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Et si les joueurs se plaignaient trop ?

Antoine Pimmel

Mis à jour 03/02/2020 à 17:21 GMT+1

NBA - A force de se plaindre constamment du manque de respect ou de reconnaissance de la part des instances de la ligue, certains joueurs ont oublié l'essence même de leur sport.

Devin Booker

Crédit: Getty Images

Ils se moquent de nous. Depuis que la liste des remplaçants pour le prochain All-Star Game a été dévoilée, Devin Booker, Bradley Beal, Zach LaVine ou dernièrement Karl-Anthony Towns se sont plaints tour à tour de ne pas avoir été sélectionnés. Avec pour tous la même expression qui revient à la bouche : "le manque de respect". C’est ainsi qu’ils perçoivent leur absence d’un match de gala sans enjeux, en continuelle perte d’intérêt mais qui reste important en terme de statut individuel et donc, bien sûr, de rémunération salariale. L’étiquette All-Star est un passe-droit vers un contrat doré en NBA dans la majeure partie des cas.
Alors oui, Booker comme Beal voire même carrément LaVine et Towns ont des raisons de penser qu’ils méritaient de participer. Le niveau est là. Ils figurent parmi les meilleurs joueurs de la ligue, ou au moins parmi les meilleurs à leur poste dans le cas de l’arrière des Bulls. Sauf qu’à un moment, la réalité l’emporte : il y a 12 All-Stars par Conférence chaque année pour une bonne trentaine de basketteurs très performants. Les places sont chers et il y a toujours des déçus. C’est comme ça que ça marche. Booker regrette par exemple la dimension "politique" des sélections. Selon lui, "ce ne sont plus les meilleurs joueurs qui sont All-Stars" contrairement à quand il était un adolescent passionné par la NBA.
Le jeune prodige des Suns est né en 1996. Juste pour lui rafraîchir la mémoire, les valeureux mais limités Antonio Davis et Théo Ratliff étaient All-Stars en 2001. Wally Szczerbiak en 2002. Brad Miller et Ben Wallace – et dire qu’un pivot "défensif" comme Rudy Gobert n’aurait pas sa place mais alors que pensez de Wallace, pourtant perçu comme une légende par une partie du public, peut-être la même qui descend le Français du Jazz ? – en 2003. Jamal Magloire en 2004. Carlos Boozer, Josh Howard ou Memeth Okur en 2007. La liste est longue mais le constat est simple : il n’y a JAMAIS eu que des superstars invitées par la NBA.

Le but du jeu, ça reste de gagner

Le point commun entre tous les joueurs cités ? Ils étaient des membres essentiels d’équipes qui GAGNENT. Ils étaient moins forts individuellement que d’autres talents non retenus pour le match. Le point commun entre Booker, Towns, Beal et LaVine ? Ils évoluent tous pour une formation dont le pourcentage de victoires est inférieur à 50% cette saison. Cette saison, et même au-delà en réalité. Beal dispute actuellement son huitième exercice en NBA et il n’a joué que quatre fois les playoffs. KAT une seule fois en cinq ans, et encore, suite à l’arrivée de Jimmy Butler aux Timberwolves, tandis que Booker et LaVine attendant toujours leur grand baptême du feu.
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Bradley Beal (Washington Wizards)

Crédit: Getty Images

C’est évidemment injuste de remettre uniquement sur eux les échecs répétés de leur franchise. Ils sont loin d’être les premiers responsables. Ces organisations sont souvent mal gérées, voire même pourries de l’intérieur pour Phoenix. N’empêche qu’ils n’arrivent pas à faire décoller leur équipe, quasiment continuellement embourbée dans la seconde moitié des classements – même si les Suns de Booker, justement, ont fait de vrais progrès cette saison et que ces progrès méritaient effectivement d’être récompensés.
Jayson Tatum ou Ben Simmons sont-ils nécessairement plus forts ou plus productifs que les joueurs cités ? Non. Mais les Celtics ou les Sixers ont gagné deux fois plus de rencontres que les Wizards par exemple. Bien sûr que Simmons et Tatum ont la chance de pouvoir jouer avec des coéquipiers plus doués. Sauf que le problème peut se prendre aussi dans le sens inverse : s’ils jouaient pour des équipes plus faibles, leurs statistiques seraient certainement plus élevées. Les stats, les stats, les stats. Toujours le même argument. Beal est à presque 29 points par match, Booker à 27 avec en plus 6 passes et 51% de réussite aux tirs. C’est excellent. Mais quels seraient leur rendement s’ils étaient au sein d’un effectif taillé pour le titre ? Booker, aujourd’hui, ne peut pas être l’option numéro un d’une franchise qui vise les sommets. C’est un fait. En tout cas pour l’instant. KAT a même perdu les 15 derniers matches qu’il a joués…

