72-10, "Last Dance" et "Last Shot" : 95-98, l’Histoire à coups de prouesses
Mis à jour 27/04/2020 à 13:47 GMT+2
NBA - A l'occasion de la sortie sur Netflix du documentaire "The Last Dance", consacré à la dernière saison de Michael Jordan sous le maillot des Bulls en 1997-98, nous vous entraînons dans la triomphale saga de la franchise de l'Illinois sous le règne de "His Airness". Pour ce sixième épisode, focus sur le deuxième Three-peat des Bulls, riche en moments mémorables.
- Épisode I : Magic à pile ou face, draft du siècle et blessure : la naissance des Bulls de Jordan
- Épisode II : Émergence de Pippen, The Shot et les "Jordan Rules" : 88-90, les Bulls n'y sont pas encore
- Épisode III :Triangle, tyrannie et avènement : 1991, l'an I de la dynastie MJ
- Épisode IV : Back to back et threepeat, Jordan et les Bulls maîtres du monde
- Épisode V : Pippen régent contrarié, buzzer de la discorde et dynastie en stand-by : 93-95, la vie sans Jordan
"J'ai quelque chose à prouver. J'avais déjà ce sentiment à mon arrivée dans la Ligue. Chaque joueur qui n'a jamais vu jouer Michael Jordan, j'ai quelque chose à lui montrer". Octobre 1995. La saison est sur le point de reprendre. Avec un constat : après l'échec en demi-finale de Conférence Est, Michael Jordan et les Bulls ne sont plus en terrain conquis. Ils sont dans la peau de la bête blessée avide de revanche. La NBA ne le sait pas encore mais ce contexte les rend plus dangereux que jamais. A ce moment-là, personne n'ose pourtant penser qu'une saison historique se prépare. Les questions sont même légion alors qu'ils sont dans les starting-blocks. Sur sa Majesté Jordan déjà.
A 32 ans, MJ a montré la saison précédente qu'il avait encore de très beaux restes. Mais quelques semaines après avoir lâché le baseball pour revenir enfin à son terrain de jeu favori, il n'a pas pu empêcher l'élimination de sa franchise durant les playoffs face au Magic de Shaquille O'Neal malgré quelques jolies performances. A l'approche de ce nouvel opus de la NBA, il n'est plus dans la position du roi absolu. Et certains s'interrogent même sur sa capacité à retrouver son trône. Un crime de lèse-majesté qui le nourrira soir après soir… "Maintenant, les gens pensent que Hakeem (Olajuwon) est le meilleur joueur. Ils ont raison. Il était le meilleur la saison passée. C'est une motivation", répond Jordan dans le New York Times.
Rodman, un trade clef qui sème des doutes
Jordan est au centre de l'attention. Cependant, il n'est pas la seule raison des interrogations. Des doutes, il y en a aussi sur cette équipe des Bulls. On l'a dit déjà vieillissante. Jordan, Scottie Pippen et Ron Harper ont tous plus de 30 ans. A tel point que de nombreux spécialistes US ne la placent pas au sommet dans leurs prévisions du début de saison. Car la concurrence a aussi des arguments. Entre les Houston Rockets, doubles champions en titre, une formation du Magic aussi jeune que prometteuse ou encore les éternels rivaux des Knicks de Patrick Ewing, la franchise de l'Illinois ne sort pas forcément du lot. Surtout qu'il y a le mystère Dennis Rodman.
Pour compenser le départ d'Horace Grant à Orlando un an plus tôt, Chicago a tenté un pari. Aussi fou que séduisant : prendre l'excentrique Dennis Rodman. "Nous pensons que c'est le meilleur rebondeur et le meilleur défenseur à son poste. Il nous donne une dimension que nous n'avions pas et peut nous permettre de profiter au mieux des atouts de Toni Kukoc", explique à l'époque Jerry Krause. Début octobre, le GM des Bulls salive après avoir échangé le besogneux Will Perdue contre l'intérieur aux coupes de cheveux multicolores. Les Spurs et Gregg Popovich ne voulaient plus gérer les excès de cet expert de la défense, véritable maître dans l'art de gober les rebonds (16.8 prises de moyenne lors de la saison précédente !) ? Les Bulls ont saisi l'occasion. Avec un risque : chambouler leur vestiaire et l'alchimie de leur équipe.
