Pour Richard Gasquet, battre Wawrinka, c'était fort, sortir Novak Djokovic, ce serait monumental

Quinze ans. Voici le laps de temps écoulé depuis la dernière victoire d'un Français face à un numéro 1 mondial en Grand Chelem. C'était Arnaud Clément qui avait réussi à vaincre André Agassi sur ses terres à l'US Open en 2000. Depuis plus rien. Sebastien Grosjean (face à Federer à Wimbledon en 2004), Jo-Wilfried Tsonga (face à Djokovic à Roland en 2012), Gaël Monfils (face à Nadal à Melbourne en 2014) ou encore Gasquet lui-même (face à Federer à Wimbledon en 2007) ont tenté leur chance, sans succès.

Alors 101e mondial et âgé de 18 ans, le "Mozart du tennis" signe une performance majuscule en demi-finale de Monte-Carlo. Il élimine un Roger Federer pas loin d'être au sommet de son art (6-7, 6-2, 7-6). Le genre de victoire qui lance un début de carrière. Sauf que depuis 10 ans le Biterrois n'a plus jamais triomphé d'un numéro 1 mondial. Il a joué 14 fois face au boss de l'ATP, sans jamais rééditer son exploit. Vendredi, face à Djokovic, il croisera une 16e fois le fer face à un numéro 1, avec un passif très lourd.

Franchir les quarts d'un tournoi majeur reste un objectif raisonnable pour les Français. Avec un ratio de 13 victoires sur 35 quarts de finale joués (37,1%) , on est loin du ridicule. Ça se corse en revanche singulièrement à l'étape suivante, lorsqu'il s'agit de s'extirper des demi-finales. Seuls deux irréductibles y sont parvenus en 13 tentatives lors des 15 dernières années : Tsonga, qui avait rallié la finale de l'Open d'Australie en 2008 et Clément (Melbourne 2001). Et encore, la "Clé" avait dominé à ce stade son compatriote Sébastien Grosjean. Le tennis français était sûr de sortir vainqueur pour le coup...

King des quarts de finale (3 victoire pour 3 matches joués à ce niveau-là en Grand Chelem), le numéro 20 mondial n'a encore jamais franchi le cap du dernier carré. En 2007 à Wimbledon il avait été expédié par le maitre des lieux, Roger Federer (7-5, 6-3, 6-4). Sa résistance face à Rafael Nadal 6 ans plus tard en demie de l'US Open avait été tout aussi relative (6-4, 7-6, 6-2). Une fois encore, face à Djokovic, la marche semble très haute à franchir.

Certainement la stat qui pèsera très lourd dans le duel entre les deux hommes vendredi. Le Serbe a gagné 92% des rencontres jouées face à Gasquet. Soit une minuscule victoire du Français contre 11 pour "Nole". Et elle date de 2007 en poule du Masters (6-4, 6-2) du temps où Novak n'était pas encore le monstre Djokovic. Depuis, pas une victoire et, pire encore, pas mal de gifles, à l'image du huitième de finale joué il y a un mois à Roland-Garros (défaite 6-1, 6-2, 6-3 de Gasquet). Djokovic a gagné leurs 9 derniers duels, remportant 22 sets sur 23. Après avoir pris un set en près de huit ans, "Ritchie" va devoir en prendre trois vendredi après-midi.

Comme ses deux dernières demi-finales jouées en majeur, Gasquet a dû s'arracher en quart. Cinq sets, c'est le tarif pour qu'il atteigne le dernier carré. A Londres en 2007 et à Flushing Meadows en 2013 (où il avait qui plus est enchaîné deux matches en 5 sets), il n'avait pas réussi à trouver l'énergie nécessaire pour se hisser en finale. Face à la bête physique qu'est Novak Djokovic l'équation sera la même. Il aura un combat épique dans les jambes alors que le numéro 1 mondial, lui, était en promenade contre Marin Cilic. Même si cette dimension physique est moins prépondérante à Londres qu'à Roland-Garros par exemple, elle n'est pas négligeable. Surtout contre le Djoker.

Sous le joug du "Big Four" pendant de longues années, le tennis n'a connu que très peu de surprises ces derniers temps. Marin Cilic a bien réalisé l'improbable à l'US Open en 2014 alors qu'il était 14e mondial et Berdych a joué une demie à Wimbledon alors qu'il était numéro 13. Mais Gasquet serait, en cas de victoire, le plus mal classé à rejoindre une finale de GC depuis Söderling en 2009. Le Suédois, alors 25e à l'ATP, avait éliminé le monstre sacré Nadal dès les huitièmes avant de s'incliner contre Federer en finale.