"L'avenir est au multi !"

Fred Le Peutrec : J'ai un grand plaisir à participer à toutes épreuves de multicoques en général. C'est le multi qui m'a fait découvrir le plaisir intense de la navigation et m'a déterminé dans ma conviction de naviguer. Ce n'est pas seulement un bateau à voile, c'est engin qui glisse, qui des pouvoirs d'accélération et une capacité de surpuissance qui me transporte. C'est un engin de vitesse. En plus, sur ces 40 pieds ça devient un peu plus aérien. C'est un peu un truc qui vole aussi…

F.L.P. : Le principe de l'iShares Cup est de ramener le spectacle le plus près possible des côtes afin qu'il soit visible et compréhensible de début à la fin de l'épreuve pour le public placé sur la grève. Pour faire ça, il faut des parcours très réduits et ça conduit donc à des régates en paquet. On passe notre temps à sortir d'une bouée pour aller en enrouler une autre, on est toujours en situation de manœuvres, ce qui demande une certaine attention à l'équipage, tourné en permanence vers l'intérieur du bateau. De fait, la gestion des aspects tactiques devient difficile et ça donne lieu à des erreurs qui sont souvent synonymes de spectacle.

La formule trouve visiblement sa raison d'être...

F.L.P. : Oui, ça plaît. Ensuite, c'est l'équilibre financier qui dira si ça peut perdurer. Mais ça a été très bien monté par l'équipe de Mark Turner et OC Events. Ça a surtout l'avantage d'avoir drainé une population qui n'était pas forcément intéressée par le multicoque. On a un mix entre des gens qui viennent de la culture monocoque mondiale et d'autres qui comme moi viennent du multi. Beaucoup de gens qui sont là étaient dans les équipes nationales de Tornado française, néerlandaise, etc… Ce mix est assez porteur.

F.L.P. : Quelle que soit la taille du multi, les sensations sont les mêmes. Seul le rapport d'échelle induit des complications supplémentaires. Ce sont les mêmes équilibres de sensations, de comportements, d'accélération, de décélération que l'on soit sur un 18, un 40 ou le 105 pieds de Groupama sur lequel j'ai navigué cet hiver. Mais il y a évidemment plus de conséquences quand on fait une erreur sur un gros bateau que sur un petit. Sur l'iShares Cup, si on désale sur une faute, on peut redresser le bateau, et deux fois sur trois le mât n'est même pas abîmé. Ce n'est pas le cas sur un gros multi océanique.

Les équipages de l'iShares Cup comprennent quatre membres, contre dix-huit aux prochains équipages de la Coupe de l'America...

F.L.P. : A quatre, on a exactement les mêmes solutions de réglages qu'à dix huit : il y a un barreur et un tacticien qui dialoguent sur les options qui s'offrent, et deux régleur de voiles, un pour le foc et un pour le spi. Après, sur un plus gros bateau on n'a pas la force physique pour régler une grande voile de 300 m2 ; on est donc trois, quatre ou cinq. La différence est qu'une erreur sur un Extreme 40 est très souvent rattrapable, pas sur un grand bateau.

Cette nouvelle formule de la Coupe de l'America vous rend donc optimiste...

F.L.P. : Je crois beaucoup dans le fait que les Anglo-saxons s'emparent du multicoque pour le dynamiser, le professionnaliser et le pérenniser sur le plan financier. Je crois dans le retour du multicoque à travers eux. La Coupe de l'America illustre bien ça. Même cette compétition peut se courir en multi. Russel Couts et tous ceux qui ont goûté au multicoque récemment n'en sont pas redescendus. Ils ont découvert un monde de sensations qu'ils ne soupçonnaient pas, des finesses qu'ils n'imaginaient pas car on a coutume de dire que le multi était un truc de bourrins, qui allait tout droit et qui ne donnait pas à réfléchir. Ça les a complètement décollés de la planète et ils ont du mal à faire autre chose maintenant !