Je ne pense pas qu'il va être un facteur négatif
Phil Jackson, Jordan et Pippen ont tous donné leur aval à cet échange osé. Mais ils sont aussi bien conscients d'avoir alors une nouvelle mission : réussir à cadrer le fantasque intérieur, qui était un de leurs anciens ennemis des Detroit Pistons, où il a remporté deux bagues (1989, 1990). "Il a sa propre personnalité, explique à l'époque Jordan. Je n'essaye pas d'évaluer ce qu'il est dans sa globalité. Pourquoi change-t-il de couleur de cheveux ou se peint-il les ongles ? Comme joueur, cela ne doit pas être important pour nous. Dennis sait comment gagner. Je ne pense pas qu'il va être un facteur négatif". Ce sera même tout l'inverse. Car tous ces doutes de la pré-saison vont nourrir l'envie de champions affamés. Et être très vite oubliés comme un tir manqué de MJ.
Le premier match de la saison donne déjà le ton. 42 points de Jordan. 15 pour Kukoc. 11 rebonds pour Rodman.3 interceptions pour Ron Harper. Et une large victoire contre Charlotte (105-91). Le début parfait d'un récital magnifique. Match après match, semaine après semaine et mois après mois, les Bulls vont offrir un show d'exception. Grâce déjà à une mentalité hors norme. "Je me souviens que pendant la pré-saison, Michael avait dit que chaque match serait comme un match de playoffs. Et c'est de cette manière que nous avons abordé toutes les rencontres, raconte Randy Brown sur ESPN. Nous avions une équipe de vétérans. Nous avions un système. Nous avons eu peu de blessures. Et je me souviens que nous étions plus sérieux qu'avant. Cette équipe 95-96 n'était pas là pour rigoler". Clairement pas.
Un récital collectif des deux côtés du parquet
Rarement un collectif aura autant impressionné. Si ce n'est jamais. Désireux de remettre les points sur les i après leurs revers face à Orlando la saison précédente, les Bulls, agressifs comme personne, ne baissent jamais la garde et écrasent tout sur leur passage. C'est une symphonie qui rythme la NBA. Michael Jordan est virevoltant. Avec cette capacité à tout faire bien, Scottie Pippen se montre toujours aussi précieux des deux côtés du parquet. Dennis Rodman vient idéalement s'ajouter à ce duo pour former un Big Three complémentaire à souhait. Et le banc n'est pas en reste avec un Toni Kukoc rôdé à la NBA et un Steve Kerr précis de loin.
Offensivement, c'est un régal dans le sillage de Jordan. Sur demi-terrain, les Bulls sont juste injouables. Et défensivement, c'est un mur. Au four et au moulin avec son énergie débordante, Rodman règne sur les raquettes. Et à l'extérieur, les Bulls étouffent leurs adversaires. Ron Harper, qui a signé plusieurs saisons à plus de 20 points avec les Cavs ou les Clippers, a adapté son jeu pour devenir un élément clef de la défense des Bulls aux côtés de Jordan et Pippen, deux références dans ce domaine depuis des années déjà. Personne ne peut résister alors à la troupe de Phil Jackson.
La barre des 70 victoires tombe
Les victoires s'enchaînent. 13 de rang entre novembre et décembre. 18 consécutives de décembre à janvier ! Symbole de leur envie débordante et de leur professionnalisme acharné, les Bulls, longtemps intouchables à domicile (37-0), ne perdent pas un match en back-to-back jusqu'en février. L'histoire est en marche. Cela se sent : l'impossible est à leur portée. Le 16 avril avec un succès à Milwaukee (80-86), ils effacent ainsi des tablettes les Lakers de Wilt Chamberlain lors de la saison 1971-72 (69 v. - 13 d.) en s'offrant une 70e victoire pour établir un nouveau record en saison régulière. Avant de conclure l'année sur un bilan historique de 72 victoires pour 10 petites défaites. Magistral !
Sans surprise, la franchise de l'Illinois, impériale d'un bout à l'autre du terrain et de la saison, va truster les récompenses de fin d'année. Jordan, qui a fini meilleur marqueur de la saison avec 30.4 points de moyenne et troisième meilleur intercepteur (2.2 par match), est élu MVP. Rodman conclut cet exercice avec un nouveau titre de meilleur rebondeur (14.9 par match). Toni Kukoc (13.1 pts) reçoit le trophée de meilleur sixième homme. Enfin, Scottie Pippen (19.4 points, 6.4 rebonds et 5.9 passes) se retrouve dans le meilleur cinq de la saison avec MJ. Mais aussi dans le cinq défensif avec Jordan, encore une fois, et Rodman bien entendu.
