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Message aux siffleurs : Lâchez un peu Wawrinka

Laurent Vergne

Mis à jour 07/06/2015 à 11:11 GMT+2

ROLAND-GARROS - Conspué depuis une semaine par le public français rancunier après ses propos post-finale de Coupe Davis, Stan Wawrinka ne mérite pas un tel acharnement. Le Vaudois encaisse mais, si ça ne le détourne en rien de son ambition et de son objectif dans ce tournoi, on le sent touché.

Stanislas Wawrinka

Crédit: Panoramic

Stan Wawrinka a vécu vendredi un moment fort de sa carrière. Comme il l'a rappelé après avoir battu Jo-Wilfried Tsonga, gamin, il ne rêvait pas de gagner Roland-Garros, mais juste "d'y jouer un jour". On imagine donc le légitime bonheur qui peut être le sien aujourd'hui. Or le public du court Philippe-Chatrier lui a volé une part (infime, heureusement) de ce bonheur en le sifflant lorsqu'il est venu le saluer au milieu du court une fois sa demi-finale achevée. Une attitude à la fois absurde et injuste, qui a en a scandalisé beaucoup. Y compris chez les Français.
Siffler un type qui vient de se coltiner quatre heures de lutte intense sous le cagnard en donnant tout ce qu'il a dans le ventre, c'est, réellement, dégueulasse. Evidemment, lors de sa conférence de presse d'après-match, Wawrinka est revenu sur cet épisode navrant. Il a été absolument royal. Ce fut, pour lui, l'occasion d'une mise au point pleine de sensibilité. Le Vaudois est revenu sur la source de ce qu'il faut bien appeler un malentendu. Le 23 novembre dernier, au soir de la victoire de la Suisse en finale de la Coupe Davis contre la France, à Lille, Wawrinka s'est lâché. Avec, en prime, un mini coup dans le nez, il a copieusement chambré les Français.
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Stanislas Wawrinka

Crédit: Panoramic

D'un malentendu à l'autre

Sur le fond, c'était un juste retour des choses. Les Tricolores avaient beaucoup parlé avant la finale. Lui avait gardé son "venin" pour l'après, là où les mots portent le plus. Il y avait eu, aussi, les propos de Jo-Wilfried Tsonga après son titre à l'Open d'Australie. Le Manceau se disait heureux pour Stan, mais trouvait qu'il le méritait au moins (sous-entendu, plus) que lui. Là encore, un malentendu. Tsonga n'avait pas voulu rabaisser Wawrinka et encore moins le blesser. Le propos de Jo, maladroit certes, était de dire que, lui, passé si près depuis plusieurs années, affichait une carte de visite globale plus à même d'en faire un champion en Grand Chelem que Wawrinka qui, quatre mois avant son couronnement austral, n'avait encore jamais franchi les quarts. Bref, ce n'était pas ce qu'il avait voulu dire. Mais c'est ce qu'il avait dit...
Sur le fond, on pouvait parfaitement comprendre l'ami Stanislas. Sur la forme, il s'était à son tour montré maladroit dans les entrailles du stade Pierre-Mauroy. Une pique, puis deux, puis quatre en dix minutes, cela faisait beaucoup. Stan n'avait pas su s'arrêter, bien après que son message, légitime, fut passé. Depuis, donc, le public français ne le lâche pas. "J'ai l'impression que ce qui s'est passé en Coupe Davis l'année passée reste un peu au niveau du public", a-t-il dit vendredi. Tu crois, Stan ? Sifflé, presque hué après avoir battu Gilles Simon, rebelote (en un peu moins fort), contre Tsonga. Même dans le duel helvéto-suisse face à Federer (un quasi-Français en termes de côte d'amour auprès du public, il est vrai), il avait pris cher. "Forcément, souffle-t-il, ça ne fait pas plaisir."
Qui va remporter la finale messieurs ?
Il a certes été maladroit à Lille, mais il n'a pas été méchant
Franchement, il est temps que tout ça s'arrête. D'où son cri du coeur : "Ce soir-là, j'ai dit des choses, je suis sans doute allé trop loin. Mais je n'ai jamais cherché à blesser personne. Ce n’était pas de la méchanceté mais du "chambrage", comme eux ont pu en faire." "Il a certes été maladroit à Lille, note Isabelle Musy, journaliste suisse à la RTS, mais il n'a pas été méchant. Il avait gagné un trophée magnifique avec la Suisse, il avait bu un peu de champagne avant de venir en conférence de presse et de faire quelques déclarations maladroites. Toute la pression qu'il avait sur les épaules était retombée entre ses piques avec Tsonga, le "Mirkagate" au Masters et c'était normal qu'il se lâche un peu." "Puis pour nous, entre joueurs, la Coupe Davis, c'est du passé", jure l'intéressé.
Mais rien à faire, depuis, la ligne est friturée. "Je ne comprends pas bien l'image d'arrogant qu'il a en France, note encore Isabelle Musy. En Suisse, il est vraiment perçu comme une crème, quelqu'un de gentil, de modeste, d'humble. Après, c'est vrai qu'il aime bien chambrer et il accepte d'être chambré lui aussi. Vous pouvez le demander à Benoît Paire, Roger Federer ou encore Gaël Monfils, tous vous le diront." Et Stan d'expliquer qu'il n'a d'ailleurs aucun problème avec les Français. "Ça se passe très bien avec Jo par exemple. On s'entraîne souvent ensemble. J'étais le premier content qu'il rejoue bien et qu'il soit en demie, ici. Je suis le premier déçu qu'il ne passe pas aujourd'hui (vendredi), même si je suis très content que ce soit moi. Et j'espère que les Français gagneront la Coupe Davis parce qu'il y a plein de mecs qui le méritent dans cette équipe."
Si on me siffle, je ne remercierai plus et je sortirai du terrain
Donc, pour résumer : on (qui, pour le coup, rime vraiment avec con) s'échine donc à siffler un type parce qu'il a chambré des mecs qui l'avaient chambré avant sachant que tout ce petit monde, en prime, a plus d'estime que de rancoeur à partager? Absurde. "Je ne pense pas être un gars méchant, a encore plaidé le Suisse. Je ne suis pas quelqu'un qui cherche les embrouilles. Je suis juste là pour jouer et essayer de gagner mes matches."
J'avoue avoir éprouvé un drôle de sentiment en entendant Wawrinka évoquer une porte de sortie à cette situation. "Si on me siffle comme quand j'ai battu Simon et que j'ai remercié le public, a-t-il expliqué, je ne remercierai plus et je sortirai du terrain. Il n'y a aucun problème avec ça." Si, justement, il y a un problème avec ça. Et ce n'est plus la cause (le chambrage de Lille) qu'il faut traiter, mais l'injuste conséquence. Alors, dimanche, si vous avez la chance d'avoir une place pour la finale, et que, par bonheur pour lui, Stan Wawrinka va au bout de ce rêve qu'il n'aurait même pas osé caresser étant gamin, ne le sifflez pas. Ce n'est pas lui que vous atteindrez, c'est Roland-Garros que vous salirez. Et vous-même.
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