Le Top 10 des Mondiaux: Ledecky-Franklin, duo de reines

Quantitativement, son bilan est certes un peu moins impressionnant que celui de Missy Franklin, qui a glané deux médailles d'or de plus qu'elle. Alors, pourquoi Katie Ledecky? D'abord parce que, face à sa compatriote, le différentiel s'explique uniquement par la présence de Franklin dans les trois relais, contre un seul à Ledecky. Pour le reste, elles ont remporté trois titres chacune en individuel. Mais pour tout dire, le triplé 400-800-1500 de Ledecky qui, faut-il le rappeler, n'est âgée que de 16 ans, nous a laissé sans voix. Surtout, et c'est là à notre sens qu'elle fait la différence, sur ses trois médailles d'or, Ledecky a battu deux records du monde, sur 800 et 1500, et elle s'en est approchée sur 400 en descendant sous les quatre minutes, ce que personne n'aurait pu imaginer avant ces Mondiaux. Deux records du monde dans une édition 2013 où ils ont été peu nombreux, c'est très impressionnant. Point essentiel: ses deux records sont les seuls à avoir été battus en finale. Les quatre autres l'ont été en séries ou en demies, tous en brasse dames. La reine, des reines, c'est bien Katie.

Désormais incontournable. 2011 fut l'année de sa révélation, 2012 celle de la confirmation. 2013 lui aura permis d'écrire une page d'histoire et de s'ancrer pour de bon dans le gotha de son sport. Missy "le missile" Franklin a remporté six médailles d'or à Barcelone. Jeux Olympiques et Mondiaux compris, seuls Michael Phelps, Mark Spitz et Kristin Otto avaient réussi à atteindre un tel total en une seule édition. On peut donc réellement parler de moisson historique pour la sympathique Missy, dont la personnalité attachante rehausse encore le prestige. Bien sûr, cet ahurissant total est dû aussi pour partie à la puissance collective américaine puisque la moitié de ses titres provient des relais. Mais on peut aussi arguer du fait qu'elle est l'élément moteur de ces divers relais. Quoi qu'il en soit, avec neuf médailles d'or entre 2011 et 2013, elle est désormais la nageuse la plus titrée de l'histoire des Mondiaux. A seulement 18 ans. Chapeau.

Un bilan comparable à celui de Katie Ledecky en individuel, les records du monde en moins, avec un fabuleux triplé 400-800-1500, que seul Grant Hackett avait réalisé en 2005. C'est encore mieux qu'à Shanghai il y a deux ans où il avait remporté deux médailles d'or et l'argent sur 400. Le plus extraordinaire, c'est que, malgré ce triplé, c'est peut-être ailleurs que Sun Yang a sorti  sa plus belle course, lors du 4x200m, où son dernier relais a permis à la Chine d'arracher le bronze. Peut-être le plus grand moment de ces Mondiaux 2013. De quoi aviver les regrets de ceux, nombreux, qui ont pu lui "reprocher" qu'il laisse de côté le 200m pour des distances plus sûres. Mais son exceptionnel bilan plaide pour lui. C'est d'autant plus fort qu'il a vécu une année compliquée, marquée par une brouille avec son entraineur et une pression populaire et médiatique étouffantes. Mais Sun Yang résiste à tout. A 21 ans, sa maturité est remarquable. Il ne semble pas avoir de limites. Chez les hommes, il est l'incontestable numéro un de cette édition catalane. Plus encore que Lochte, le meilleur nageur du monde, aujourd'hui, c'est lui. Il incarne à la fois le présent et l'avenir.

Le papy de ce Top 10, à 29 ans. Il n'a pas tout à fait chaussé les bottes de sept lieues de Michael Phelps. Il n'est pas Phelps, il est Lochte, et c'est déjà pas mal. Manifestement, l'Américain  n'était pas tout à fait à 100% en cet été 2013. C'est une année de transition pour lui. Mais quel nageur ne rêverait pas de boucler des Mondiaux de transition avec trois médailles d'or (mieux, pour lui, qu'à Londres en 2012) et quatre podiums au total? Et encore, il aurait dû finir avec quatre titres sans la bourde de Kevin Cordes sur le 4x100 4 nages dimanche soir. Lochte a notamment vécu une folle soirée vendredi en décrochant deux titres (200m dos, 4x200m) tout en signant le meilleur temps des demi-finales du 100m papillon. Tout ça en un peu plus d'une heure. Son heure de gloire barcelonaise. Au final, un bilan solide, à son image.

La reine de la brasse, c'est bien elle. Yuliya Efimova a imposé son joli sourire au firmament. Championne du monde du 50 mètres et du 200 mètres, vice-championne du monde du 100m en ayant battu son record personnel, elle est la seule à figurer sur le podium des trois épreuves de brasse. Si l'on ajoute le bronze acquis lors du relais 4x100m 4 nages (avec un relais canon en brasse de sa part), elle quitte la Catalogne avec quatre médailles dont deux titres et du métal de toutes les couleurs. Son bilan aurait même été parfait si elle avait gardé plus de quelques heures le record du monde du 50 brasse battu en séries le matin et cédée au profit de  Ruta Meilutyte le soir-même en demi-finales. Mais Efimova a joué une drôle de farce à Meilutyte et Rikke Moller Pedersen. Sur 50 et 200 brasse, la Lituanienne et la Danoise ont battu le record du monde en demi-finales, avant de s'incliner face à Efimova en finale. Barcelone restera comme le théâtre de sa métamorphose. Encore une star de la nouvelle génération (21 ans).

