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Dans la tête, Monfils a fait pschitt

Laurent Vergne

Mis à jour 10/09/2016 à 08:43 GMT+2

US OPEN 2016 – Jamais aussi fort et serein qu'en ce moment, Gaël Monfils avait sans doute les armes pour faire mal à Novak Djokovic. Mais le Français, battu en quatre manches, a complètement raté son approche de cette demi-finale. Résultat, il n'a commencé à jouer qu'après deux sets, donnant même l'impression dans la partie initiale du match de faire un peu n'importe quoi...

Gaël Monfils

Crédit: AFP

Avant cette demi-finale, j'étais, comme beaucoup j'imagine, très, très excité par ce duel entre Novak Djokovic et Gaël Monfils. Je n'étais pourtant pas dans le camp des optimistes. J'avais beaucoup de mal à imaginer une victoire du Français. Pas parce que Gaël Monfils est Gaël Monfils. Mais surtout parce que Novak Djokovic reste Novak Djokovic. J'étais en revanche persuadé qu'il y aurait match. Un vrai match. Une vraie baston. Dont le numéro un mondial, parce qu'il a trop de vécu, d'atouts et de solutions dans ce type de circonstances, finirait par sortir vainqueur. Mais en ayant été fortement secoué. A l'arrivée, Djokovic a bien gagné, mais ce match que je qualifierai presque d'absurde laisse un goût un peu amer.
Pendant un peu plus de deux sets, Monfils a été désespérant. Je ne trouve pas d'autre mot. Ce n'est pourtant pas son "cirque" à 5-0 dans le premier set, en mode petit vieux, jouant en marchant, sliçant toutes les balles, qui m'a gêné. Certes, il a pu donner l'impression de faire un peu n'importe quoi. Malgré tout, cela a suffisamment perturbé Djokovic au point de lui permettre de revenir à 5-3 avec balle de debreak pour revenir à 5-4. Le Serbe a d'ailleurs admis lui-même qu'il s'était fait un peu manger la tête à ce moment-là.
Mais on ne gagne pas une demi-finale de Grand Chelem, encore moins contre Djokovic, en bluffant pendant un quart d'heure. Le plus terrible, c'est que cette apparente désinvolture a pu laisser penser que Monfils prenait presque par-dessus la jambe cette demi-finale, d'où les commentaires en direct de John McEnroe sur son attitude "non professionnelle".
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Monfils : "Je suis désolé si j'agace McEnroe..."

Deux sets pour désespérer, un autre pour aviver les regrets

Or c'était à mon avis tout le contraire. En réalité, il la voulait tellement, cette victoire, qu'il était tendu comme jamais. Stressé au point de déjouer dans les grandes largeurs. Personne n'est dans la tête de la Monf' (je n'aime autant pas, ça a l'air d'être un joli bazar là-dedans par moments), mais j'ai quand même le sentiment que, mentalement, il s'est fait une montagne d'un évènement devenu soudain trop énorme pour lui. Mentalement, il a fait pschitt.
Le problème, ce n'est donc pas tant d'avoir slicé à deux à l'heure comme un crocodile de 60 balais, puisque c'était sa façon à lui d'évacuer une partie de son stress, mais d'en être réduit à se comporter comme ça au bout d'un quart d'heure parce qu'il n'avait déjà plus de solution. Le problème, c'est de se retrouver mené 5-0, précisément, en un quart d'heure. De ne plus avoir de service. De ne pas avoir de fil conducteur. Tout ça en une quinzaine de minutes. Oui, Monfils est longtemps passé totalement à côté de cette demi-finale. Le temps de se retrouver mené 6-3, 6-2, 2-0.
Si les deux premiers sets ont désespéré, le suivant aura surtout servi à donner d'énormes regrets. Une fois un pied et quatre orteils dans la tombe, Monfils a enfin joué au tennis. Et, ô miracle, quand il s'est (partiellement) libéré, il a bousculé Djokovic. Il a mis de l'intensité, a couru sur toutes les balles, frappé beaucoup plus fort et, logiquement, fait beaucoup plus mal. C'est en jouant comme ça, et pas comme un p'tit vieux, qu'il a gagné ce troisième set. Il y a alors eu match et nous avons eu un aperçu de ce qu'aurait pu, aurait dû, être cette demi-finale. Vu l'ampleur du naufrage initial, cette défaite en quatre sets en dit aussi long sur ses manques du jour que sur son potentiel du moment.
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Djokovic - Monfils : Les temps forts du 3e set

Une routine pour Djokovic, un exploit pour lui

C'est d'autant plus rageant que ce n'était pas un grand Novak Djokovic en face. A coups de forfaits et d'abandons, le boss a pu avancer masqué dans ce tournoi. Mais on ne le sent pas aussi fringant et dominateur qu'il a pu l'être jusqu'à la fin du printemps. Il y avait la place, sinon pour le battre, en tout cas pour le faire douter avant d'être mené deux sets et un break. Le Monfils de cet été, j'en suis convaincu, avait de quoi le mettre dans les cordes. Peut-être pas K.-O. Mais de quoi le secouer, oui. Au bout du compte, c'est la Monf' qu'on aura eu envie de secouer vendredi soir. On a eu envie de lui hurler "mais pourquoi ne lui rentres-tu pas dedans?" La réponse, une fois encore, tient dans son incapacité à avoir géré ce match forcément pas comme les autres.
Ses premiers mots, au micro d'Eurosport, à la fin du match, m'ont presque autant décontenancé que ses actes sur le court. A l'écouter, Djokovic était juste "trop fort" pendant deux sets. Ah bon ? On n'a pas dû voir le même match, Gaël. Ou je ne l'ai pas vu comme il l'a vécu. J'y ai surtout vu un Monfils incapable de prendre son match à bras le corps, plus qu'un Djokovic injouable. Tout ça laisse vraiment une impression frustrante. Parce que tout ce qu'il avait montré ces derniers mois, ces dernières semaines et ces derniers jours autorisait justement à penser qu'il était à l'abri d'un pareil ratage. Manifestement, la métamorphose gaëlienne, si elle a bien été entamée, n'est pas encore achevée.
Malgré tout, sa saison reste remarquable, sa campagne estivale plus encore, et il est sans aucun doute sur la bonne voie. Mais il ne faut pas oublier que Monfils a joué vendredi sa première demi-finale de Grand Chelem depuis plus de huit ans. Pour Djokovic, dont c'était la 31e en carrière, la 10e de suite à Flushing, c'est une routine. Pour Monfils, cela reste un exploit. Il faudra sans doute qu'il parvienne à banaliser ce type de performances pour mieux appréhender ces échéances. Il devra aussi comprendre pourquoi et comment il a massacré ses deux premiers sets. Car si, à froid, après avoir revu ce match avec Mikael Tillström, sa seule analyse devait être "Djokovic était juste trop fort", il est à craindre que la prochaine, si prochaine il doit y avoir (et il n'y a aucune raison que ce ne soit pas le cas) ne se passe pas beaucoup mieux.
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Djokovic - Monfils : Les temps forts

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