Rosol, l'improbable

Ils sont nombreux à naviguer autour du top 100. Anonymes membres d'un circuit qui ne réserve sa lumière qu'à ses principales têtes d'affiche. Lukas Rosol, 100e joueur mondial, s'est offert son moment de gloire, son quart d'heure warholien jeudi en sortant de Wimbledon Rafael Nadal himself. L'Espagnol a bien eu du mal à y coire, le Tchèque aussi. "Je n'arrive pas à y croire. Je voulais juste faire trois bons sets. C'est un rêve pour moi", a-t-il savouré. Difficile à croire en effet.

Rosol n'a disputé que 52 matches sur le circuit principal pour 20 victoires seulement (Nadal en est à 585 succès en 700 rencontres). Sa saison 2012 est quelconque : onze victoires, treize défaites en 2012, et rien de mieux qu'une demi-finale en Challenger, à Bordeaux, avant Roland-Garros. Lui qui, à 26 ans, n'avait jamais passé un tour en tournoi du Grand Chelem hormis à Roland Garros (3e tour en 2011), s'est payé le luxe de battre le n.2 mondial pour sa première apparition dans le tableau principale à Wimbledon. Il avait déjà tenté sa chance sur le gazon londonien pour cinq défaites au premier tour des qualifications : "Mais à chaque fois, j'arrivais la veille, pas préparé", a-t-il précisé.

Le plus surprenant, c'est qu'il n'y est pas grand chose à redire. Le géant de Brno a dominé dans tous les compartiments du jeu et notamment en fond de court, un comble face à Nadal. Rosol était dans une sorte d'état de grâce. "Dans le cinquième set il a joué incroyablement bien. C'était plus qu'incroyable même", a reconnu un Rafael Nadal impuissant. Son bourreau a tracé le même sillon : "J’ai joué de manière incroyable aujourd’hui. J’espère pouvoir faire plus d’un match comme ça. C’est le meilleur moment de ma carrière." La question est de savoir si Rosol va pouvoir conserver son niveau de jeu ?

st-il capable de rééditer ce genre de performance ou cette performance relève-t-elle uniquement de l'accident ? Le Tchèque retrouvera Philipp Kohlschreiber au prochain tour pour une rencontre entre les deux derniers bourreaux de Nadal. "S’il continue à jouer comme il a joué au cinquième set, il peut battre n’importe qui", estime Nadal. "Mais tous ceux qui suivent le tennis savent combien c’est difficile de répéter ça." D'autant que le jeu du Tchèque est basé sur une prise de risque maximale et missiles en coups droits ont une fâcheuse tendance à trouer les bâches quand la machine se dérègle.

Rosol n'a pas de marge de sécurité et estime ainsi qu'il "peut battre n'importe qui" comme "perdre contre des joueurs classés 500e." C'est cette irrégularité qui le scotche dans les profondeurs du classement ATP, lui qui n'a jamais dépassé le 65e rang. Toujours est-il que Rosol s'est fait un nom. Chez les bookmakers londoniens, sa cote a explosé. Il est désormais leur cinquième favori pour la victoire finale derrière Novak Djokovic, Roger Federer, Andy Murray et Jo-Wilfried Tsonga. Lui, l'anonyme 100e joueur mondial.