Se plaindre est devenu systématique

Le discours envers eux peut paraître très critique, surtout que, dans le fond, Beal et Booker – plus que LaVine et Towns – ont sans doute raison : ils auraient très bien pu être All-Stars. Mais à la place de qui ? Imaginons que Brandon Ingram ne soit pas pris. Il aurait très bien pu tenir exactement le même discours que Booker, en reprenant les mêmes arguments, pour se plaindre de son éviction. Book est à 27-4-6 et 51% ? BI est à 25-6-4 avec 40% à trois-points. Phoenix et New Orleans compte 20 victoires au compteur. Ou alors peut-être faudrait-il sortir Chris Paul de la liste à l’Ouest. Ses chiffres sont moins clinquants. Mais ce qu’il a réussi à faire avec le Thunder, ça, ça force le respect. Sa présence est peut-être politique : c’est une figure éminente de la ligue depuis des années, proche de LeBron James. Une NBA politisée ? C’est un pléonasme. Bien sûr que la ligue est politisée. Mais ça non plus, ça ne date pas d’hier.
Le problème, c’est que l’envie de se plaindre est contagieuse. L’agent du rookie Matisse Thybulle a écrit un message plein de colère envers les renommés ASSistants (vous aurez compris le jeu de mot) coaches NBA, ceux qui désignent les jeunes joueurs qui participent au Rising Star Challenge. Carrément plus direct, Jaxson Hayes a dépassé encore un peu plus les bornes sur son Instagram. Tout ça pour avoir été "snobé" (question de point de vue là encore) pour le… Rising Star Challenge ! Puis tous ceux qui manifestent leur colère envers les coaches, qui aimeraient-ils voir voter ? Les joueurs eux-mêmes ? Ce serait drôle ça.
Déjà, il faut comprendre que nombreux sont les acteurs NBA à ne même pas suivre les autres matches s’ils ne sont pas concernés. Il y a encore des gars qui se pointent sur les parquets sans connaître la moitié de leurs adversaires. Vraiment. Ensuite, leur point de vue est encore plus faussé en fonction des affinités qu’ils ont avec les uns et les autres. Là, ce sera pleinement politique. Et on l’a vu depuis qu’ils ont la possibilité de voter pour les cinq majeurs du All-Star Game : souvent, les joueurs font n’importe quoi. Les coaches sont très certainement les mieux placés pour désigner les membres les plus importants et les plus performants de la NBA chaque saison.
Plutôt que de parler constamment de "respect", d’être bernés par les discours individuels, ces gars-là devraient vraiment se concentrer sur comment faire gagner leur formation. Comment rendre les autres meilleurs. C’est presque ironique de voir que tous ces gars-là se disent inspirés par Kobe Bryant et sa "Mamba Mentality" sans capter l’un des points les plus importants. Bryant ne cherchait pas seulement à être lui-même le meilleur. Enfin, si. Mais il savait aussi rendre les autres meilleurs. Avec des méthodes peu conventionnelles certes, et parfois irrespectueuses – tiens, encore du respect – de ses camarades.
Quand les Lakers ont perdu les finales 2008, au cours desquelles Kevin Garnett a dominé Pau Gasol de la tête et des épaules, Kobe a mené la vie dure à son coéquipier espagnol pendant des mois. Mais ça a marché. Et Gasol est devenu une machine monstrueuse lors des titres de 2009 et 2010. Sans lui, KB n’aurait pas eu ces deux bagues. Mais c’est quand même lui qui a secoué Gasol. Qui l’a tiré vers le haut. Beal, Booker, LaVine ou KAT savent-ils tirer leurs collègues vers le haut ? Ils sont encore jeunes et ils ont encore le temps pour apprendre à devenir des vrais leaders. Ils veulent du respect, qu’ils aillent le chercher.
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