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Federer, le gigantesque point d'exclamation

Laurent Vergne

Mis à jour 30/01/2017 à 11:50 GMT+1

OPEN D'AUSTRALIE - Roger Federer a donc conquis dimanche le 18e titre majuscule de sa carrière. Il possède une saveur et une envergure spécifiques, en partie dues au contexte, à son âge, mais aussi et surtout au fait qu'il a été acquis face à celui qui n'a eu de cesse de lui mettre des bâtons dans les roues, y compris du temps de sa plus éclatante splendeur.

Roger Federer triomphant sur la Rod Laver Arena

Crédit: Panoramic

Comment distinguer les accomplissements d’un champion comme Roger Federer ? Avec son palmarès long comme le bras, il a laissé trop d’empreintes marquantes dans son sport pour les distinguer les unes des autres. Wimbledon 2003 aura toujours l’inégalable saveur de la première. Il y aura eu son premier Petit Chelem, le Grand Chelem en carrière avec son unique Roland-Garros, le record absolu dans la foulée à Wimbledon, etc.
Il est par ailleurs délicat de mesurer à chaud le juste impact de la finale de cet Open d’Australie. Alors, ce 18e majeur n’est peut-être pas le plus beau, le plus fort ou le plus tout ce que vous voudrez. A chacun d’établir sa propre hiérarchie, si cela est possible.
Mais il y a tout de même des raisons objectives pour penser que le chapitre écrit par Roger Federer deux semaines durant à Melbourne, à l’épilogue presque trop parfait pour être vrai, restera à part. Pas forcément au-dessus, non, mais à part. Pour au moins six raisons :
  • Federer a plus de 35 ans
  • Il n’avait plus gagné en Grand Chelem depuis quatre ans et demi
  • Il revient d’une période d’inactivité de six mois
  • Il a battu quatre joueurs du Top 10
  • Il a remporté trois de ses sept matches en cinq sets
  • Il a battu Rafael Nadal en finale
L’ensemble de ces éléments donne au 18e titre du Suisse une ampleur assez invraisemblable. De ces six raisons, j’insisterai surtout sur les deux premières et la dernière.
Aucun joueur de plus de 35 n’avait réussi à remporter un titre majeur depuis Ken Rosewall au début des années 70. Et si je continue de penser que l'Australien est un champion trop sous-estimé, gagner à 37 ans à son époque constituait moins une gageure que de triompher à 35 de nos jours, alors que la dimension physique de ce jeu est sans commune mesure avec ce qu’elle fut. C’est là un exploit assez phénoménal.
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Roger Federer - Australian Open 2017

Crédit: AFP

17 tournois majeurs entre ses deux dernières victoires

Il l’est d’autant plus, donc, qu’il survient après quasiment cinq années d’abstinence. Quand Federer a glané son 17e titre du Grand Chelem en juillet 2012, personne n’aurait rigolé à l’idée de le voir en conquérir au moins un autre. Mais si on vous avait dit que le suivant interviendrait en janvier 2017, vous ne l’auriez sans doute pas cru. Moi non plus.
Qu’un joueur, à près de 31 ans, cesse de gagner au plus haut niveau pendant des années sans que cette diète soit définitive, c’est à peine croyable. Il s’est écoulé 17 tournois du Grand Chelem entre Wimbledon 2012 et l’Open d‘Australie 2017. Dans l’ère Open, la seule période qui permette une comparaison adéquate puisque, auparavant, certains s’imposaient une coupure dans leur palmarès en Grand Chelem du fait de leur passage chez les pros, seuls deux champions ont attendu plus longtemps entre deux titres : Boris Becker, qui a laissé passer 19 tournois majeurs entre ses cinquième et sixième victoires et Arthur Ashe, recordman en la matière avec plus de cinq années d'attente, soit 21 majeurs.
Mais l’Allemand avait 23 ans en Australie en 1991, et seulement 28, toujours en Australie, en 1996 et Ashe était âgé de 26 ans en 1970, au début de sa période sans victoire. Des résurrections incomparables avec celle de Federer, qui avait donc déjà dépassé la trentaine au début de sa période d’abstinence.
Reste que la touche finale, et sans doute l’élément le plus significatif à mes yeux, celui qui confère le plus de force, c’est cette victoire finale contre Rafael Nadal. Oui, l’Espagnol n’était "que" 9e mondial. Peut-être Federer n'aurait-il pas gagné à Melbourne s'il avait dû y croiser Andy Murray ou Novak Djokovic. C'est possible, ni vous ni moi ne le saurons jamais. Mais Nadal, 9e ou pas 9e, a toujours constitué l'équation la plus complexe pour Roger Federer. Il a toujours été le "oui mais" de la carrière de Federer. Oui, Federer était le numéro un en termes de palmarès, mais son ratio si faiblard face à Nadal, particulièrement en Grand Chelem, et tout particulièrement en finale de Grand Chelem, imposait un astérisque à son statut de "plus grand de tous".

La fin du "oui mais" ?

Jusqu'alors, le Bâlois n'avait dominé son rival qu'en deux occasions sur les plus grandes scènes, à Wimbledon en 2006 et 2007. Dans son jardin. En dehors de ça, il fut en permanence sous la coupe du Majorquin. La finale de dimanche ne modifie pas radicalement 13 années d'un rapport de force si défavorable (encore qu'elle lui permet d'équilibrer leur bilan commun à 10 victoires chacun en dehors de la terre battue, où la suprématie nadalienne est incontestable). Elle n'efface pas totalement les cicatrices parisiennes, ou les plaies des cruels dénouements londonien en 2008 ou austral six mois plus tard.
Mais cette victoire a valeur de formidable contrepoids. Elle a soldé quelques comptes. Je pense sincèrement que, quand il partira, car il finira bien par partir, le cinquième set de cette finale résistera à la patine du temps pour s'affirmer comme un des moments les plus forts de la carrière de Federer. Certes, il avait prodigieusement servi pour empocher la première manche. Oui, il avait voltigé dans la troisième. Mais cela, nous l'avions déjà vu, y compris dans des finales qu'il avait fini par perdre face à Nadal. L'ouverture de la finale de Roland-Garros en 2006 reste en la matière le plus éclatant souvenir.
Non, ce cinquième set, c'était autre chose. Sa force de caractère après ce break concédé d'entrée, son absence de renoncement malgré les occasions manquées pour revenir et, peut-être plus encore que cela, la manière dont il a dominé Nadal à l'échange y compris dans la filière longue (ah, ce revers…), ont presque eu valeur d'exorcisme. Ce n'était peut-être pas un point final. Après tout, bien audacieux celui qui voudra se risquer à envisager le dénouement de dimanche comme l'ultime fait d'armes de RF. Mais un gigantesque point d'exclamation, soulignant l'aspect historique et spécifique de ce sacre-là, ça oui. En ce sens, le 18e joyau de la couronne de Federer brillera à jamais d'un éclat qui n'appartiendra qu'à lui.
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