Fallait pas les énerver !

Le Stade de France s’est vidé depuis quelques minutes et Usain Bolt a la tête des mauvais jours. Pourtant, le Jamaïcain vient de s’imposer sur le 200m, point d’orgue de la réunion francilienne. Le chrono (20”03) n’est pas mauvais, mais il reste loin des attentes du sprinter caribéen. Invaincu sur la distance depuis trois ans, il avait fait mieux à Oslo (19”86), début juin. L’homme est énervé et a du mal à le cacher. La raison, tout le monde l’a vue, lui le premier…

Prévu à 21h46, le départ du demi-tour de piste n’a finalement été donné qu’un quart d’heure plus tard. Un problème à la cellule de chronométrage a d’abord été avancé. Mais selon nos informations, c’est un souci de soudure, découvert tardivement, dans le casque du starter qui est finalement à l’origine de ce retard. Bolt ne le sait pas et s’en fiche sûrement. Mais voir l’athlète “le plus cool de la planète“ irrité de la sorte est assez rare pour être signalé. Après avoir accordé cinq minutes d’interviews aux journalistes, le Jamaïcain, qui a reçu 300 000 dollars pour venir courir à Paris, décide subitement de tourner les pointes pour regagner le tartan tout neuf du Stade de France. Les télés ont eu quelques images. La presse écrite attendra. “Je me refroidis, ça ne va pas“, avance-t-il.

La scène est surréaliste. Bolt tourne le dos aux médias et décide alors de s’allonger… sur une table de massage, placée par son kiné à quelques mètres de la zone mixte. Les soins vont durer un bon quart d’heure. Sous les yeux de son agent, et devant un parterre de journalistes médusés, le Jamaïcain se fait masser… et envoie quelques SMS. Sur les conseils de Ricky Simms, il revient ensuite discuter avec les médias. Contraint voire forcé. Six questions lui sont posées. Pas une de plus. L’agent veille au grain. “C’était venteux et j’ai pris froid en attendant le vrai départ. Dans la ligne droite, mes jambes ne me portaient pas bien. Jusqu’aux 150m, c’était O.-K., mais les 50 derniers mètres n’étaient vraiment pas bons. Heureusement, je sors de cette course dans blessure“, explique le Caribéen, légèrement grippé. Bolt quitte la presse, sans avoir retrouvé le sourire. Avant cela, Christophe Lemaitre s’est montré un peu plus prolixe. Mais, à l’image de son adversaire, le Savoyard est tout aussi déçu.

On lui prédisait une course proche des 20 secondes. Celui qui détient conjointement le record de France avec Gilles Quénéhervé (20“16) n’a pas été en mesure de s’en approcher (20“21). Son amertume est immense : “Je m’attendais vraiment à battre ce record. La barrière des 20 secondes reste à ma portée. Il faut juste que je sorte la course qu’il faut“. Comme Bolt, Lemaitre n’a pas le rictus facile ce vendredi soir. Il est même carrément dégoûté : “Cela a été un peu perturbant. J’étais vraiment bien mentalement. Après ce problème technique, c’était difficile de rester concentré et dynamique, de rester chaud“. Pour le Français, ce retard explique, en grande partie, ce décevant chrono. Tout n’est pas à jeter dans son 200m pourtant. “Je ne fais pas une mauvaise course. Je pars sur des petites foulées. Je me déporte légèrement dans le virage, mais dans la ligne droite opposée, j’essaye de garder le contact et de me rapprocher de lui“. A Monaco, le 22 juillet prochain, les deux hommes se retrouveront. Au Stade Louis II, sur 100m et avec un starter au point cette fois-ci. Et le sourire en prime s’il vous plait…