poser le coude dans un virage où ils allaient se positionner. L'image de Donington 1988 avait fait sensation. Evidemment, il ne le faisait pas. "J'étais trop concentré sur mon pilotage, et quand ça arrivait, c'était naturel. Je ne comprenais pas l'agitation que ça créait."
Et puis, on pourra aussi citer le funambule et iconoclaste Garry McCoy au rang de ceux qui n'auront pas fait école, parce que c'était impossible. Chez Michelin, on n'a jamais compris comment il pouvait faire patiner l'arrière sans le détruire. Et tous ceux qui ont songé à le copier non plus.
Aujourd'hui, les limites sont devenues techniques et les marges de manœuvre dérisoires. Les pilotes sont soumis à l'adhérence du pneu avant et certains n'ont pas encore digéré le passage de Bridgestone à Michelin. Sur les gros freinages, on voit beaucoup de roues arrière se lever. La puissance des disques de freins optimisée, les constructeurs ont trouvé de la performance en repositionnant les moteurs, rallongeant des châssis hyper rigides. La roue arrière levée en dérive est particulièrement visible chez Marc Marquez, qui a en fait besoin de freiner comme ça pour sentir sa machine. "Ils sont tous comme ça", coupe Christophe Guyot. "Mais ça se voit plus chez lui car il a un talent supérieur."
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