Rétro: Séville 1999

Lorsqu'il débarque en Andalousie en août 1999 pour disputer les Mondiaux, Michael Johnson nourrit plus de doutes que de certitudes. Depuis son doublé 200-400 à Atlanta trois ans plus tôt, le Texan a connu une succession de blessures et la dernière, en mai 99, l'a contraint à renoncer aux sélections US sur 200m. Johnson ne dispute donc que le tour de piste à Séville. Touché dans sa chair, il l'est également dans son âme, car les journalistes prétendent qu'il a simulé cette dernière blessure pour éviter de se confronter à Maurice Greene.

Mais en ce jeudi 27 août, sous les coups de 19h45, Michael Johnson va tout oublier. Plus qu'un quatrième titre mondial, c'est surtout la quête du vieux record du monde de Harry Butch Reynolds (43"29 en 1988) qui l'obsède. L'Américain va pourtant réussir l'impossible, avec des temps de passage sidérants: 11"10 au 100m, 21"22 à mi-course, 31"66 à l'entrée du dernier virage et enfin 43"18 sur la ligne d'arrivée. A 32 ans, l'homme aux chaussures dorées a atteint tous ses rêves. Il décroche un dernier titre quelques jours plus tard sur 4x400m et devient l'athlète le plus titré de l'histoire des Mondiaux, avec neuf médailles d'or, soit une de plus que Carl Lewis.

Outre Johnson, d'autres grandes stars confirment leur suprématie sous la canicule andalouse. C'est le cas du Cubain Ivan Pedroso (longueur), de l'Américaine Gail Devers (100m haies) ou du Danois Wilson Kipketer (800m) qui décrochent tous leur troisième couronne mondiale consécutive. Haile Gebresselassie en est lui à quatre sur 10000m. Et Lars Riedel fait encore mieux. Le discobole allemand obtient à Séville son cinquième titre consécutif de champion du monde au disque. Il n'est plus qu'à une marche de Serguei Bubka, dorée à six reprises entre 1983 et 1997.

La perche entre donc dans une nouvelle ère. Elle qui n'avait donc connu qu'un seul patron dans son histoire, Serguei Bubka, couronne un nouveau tsar. Le Russe Maksim Tarasov s'offre son premier sacré et, en prime, le record des Championnats (6m02). Mais les hommes ne sont plus les seuls à s'élever à des hauteurs folles puisque, pour la première fois, la perche féminine fait son entrée au programme des Championnats du monde. L'Américaine Stacy Dragila s'impose, au terme d'un concours de toute beauté.

Au tableau des médailles, la suprématie américaine reste incontestable, notamment sur le sprint. Maurice Greene réussit un formidable doublé 100m-200m, et connaît plus de réussite que Marion Jones, titrée sur 100m, mais contrainte de sortir sur une civière lors des séries du 200. Avec 17 podiums, la Bannière étoilée poursuit toutefois un imperceptible déclin, après les 18 médailles d'Athènes (97), les 19 de Göteborg (1995) et les 25 de Stuttgart (1993). Où s'arrêtera la chute?

L'équipe de France est quant à elle bien loin de ces comptes, mais ses trois médailles (une en or, deux en argent) constituent un bilan tout à fait satisfaisant, surtout en l'absence de Marie-José Pérec, principale pourvoyeuse de breloques depuis une dizaine d'années.

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Arrogant, rouleur de mécaniques, trop sûr de lui, Maurice Greene n'est pas à proprement parler un monstre de modestie. En revanche, il est bien un monstre du sprint en cette année 1999. Le 16 juin, à Athènes, il s'est emparé du record du monde du 100m. En 9"79, il a brisé une barrière déjà franchie par le banni Bern Johnson, onze années plus tôt aux Jeux de Séoul. Mais le meilleur reste encore à venir pour "Mo". A Séville, il ajoute trois médailles d'or à son palmarès. Sur 100m bien sûr, où il flirte avec son nouveau record (9"80), mais aussi sur le 200 (19"90) et le 4x100m. Greene rejoint Carl Lewis, Michael Johnson et Marita Koch, les seuls avant lui à avoir cumulé trois médailles d'or sur un même championnat.