Confirmer après un premier grand titre n'est jamais évident. Tombeur de Michael Phelps sur 200m papillon aux Jeux de Londres, Chad Le Clos a magistralement géré sa première compétition majeure post-olympique. Non seulement le jeune Sud-Africain de 21 ans s'est à nouveau imposé sur 200 pap, mais il a signé un doublé magistral en remportant aussi le 100m. Avec Lochte, Cielo et Sun Yang, il est le seul nageur à avoir glané plus d'une médaille d'or individuelle dans ces Mondiaux. Logiquement, il est donc le troisième homme de ce Top 10. L'avenir dira s'il peut étendre son terrain de jeu au 4 nages pour devenir un véritable ogre au-delà du papillon ce qui, en l'occurrence, est déjà remarquable.

La star la plus discrète de ces Championnats du monde. A 24 ans, Katinka Hosszu bourlingue depuis longtemps dans les bassins puisqu'elle était déjà présente aux Jeux d'Athènes en 2004. Excellente spécialiste du 4 nages, elle avait décroché le titre du 400m de cette spécialité en 2009. Depuis, plus grand-chose. L'an dernier, elle avait échoué au pied du podium sur 400 4 nages à Londres. Les Mondiaux de Barcelone marquent son grand retour au plus haut niveau et dans des proportions importantes puisque la Hongroise a signé un magistral doublé 20-400 sur le 4 nages, assorti, cerise sur ce gros gâteau, d'une médaille de bronze sur 200m papillon.

Sacrée revanche pour Cate Campbell. Malade, elle n'avait pu défendre ses chances sur 10m nage libre aux Jeux de Londres. A Barcelone, l'Australienne était en pleine forme et ça s'est vu. Elle a décroché l'or sur la distance reine, permettant à l'Australie de signer un joli doublé sur 100m avec le sacre de Magnussen chez les hommes. Un titre qu'elle est allée chercher via une énorme prise de risques: partie comme une bombe, elle a méchamment coincé dans les dix derniers mètres, ce qui lui a fait dire que si la course avait duré 110 mètres, elle se serait noyée. Au-delà de ce couronnement, qui vient confirmer les promesses entrevues dès l'âge de 16 ans aux Jeux de Pékin (médaille de bronze sur 50m), elle a décroché au total quatre médailles dans ces Mondiaux, ajoutant à l'or du 100m l'argent sur 50 libre et sur deux relais (4x100m et 4x100m 4 nages).

Toujours là, le Cielo. Désormais, le Brésilien est devenu un véritable spécialiste de la longueur unique de bassin. Mais quel spécialiste ! Champion du monde du 50 mètres papillon et du 50 mètres nage libre, comme à Shanghai il y a deux ans, il a encore fait le plein de ce qu'il pouvait faire à Barcelone. Il sait répondre le jour J, personne ne peut lui enlever ça. En s'imposant sur le crawl, il est entré dans la galaxie des triples champions du monde consécutifs dans une même discipline. Il totalise maintenant six titres mondiaux, deux par ans depuis 2009. Pas mal, puisqu'il rejoint des champions comme Alexander Popov ou Matt Biondi.

Difficile, très difficile de trouver le dernier élément de ce classement. De le trouver, ou plus exactement de trancher. James Magnussen, pour sa victoire dans LA course reine de la semaine? Oui, mais il est passé à côté sur 50m et la quatrième place des Australiens sur le 4x100, dont ils étaient les favoris, fait également tâche. On a également pensé à Matt Grevers, qui aurait sans doute eu sa place si les Américains n'avaient pas été disqualifiés du 4x100 4 nages, ce qui lui aurait permis de finir avec trois médailles dont deux titres. Pourquoi pas, aussi, Camille Lacourt ou Yannick Agnel (formidable 200m, mais son relais sur le 4x100 n'a pas été grandiose, loin s'en faut), ou encore Alicia Coutts, la Poulidor de ces Mondiaux: aucun titre mais, quand même, cinq médailles d'argent. Finalement, nous avons opté pour Ruta Meilutyte. Histoire de rester dans une logique de "jeunisme" qui semble avoir frappé ces Mondiaux. Championne du monde du 100m brasse, la toute jeune Lituanienne de 16 ans a joliment confirmé son coup d'éclat de Londres, où elle avait pris l'or olympique sur la même distance. Elle aurait pu figurer plus haut si Efimova ne lui avait soufflé la victoire sur 50m. Dommage, mais elle peut se consoler avec le record du monde de la spécialité, battu en demi-finales.