Je ne pouvais vraiment pas le supporter. Maintenant, je l'aime
Briller en saison régulière n'est cependant pas le but de ces Bulls-là. Ecrire l'Histoire ne leur suffit pas. Ils veulent un nouveau trophée Larry O'Brien pour assouvir vraiment leur soif de revanche. Pas d'inquiétude. Les playoffs ne seront qu'une formalité. Une de plus. Chicago hausse encore le ton en défense pour limiter ses adversaires à 86 points par match. Miami est balayé (3-0). New York ne voit pas le jour mais arrive quand même à prendre un petit match (4-1). Orlando, le tombeur de l'année précédente, est ramené à ses chères études avec une claque sans concession (4-0). Jordan and co, dont les playoffs ressemblent de plus en plus à la tournée d'un boys bande à la mode, sont à nouveau en finale après une promenade de santé.
Les Seattle SuperSonics de George Karl, meilleur bilan à l'ouest en saison régulière (64 v., 18 d.) offrent alors un peu plus de résistance. Grâce aux efforts de Gary Payton et de Shawn Kemp, ils arrivent à gagner deux matches à domicile après avoir vu les Bulls remporter les trois premières confrontations. De retour à la maison pour le match 6, Chicago plie cependant l'affaire. Sans ciller (87-75). Les cigares sont de sortie à Windy City. Le champagne coule à nouveau à flot. Les Bulls et Jordan n'ont rien plus à prouver. Ils ont remis les pendules à l'heure avec une violence sans égale.
Après s'être offert son quatrième trophée de MVP des Finals, Jordan craque dans le vestiaire allongé par terre après ce sacre décroché le jour de la fête des Pères, lui qui a perdu le sien trois ans avant. Il a encore marqué la NBA de son empreinte. Mais les performances de Rodman, notamment au match 2 (20 rebonds) et 6 (19 rebonds), ont aussi bluffé. "Je me souviens avoir joué contre lui les dernières années quand il était avec les Spurs, je le détestais, glisse après la finale Steve Kerr à propos de son coéquipier. Je ne pouvais vraiment pas le supporter. Maintenant, je l'aime. Tout le monde dans la Ligue voudrait l'avoir comme coéquipier. Sauf peut-être David Robinson".
Eté 1996 : Les premiers signes de tension
Malgré cette saison parfaite de bout en bout, l'été ne sera pas de tout repos dans l'Illinois. Déjà. Les Bulls doivent prolonger Phil Jackson, Michael Jordan et Dennis Rodman. Et après quelques semaines, l'arrière et l'intérieur s'engagent finalement pour une saison supplémentaire, avec un montant record de 30 millions de dollars pour His Airness. Une seule année ? Pour Rodman, c'est une manière d'envoyer un signal. "Vous avez un entraîneur qui a gagné quatre titres en six ans et tout à coup, vous lui donnez 2 millions. Pendant ce temps-là, il y a un coach qui vient d'université (John Calipari qui a rejoint les New Jersey Nets) et qui va gagner 15 millions sur cinq ans. Je pense que c'était un mauvais deal. Il y a quelque chose qui se trame à Chicago. Si je signe quelque chose, c'est un deal d'un an." Déjà les tensions entre Jackson et Jerry Krause se font ressentir.
Avant que cela n'éclate vraiment au grand jour, Chicago repart finalement avec un groupe presque identique. Seul le vétéran Robert Parish (43 ans) est venu compléter la troupe qui va encore ravir tous ses fans à travers les Etats-Unis. Alors quelques questions se posent timidement cette fois-ci : comment garder cette motivation intacte ? Rester au sommet après avoir marqué l'Histoire ? Les Bulls mettent très vite les choses au clair : ils ne vont pas lever le pied et signent douze victoires d'affilée d’entrée pour le démontrer. Le reste de la saison sera presque du même acabit que la précédente. Presque seulement. A trois victoires près en fait !