L'empereur du 10000m a pris l'habitude d'entrer un peu plus dans la légende de l'athlétisme, et celle de son pays, à chaque compétition internationale. Depuis son premier titre sur la distance, en 1993, alors qu'il avait tout juste 20 ans, "Gebre" n'a cessé d'enchanter par sa foulée limpide, et sa façon unique d'accélérer quand bon lui semble, pour finir tel un sprinter. C'est encore de cette manière que l'Ethiopien va conserver sa couronne en Espagne. Après une course prudente, et plutôt lente, Gebresselassie s'en remet à sa formidable pointe de vitesse pour devancer son principal rival, le Kenyan Paul Tergat. Un dernier tour de feu (54"37) et un dernier 200m étonnant après une si longue course (26"3) lui offre son quatrième titre. A 26ans, Gebre se cherche maintenant d'autres défis, comme le marathon, pour rejoindre son glorieux aîné, Abebe Bikila.

Seuls trois hommes se sont partagés les huit titres mondiaux à la longueur. Il y a eu l'époque Carl Lewis (1983-87), puis celle de Mike Powell (1991-93). Vient ensuite Ivan Pedroso. Le règne du Cubain a débuté en 1995 à Göteborg, et ne s'est plus interrompu depuis. A Séville, il obtient la troisième de ses quatre médailles d'or. Sans véritable rival, Pedroso assure l'essentiel avec un saut à 8,56m. Malgré ses titres à répétition, et son impressionnante hégémonie, il manque toujours quelque chose au Cubain: le record du monde. Chacun se souvient du fabuleux duel Powell-Lewis en 1991, et du record du monde du premier nommé. A l'opposé, aucune des quatre victoires de Pedroso n'a vraiment marqué les esprits. C'est terriblement injuste, mais c'est aussi la simple vérité.

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Le nom d'Eunice Barber n'évoquait pas grand-chose au grand public français avant ces Championnats du monde. Originaire de la Sierrea Leone, elle va pourtant se faire une place au soleil en devenant la troisième athlète tricolore à conquérir un titre mondial, après Marie-José Pérec et Stéphane Diagana. Barber décroche l'or à l'heptathlon avec un total de 6861pts. Il faut dire que Eunice est à bonne école, puisque son entraîneur n'est autre que Bob Kersee, qui a façonné tant de grands champions. Ses lacunes au poids, qui lui vaudront de sacrés désagréments en d'autres occasions, ont vite été balayées par son incontestable supériorité à la longueur ou sur les haies, deux disciplines où elle pourrait prétendre entrer en finale si elle y participait.

100m: Greene (USA) 9"80
200m: Greene (USA) 19"90
400m: Johnson (USA) 43' 18"
800m : Kipketer (Dan) 1'43"30
1500m: El Guerrouj (Mar) 3'27"65
5000m: Hissou (Mar) 12'58"13
10000m : Gebreselassie (Eth)27' 54"27
Marathon: Anton (Esp) 2h13" 36
110m haies: Jackson (GB) 13"04
400m haies : Mori (Ita) 47"72
3000m steeple : Koskei (Ken) 8'11"76
Hauteur: Voronin (Rus) 2,37m
Longueur: Pedroso (Cub) 8,56m
Triple saut: Friedek (All) 17,59m
Perche: Tarasov (Rus) 6,02m
Poids: Hunter (USA) 21,79m
Disque: Washington (USA) 69,08m
Marteau : Kobbs (All) 80,24m
Javelot : Parviainen (Fin) 89,52m
Décathlon : Dvorak (Rtc) 8744pts
4 x 100m: Etats-Unis 37"59
4 x 400m : Etats-Unis 2'56"45

100m: Jones (USA) 10" 702
200m: Miller (USA) 21"77
400m: Freeman (Aus) 49"67
800m: Formanova (Rtc) 1'56"68
1500m: Masterkjova (Rus) 3'59"53
5000m: Szabo (Hon) 14'41"82
10000m : Wami (Ken) 30'24"56
Marathon: Jong Song (Cor) 2h26'59"
100m haies: Devers (USA) 12"37
400m haies: Pernia (Mar) 52"89
Triple saut: Tsiamita (Gre) 14,88m
Longueur: Galkina (Rus) 7,05m
Hauteur: Haugland (Nor) 1,96m
Poids: Kumbernuss (All) 19,85m
Disque: Dietsch (All) 68,14m
Javelot: Manjani (Gre) 67,09m
Heptathlon: Barber (Fra) 6861pts
4 x 100m: Bahamas 41"92
4 x 400m: Russie 3'21"98
10 km marche : Liu (Chn) 1h30'50"