Tsonga, le match d'une vie

COUPE DAVIS – La France est à une marche de sa 10e Coupe Davis. Jo-Wilfried Tsonga peut apporter le point du titre à condition de battre David Goffin, un joueur sur une dynamique supérieure à la sienne et qui vient de prendre une nouvelle dimension. Pour le Manceau, c'est une victoire qui changerait beaucoup de choses.

Jo-Wilfried Tsonga

Crédit: Getty Images

Pour l'immense majorité des champions, même dans une carrière de plus d'une décennie, ne subsistent au bout du compte qu'une poignée de matches au-dessus de la ligne de flottaison. Ceux qui vous définissent. Comme la partie émergée d'un immense iceberg. L'iceberg de Jo-Wilfried Tsonga pèse 620 matches. Le 621e, dimanche, sortira du lot.
C'est un des dix matches les plus importants de sa vie, de ceux qui conditionnent ce que vous êtes, ce que vous laissez. Ce n'est pas rien, concernant un joueur ayant disputé une finale de Grand Chelem, cinq autres demies, une finale du Masters et quelques-unes en Masters 1000. Mais ce qui l'attend dimanche contre David Goffin est de cette envergure-là.
J'irai même plus loin : si Jo-Wilfried Tsonga gagne ce match, ce sera la victoire la plus importante de sa carrière. Pas forcément la plus belle, la plus extraordinaire ou la plus tout ce que vous voudrez. Mais la plus importante. Parce que cette victoire-là serait synonyme de titre. Tsonga a signé des succès que certains joueurs n'auront jamais. Battre Federer en quart de finale à Wimbledon après avoir été mené deux manches à rien, c'était quelque chose. Eparpiller Nadal aux quatre coins de la Rod Laver Arena en demie de l'Open d'Australie, c'était monumental. Mais aussi marquantes furent-elles, elles n'ont pas garni son palmarès.
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Jo-Wilfried Tsonga

Crédit: Getty Images

Même effritée aux entournures, la Coupe Davis reste un monument

Jusqu'ici, Tsonga a perdu les deux matches qui auraient pu le faire changer de dimension : la finale de l'Open d'Australie 2008 contre Djokovic et celle du Masters 2011 contre Federer. S'il avait gagné au moins une de ces deux rencontres, sa place dans l'histoire du tennis serait autre. Battre David Goffin dimanche ne remplacerait pas ces manques. Mais cela comblerait un vide. La Coupe Davis n'est pas un Grand Chelem, ni même le Masters, nous sommes d'accord. Mais elle est à part. La remporter, c'est s'offrir un monument du tennis, même s'il s'effrite aux entournures. Et cela manque à Tsonga.
Bien sûr, il peut très bien soulever la Coupe Davis dimanche soir tout en perdant contre David Goffin si les choses tournent bien lors du cinquième match. Du strict point de vue du palmarès, cela ne changerait rien. Et Tsonga serait heureux, aucun doute là-dessus. Mais le tennis est d'abord un sport individuel et s'ils vivent ce week-end une aventure collective, les joueurs sont aussi là pour assouvir des désirs personnels. Ce n'est pas égoïste. C'est humain, et même légitime. S'il a le saladier sans apporter le point du titre, il restera, quelque part, sinon une amertume, au moins un regret. Pas dimanche soir. Mais dans quelques jours, semaines, mois ou années, il s'en voudra d'avoir raté ça. Parce que c'est sa mission.
L'histoire serait plus belle comme ça, parce que Jo-Wilfried Tsonga est le meilleur joueur français de cette génération. Et de loin, même. Ses deux Masters 1000, sa finale et ses six demies en Grand Chelem, sa finale au Masters, ses victoires dans les grands tournois contre tous les plus grands joueurs de son époque... Tout ça le place nettement au-dessus de Monfils, Gasquet ou Simon. Que cela plaise ou non à ses détracteurs, c'est un fait. Il est même le deuxième champion français le plus marquant de ces 70 dernières années derrière son capitaine Yannick Noah. Si la France doit gagner, enfin, sa 10e Coupe Davis dimanche, il y aurait donc une forme de logique à ce que Tsonga en soit le héros.

L'exemple Pioline-Boetsch

Mais l'histoire n'a pas toujours envie d'être cohérente. En 1996, à Malmö, c'est Arnaud Boetsch qui avait été immortalisé dans le costume du sauveur. Cédric Pioline avait pourtant servi pour le match contre Thomas Enqvist, alors N.6 mondial, pour plier la finale à 3-1. Pioline, le taulier des années 90, l'homme qui a caché une misérable forêt après l'éclipse de la génération Noah-Leconte-Forget. L'homme aux deux finales de Grand Chelem, quand Boetsch n'a jamais franchi les huitièmes d'un majeur. Pioline avait raté cette occasion-là. Aujourd'hui, dans l'esprit de tous, Malmö 1996, c'est Boetsch, pas Pioline.
Jo-Wilfried Tsonga a l'occasion de faire sienne cette finale. C'est important pour lui donc, mais pas seulement. Ce ne sera pas anodin non plus pour la valeur de ce sacre éventuel. Une victoire est une victoire ? A voir. Des trois Coupes Davis gagnées par la France dans l'ère moderne, celle de 1996 en Suède est peut-être la plus forte émotionnellement avec ce dimanche dingue et ces balles de match sauvées par Arnaud Boetsch. Mais en simple, les Bleus n'avaient battu "que" Kulti et un Edberg blessé le premier jour. Pour moi, d'un point de vue sportif, les sacres de 1991 avec deux succès contre Sampras et celle de 2001 avec le point glané par Escudé contre un Hewitt alors numéro un mondial, sont d'une autre épaisseur.
Ce sera un des enjeux de cette dernière journée. La France peut battre la Belgique ou battre la Belgique et Goffin. Ce ne serait pas tout à fait pareil. Le Liégeois, sur sa valeur actuelle, est un vrai beau cador. Si les Français l'emportent en lui cédant deux points, l'équipe la plus complète de ce week-end aura gagné. Mais pas le meilleur joueur. C'est ce "oui mais" que l'on ne manquera pas de leur jeter à la figure, cet astérisque sur leur "triomphe", que Tsonga peut écarter.
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Jo-Wilfried Tsonga et David Goffin lors du tirage au sort

Crédit: Getty Images

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