Un back-to-back improbable et 70 succès raté d'un rien
Et pourtant, tout ne se déroule pas comme dans un rêve cette fois-ci. Toni Kukoc et Luc Longley manquent plus de 20 matches pour des blessures. En janvier, Dennis Rodman se fait suspendre 11 rencontres pour avoir donné un coup de pied à un photographe pendant un match. Mais Jordan et Pippen sont encore les patrons attendus. Dans leur sillage et avec ce collectif si bien rôdé, les champions en titre ratent de peu un back-to-back improbable à 70 succès après un petit relâchement sur la fin marqué par trois revers sur les quatre derniers matches. Ils terminent quand même avec un total de 69 victoires pour 13 petites défaites, ce qui représente toujours le troisième meilleur bilan de l'histoire… Chicago est bien toujours en mission.
Comme si la Ligue s'était déjà habituée à l'extraordinaire, les Bulls ne font cependant pas la même razzia lors des récompenses de fin de saison qu'en 1996. Après avoir vu Glen Rice être élu MVP du All Star Game alors qu'il vient de signer le premier triple-double de l'histoire de ce match des étoiles avec 14 points, 11 rebonds et 11 passes décisives, Jordan n'est pas élu MVP de la saison.
Il n'y a aucune explication rationnelle, sauf que Michael l'a déjà remporté tant de fois…
Le récital collectif de son équipe et son nouveau titre de meilleur marqueur de la Ligue pour la neuvième fois (29.6 pts) ne suffisent pas. Karl Malone (27.4 points, 9.9 rebonds), la star du Jazz surnommée "Le Mailman" (le facteur en français), lui est préférée. Une décision qui ne manquera pas de faire réagir Phil Jackson. "Nous avons remporté 69 matches cette année, principalement grâce à l'énergie de Michael et Scottie (Pippen). Karl a fait son travail, cela ne fait aucun doute. Mais avec le niveau de pression qui a été mis sur notre équipe et alors qu'on a réussi à gagner encore 69 matches, il n'y a aucune explication rationnelle, sauf que Michael l'a déjà remporté tant de fois…"
Jordan se chargera encore une fois de remettre l'église au milieu village peu de temps après. Lors de finales mémorables. Après avoir expédié les Washington Bullets (3-0) puis les Atlanta Hawks (4-1) et le Miami Heat (4-1), les Bulls s'offrent un duel pour une nouvelle bague face au Jazz d'Utah guidé par ce duo qui fait alors tant de ravages sur pick and roll, John Stockton et donc Karl Malone - le tout récent MVP -. Au match 1 et après avoir vu Malone manquer deux lancers suite à une séance mythique de trash talking de Pippen qui se faufile pour lui glisser à l'oreille "Souviens-toi Karl, le Mailman ne délivre pas de courrier le dimanche", Jordan met son sceau sur ces finales avec un shoot grandiose au buzzer sur la tête déjà d'un certain Bryon Russell pour offrir la victoire aux siens (84-82). Mais c'est au match 5 qu'il écrit une des pages les plus connues de sa légende.
Le Flu Game, un match pour la postérité
Ce "game 5" est plus connu sous le nom de "Flu game". Alors que le Jazz est revenu à 2-2, Chicago est un peu moins serein. Et la situation s'empire quand un garde du corps de Jordan appelle le médecin de l'équipe le matin de la rencontre. Ce dernier trouve la star des Bulls pliée en deux sur son lit avec plus de 40 de fièvre. Grippe ou intoxication alimentaire par une pizza ? Le doute plane. Mais qu'importe. L'important est ailleurs : Jordan est HS. Il reste au lit toute la journée. Et rate l'entraînement du matin.
L'après-midi de ce 11 juin, MJ trouve pourtant quand même la force d'aller au Delta Center de Salt Lake City. Il ne peut pas rater un match en Finale NBA. Et on ne sait jamais, il pourra peut-être donner un coup de mains à son équipe. "Je n'avais jamais vu Michael malade comme ça. C'est arrivé à un point où je ne savais pas s'il pouvait jouer", dira après le match Scottie Pippen. La suite fait partie de l'histoire de la NBA. Quand Jordan rentre sur le parquet, il ne faut pas longtemps pour voir qu'il n'est pas dans son assiette. Il manque de jus. Déshydraté et alors qu'il a perdu quelques kilos, il économise ses courses. S'arrête régulièrement pour reprendre son souffle avec les mains sur les genoux.
