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Voici "Les Improbables"

Julien Carrasco

Publié 24/04/2015 à 10:01 GMT+2

La Coupe Davis, c'est le reality-show du tennis moderne.

Voici "Les Improbables"

Crédit: Eurosport

Peu importe les enjeux sportifs des tournois du Grand Chelem, pendant trois jours, les foules sont prêtes à se passionner pour des matches de tennis où l'on peut aussi bien voir un 138e joueur mondial faire une quasi expérience extracorporelle pour jouer niveau top 50 (Martin Fischer), assister à la résurrection d'un autre joueur qui n'avait pas gagné un match depuis cinq mois (Jérémy Chardy) et observer la fiancée d'un top 10 se morfondre et se recoiffer (la sympathique nageuse Mirna Jukic). Le tout en partageant la passion patriotique et potaches des héros du jour (des trois jours donc). Potaches, car s'il n'y a pas de piscine dans les vestiaires comme il y en avait dans le Loft, la "gigantesque bataille d'eau", dixit AFP, déclenchée par les Français a permis de noyer les esprits chagrins qui traînaient en début de semaine. Une façon de célébrer un grand soulagement.

Trois phénomènes inexplicables

Contre toute attente, la France a donc fait vibrer ses supporters non pas pour ses polémiques mais pour ses résultats, étonnants, déconcertants à l'image d'une équipe inédite, qui semble réfractaire à toutes certitudes. Leader, Gilles Simon s'est écroulé au plus mauvais moment et n'a toujours pas de victoire référence dans la compétition. Pilier de l'équipe en 2010 et du double depuis des lustres, Michaël Llodra a été plus efficace en tribune comme chauffeur de salle que sur le court. Annoncé comme apéritif de luxe pour l'ogre Jürgen Melzer, c'est un Palois aux pieds ailés qui a survolé ce week-end : Jérémy Chardy, passé de la crise existentielle à l'exploit en une semaine.

Les trois phénomènes sont inexplicables : l'échec incroyable de Gilles Simon, qui menait deux sets à un, avec un break d'avance dans le quatrième set, et qui a disparu des radars de l'aéroport de Vienne après deux doubles fautes et deux débreaks dans le 4e set.. Le tennis amorphe de Llodra, et la qualité de première balle de Chardy. Et cela pose autant de problèmes :
Pourquoi Simon craque-t-il ?

. Gilles Simon vient de connaître deux défaites en cinq sets très frustrantes. A Melbourne, face à Roger Federer, en cinq sets, puis avec une configuration encore plus favorable à Vienne. Quand on sait qu'il a été 6e mondial (une semaine le 5 janvier 2009) en atteignant un seul quart de finale de Grand Chelem en 20 participations, on se demande si celui qui est à juste titre décrit comme un tacticien hors-pair, n'est pas un peu court nerveusement dans les grandes occases. Cela arrive à d'autres, ce n'est pas une tare et surtout cela passe souvent avec l'expérience, mais c'est un problème qui commence à être encombrant.

On peut apprécier le tennis déroutant de Simon, ce qui est mon cas, constater l'efficacité de l'usure qu'il provoque chez les meilleurs, il faut aussi admettre que le manque de reconnaissance du joueur (sur le circuit et en Coupe Davis) ressemble de plus en plus à une confiance en soi trop aléatoire. Et il laissait Guy Forget (ou un autre que Thierry Tulasne, son coach) lui "parler de son jeu ?" (pour reprendre l'expression qui avait fait polémique en début de semaine dans L'Equipe).

Llodra est-il indiscutable ?

. Michaël Llodra n'y arrive plus. Depuis le match décisif de la finale de Coupe Davis, celui qui avait réalisé sa plus belle saison en simple en 30 ans l'an passé, n'arrive pas à se transcender. En double, il a carrément plombé l'affaire en fin de match. Guy Forget peut-il vraiment se passer de celui qui est plus qu'un joueur mais le relais de l'esprit Forget ? Improbable. Mais il faut prendre désormais en compte que Jérémy Chardy est aussi un très bon joueur de double sans parler de Richard Gasquet. Forget voyait bien Gasquet devenir un grand joueur de double en décembre dernier. Le moment de le convaincre est-il venu ?

Avec Forget contre l'Allemagne ?

. Pour le prochain tour, en Allemagne, un an après la victoire des Français à Toulon, Guy Forget sera-t-il sur le banc ? "Si demain il y a un conflit tel que mon départ pourrait apaiser les esprits, même pour l'Allemagne, moi je laisse ma place", lance-t-il ce mardi dans L'Equipe. "Je n'ai pas peur de ne plus être capitaine", confie-t-il. Après douze ans de bons et loyaux services, cela se comprend. Mais tout cela permet aussi d'évacuer la tension d'un premier tour qui n'a pas été facile pour Forget.

Il faut s'en tenir à ses déclarations de dimanche où il se réjouissait  d'avoir "des choix difficiles à faire". Le capitaine a-t-il été impressionné par Jérémy Chardy au point d'en faire un titulaire ? Très loin de là ! "J’espère que, d’ici là, tous les joueurs les mieux classées seront revenus", souhaite-t-il surtout, et qu’il n’y aura pas de blessures. J’espère qu’il y aura une vraie compétition entre les joueurs car les places seront chères. Je vais Vous connaissez les égos des uns et des autres, et vous savez ce que peut engendrer une non-sélection. J’espère qu’ils prendront ma prochaine sélection avec philosophie et avec le sourire car je sais que, pour ma part, ce sera un vrai casse-tête."

Tout (re)commence donc pour le groupe. Pour Guy Forget et ses douze années d'expérience, et pour Jérémy Chardy, qui, après 12 ans aussi de super boulot avec Frédéric Fontang  se tourne vers Patrick Mouratoglou pour franchir une nouvelle étape. Gagner deux matches de Coupe Davis à l'extérieur, battre un top 10, sauver son équipe, ressusciter, cela ne vous assure pas une place pour le prochain tour, et c'est normal. La Coupe Davis, c'est l'antichambre du circuit. Loin de l'effet loupe des caméras internationales des tournois du Grand Chelem, chaque sélectionné peut s'exprimer, extérioriser tout son potentiel sans complexe, dans l'intimité surchauffée d'une salle des sports (des hangars plutôt que des boudoirs) mais il faut gagner ce droit, et le mieux, malgré les hymnes et les jeux et les baptêmes de l'air, c'est de briller en Grand Chelem. Et pour gagner la Coupe Davis, il faut oublier les tournois du Grand Chelem.

Julien Carrasco
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