C'était un effort héroïque, un de plus à ajouter à la collection de ceux qui font sa légende
Son premier quart-temps ne laisse même clairement rien présager de bon. Et le Jazz en profite pour prendre très vite 16 points d'avance (36-20). Mais voilà, Jordan n'est pas un champion comme les autres. Alors que les caméras ne ratent jamais un moment où on le voit sur le banc avec sa serviette ou un sac de glace sur la tête, il trouve le moyen de se surpasser pour relancer les Bulls en marquant 17 points dans le deuxième quart temps. Après un nouveau passage à vide, il redevient encore lui-même pour finir avec une feuille de stats mémorable : 38 points, 7 rebonds, 5 passes, 3 interceptions et un contre. Et comme cerise sur le gâteau : il marque un tir à trois points à 25 secondes du terme pour guider les siens vers le succès (88-90).
Un match pour la postérité. Tout simplement. L'image où on le voit rejoindre le banc dans les bras de Pippen fait ainsi très vite le tour du monde. "C'est probablement la chose la plus difficile que j'ai eu à faire", a avoué Jordan plus tard. "C'était juste un incroyable moment de leadership. Des gros shoots après des gros shoots. Il nous a donné ce que nous avions besoin", applaudit de son côté Pippen à la sortie du parquet. "C'était un effort héroïque, un de plus à ajouter à la collection de ceux qui font sa légende", ajoute Phil Jackson.
Si les Bulls sont en position de force grâce à un nouvel exploit de leur leader, le match 6 n'est cependant pas qu'une formalité. Le Jazz ne s'avoue pas encore vaincu. Fait même la course en tête jusqu'au quatrième quart temps. Mais si Jordan plante 39 points, il a surtout l'intelligence de ne pas forcer le dernier shoot que tout le monde le voit prendre. Alors que le Jazz tente une prise à deux, MJ trouve en tête de raquette un Steve Kerr bien seul, qui plante un tir crucial à cinq secondes du terme (88-86). Avec ce shoot pour sceller le sort de la série, les Bulls engrangent un cinquième titre. Et Jordan un cinquième trophée de MVP des finales. Karl Malone ne peut que s'incliner.
1997, l'été où tout bascule
La saison se termine comme dans un rêve. Et l'intersaison va tourner au cauchemar. Car c'est l'été où tout bascule. Auréolés de leurs cinq titres en sept ans, les Bulls sont un phénomène planétaire qui dépasse la sphère de la NBA. Du sport même. En leader d'exception aussi charismatique que génial, Michael Jordan fascine. Dennis Rodman intrigue par son côté décalé. Et la succes-story de ce collectif si bien huilé fait rêver. Mais comme nombre de grands groupes, il y a des failles. Avec des petites histoires pour venir semer la zizanie. La relation toxique entre le GM Jerry Krause et les stars de l'équipe va ainsi tout faire capoter.
Alors que certains médias le disent agacé par le manque de reconnaissance à son égard et que les leaders de Chicago ont dépassé la trentaine, Krause songe déjà à reconstruire l'équipe. Et entretient surtout une relation plus que tendue avec Phil Jackson. Michael Jordan a cependant mis les points sur les i à la sortie du terrain du match 6 de la finale 1997. "Je ne devrais pas être dans la position de devoir choisir si je veux jouer pour un autre coach que lui. J'ai le choix malheureusement. Et je choisis de ne pas jouer pour un autre coach", a lancé MJ en conférence de presse. En clair, il ne revient pas si Jackson n'est pas sur le banc.
Ce sera la dernière de Phil comme entraîneur des Bulls
Après des semaines de négociations, le Zen Master signe finalement une saison de plus le 23 juillet. "Ce sera la dernière de Phil comme entraîneur des Bulls", annonce alors Jerry Krause. Un mois plus tard, Jordan s'engage pour une saison aussi. Tout comme Dennis Rodman. Scottie Pippen, sous payé au vu de son talent et de son impact énorme, entame lui sa dernière année de son contrat et fait déjà l'objet de nombreuses rumeurs de trades. On a connu des atmosphères plus sereines. Mais avec son sens de la psychologie, Phil Jackson arrive à trouver les bons mots pour souder son groupe et le faire aller dans le même sens : "The Last Dance", baptise-t-il cet exercice. Le ton est donné.
La saison régulière est cependant moins idyllique que les précédentes. La raison ? Scottie Pippen, qui n'avait pas manqué plus de 10 matches sur un exercice dans ses 10 saisons précédentes, est à l'infirmerie. Le fidèle lieutenant manque les 35 premières rencontres de la saison. Et ça se ressent. Pour compenser, Jordan doit se démultiplier, aidé par Toni Kukoc et Rodman (15 rebonds de moyenne en 80 matches). A 34 ans, il joue près de 39 minutes par match. Termine la saison avec un 10e titre de meilleur scoreur (28.7 pts). Et avec son cinquième trophée de MVP de la saison. Car après un départ poussif et notamment suite au retour de "Pip", Chicago s'est repris pour conclure l'année avec un bilan de 62 victoires pour 20 défaites, le meilleur de la Ligue avec Utah…
Un remake face au Jazz
Le Jazz justement va revenir sur la route des Bulls. Mais avant de s'offrir un remake de la dernière finale, les champions en titre doivent se débarrasser des New Jersey Nets (3-0) puis des Charlotte Hornets (4-1). Ils sont ensuite poussés à un match 7, le premier depuis 1992, par les Pacers d'Indiana. Une dépense d'énergie pas forcément idéale pour ces Bulls vieillissants. Et encore moins pour affronter Utah, qui a gagné le droit d'avoir l'avantage du terrain cette fois-ci et a eu 9 jours pour se reposer avant cette finale. De quoi s'inquiéter ? Pas vraiment. De quoi surtout s'offrir un nouveau moment iconique.
Cette fois, il faut attendre le match 6. La série est retournée à Utah avec une seule victoire d'avance pour les Bulls (3-2) après un show de Karl Malone au match précédent (39 pts). Chicago est diminué. Pippen doit jouer avec des sévères douleurs au dos. Le lieutenant de luxe ne pèse pas comme d'habitude (8 pts). Et Jordan prend alors les choses en main avec une fin digne d'Hollywood. Lors des 40 secondes les plus mémorables qui résument à la perfection son côté clutch. Chicago compte trois points de retard à 40 secondes la fin après un tir à trois points de Stockton sur une passe de Malone (86-83). Le pays des Mormons se met à rêver. Mais His Airness va refroidir l'ambiance. Il permet d'abord aux Bulls de recoller à un point sur un lay-up (86-85). Le reste fait partie des plus belles pages de la NBA. Avec Michael Jordan qui s'occupe de tout. Et résume tout de lui.
The Last Shot : Un shoot aussi mythique que sublime
L'arrière des Bulls pique d'abord le ballon dans les mains de Karl Malone qui tente d'imposer sa puissance au poste bas à Rodman. Il remonte ensuite le ballon. Laisse tourner le chrono. Avant d'attaquer le cercle. Puis de s'arrêter pour placer un crossover sublime. Byron Russell, encore lui, se retrouve par terre. Pendant ce temps-là, Jordan s'élève en tête de raquette pour offrir la victoire à son équipe à 5.2 secondes du terme (86-87) avec un shoot aussi mythique que sublime. Un tir pour l'histoire. Son dernier avec les Bulls. Le point d'exclamation parfait pour conclure cette folle aventure.
Entre ce dernier shoot de cette dernière danse, ces 45 points au match 6 et ses 33.5 points de moyenne, Air Jordan est évidemment élu MVP des Finales pour la sixième fois. Avec six bagues en huit saisons, deux three-peat, il est entré au panthéon du sport avec cette équipe des Bulls. Malgré ce nouveau titre, la dynastie de Chicago s'arrête cependant alors nette. Au sommet. Comme prévu, cette formidable équipe est démantelée. Phil Jackson s'en va. Jordan annonce sa retraite quelques mois après, en janvier alors qu'un lock out a bloqué la NBA. Pippen est tradé à Houston. L'option sur Dennis Rodman n'est pas levée. Jerry Krause a tout cassé et peut débuter une reconstruction qui ne prendra pas. C'est la fin d'une époque. D'une équipe. D'une dynastie. Avec tous les regrets que cela comporte.
Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Télécharger
Scannez ici
Sur le même sujet
Partager cet article
Publicité
Publicité