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NBA - Enes Kanter, le basketteur qui défie Erdogan et la Chine

Glenn Ceillier

Mis à jour 29/10/2021 à 10:16 GMT+2

NBA - Si vous n'êtes pas fan de basket, vous ne devriez pas connaître Enes Kanter. Sauf si vous avez un goût prononcé pour l'actualité générale et surtout les engagements politiques. Car le Turc ne cesse d'afficher haut et fort son activisme en faveur des droits civiques. De manière plus ou moins frontale. Ces derniers jours, le pivot de Boston s'en est pris à la Chine mais aussi à Nike.

Enes Kanter #11 of the Boston Celtics hi-five fans after the game against the New Orleans Pelicans on January 11, 2020 at the TD Garden in Boston, Massachusett

Crédit: Getty Images

Ce n'est pas qu'un simple basketteur. Un athlète comme les autres qui est concentré sur ses performances sportives. Enes Kanter est bien plus que cela. C'est un militant. Conscient des enjeux géopolitiques. Et désireux, surtout, de profiter de sa tribune de sportif de haut niveau pour partager ses idées et se battre contre les injustices sociales en tous genres.
Si le mouvement militant Black Lives Matter a démontré que nombre de sportifs ne se résumaient pas à leur carrière sur les rectangles verts ou sur les parquets, Enes Kanter entre encore dans une autre catégorie. Comme Mohamed Ali et Tommie Smith dans les années 60-70 ou encore Megan Rapinoe et Marcus Rashford plus récemment, il est de ceux qui haussent la voix. Et n'ont pas peur de prendre des positions fortes. Quitte, dans certains cas, à provoquer pour faire avancer les choses.
"C'est mon devoir de lutter pour la liberté sur et en dehors du terrain", a-t-il résumé en 2020 dans une chronique publiée par le Boston Globe. Un combat acharné qu'il mène depuis des années, en dépit de tout ce que cela peut impliquer. Et le Turc sait de quoi on parle, lui qui ne peut plus retourner dans son pays ou communiquer avec sa famille suite à des propos virulents contre Recep Tayyip Erdogan, comme nous y reviendrons plus tard.

La Chine et Nike dans son viseur, après Erdogan

Excellent basketteur aux mains en or pour sa taille (2m08) même s'il présente des failles coupables en défense, Enes Kanter fait ainsi de plus en plus parler de lui pour ses combats sociétaux que pour ses prestations sur les lattes depuis quelques années maintenant. Et ces derniers jours, le pivot des Celtics a mis le feu aux poudres en s'en prenant au président chinois. "Cher dictateur brutal Xi Jinping et le gouvernement chinois. Le Tibet appartient au peuple tibétain !", a écrit Kanter sur les réseaux sociaux. "Je suis aux côtés de mes frères et sœurs tibétains, et je soutiens leurs appels à la Liberté."
C'est ce qu'on appelle jeter un pavé dans la mare. Comme souvent, la Chine n'a d'ailleurs pas tardé à réagir. Les matches des Celtics ne sont plus retransmis dans l'empire du Milieu. Kanter a lui été visé sur les réseaux sociaux chinois. Et la NBA se retrouve avec une nouvelle crise diplomatique à gérer, deux ans après un premier épisode suite à un message de Daryl Morey - GM de Houston à l'époque - en soutien aux manifestants en faveur de la démocratie à Hong Kong. Mais ce n'est pas le genre de détails qui va réduire Enes Kanter au silence. C'est même tout l'inverse.
Quelques jours après, il a remis ça en demandant au gouvernement chinois de "stopper le génocide" contre le peuple ouïgour avant de viser également l'équipementier Nike. "Aux Etats-Unis, Nike se lève contre l’injustice, mais quand il s'agit de la Chine, Nike reste silencieux. Vous n'évoquez pas la brutalité policière en Chine, vous ne parlez pas de la discrimination contre la communauté LGBT, vous ne dites pas un mot sur l’oppression des minorités en Chine. Vous avez trop peur de parler", a-t-il lancé dans une vidéo sur ses réseaux sociaux avec des hashtags #NikeHypocrite et #MettreFinAuTravailForcéDesOuigours.
J'ai la chance d'avoir une tribune publique pour exprimer mes opinions
Enes Kanter est comme ça. Quand une cause trouve grâce à ses yeux, il n'a pas sa langue dans sa poche. Mis en pleine lumière pour ses prises de positions tranchées contre son président turc Recep Tayyip Erdogan ou lors des manifestations contre les violences policières consécutives à la mort de George Floyd, le Turc a en effet une vision atypique de son statut de sportif. "J'ai la chance d'avoir une tribune publique pour exprimer mes opinions, et je n'oublie jamais la responsabilité qui en découle", avait-il confié dans sa chronique au Boston Globe. "Nous sommes des personnes avant d'être des athlètes. (…) Nous devons attirer l'attention des médias sur ces problèmes, éduquer les communautés et exhorter les gens à voter pour le changement. Et c'est exactement pourquoi je ne peux pas simplement jouer au basket et m'occuper de mes propres affaires. C'est ma vraie vie. Je sais que la liberté ne vient pas gratuitement".
Il est même bien placé pour le savoir. Partisan du mouvement fondé par le prédicateur Fethullah Gülen – ennemi juré d'Erdogan -, Kanter fait l'objet de plusieurs mandats d'arrêts émis par la Turquie. "C'est bizarre et fou à la fois, le gouvernement turc a peur d'un joueur de basket", a déclaré Kanter en 2019 au Washington Post. "Je ne suis pourtant pas un politicien, ce n'est pas mon boulot, mais tout le monde a tellement peur d'Erdogan que je dois prendre mes responsabilités et défendre la liberté et les droits de l'Homme. Cela montre que la Turquie est une dictature". Ciblé par le gouvernement de son pays d'origine, sa lutte médiatique et ses prises de position fortes le contraignent à une vie de concessions.
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Enes Kanter (Boston Celtics)

Crédit: Getty Images

Une vie de concessions : "Il y a des chances que l'on me tue là-bas"

Menacé de mort à plusieurs reprises selon lui, Kanter évite par exemple d'avoir des contacts avec sa famille en Turquie, qui l'a même renié publiquement après le putsch de 2017 et alors que son père a été brièvement détenu avant d'être jugé pour appartenance à un mouvement considéré comme terroriste (il a été acquitté en 2020). Il ne peut pas non plus voyager comme il le désire. En 2019, après notamment des propos contre M. Erdogan qu'il a taxé d'"Hitler de notre siècle", il avait ainsi refusé de se rendre à Londres pour un match des New York Knicks. "Malheureusement, je n'irai pas (à Londres) à cause de ce fou de président turc", a déclaré Kanter. "Il y a des chances que l'on me tue là-bas, c'est pourquoi j'ai dit à mes dirigeants que je n'irai pas".
Ces contraintes font désormais partie de son quotidien. Il les assume pleinement. Et va même maintenant encore plus loin avec ses attaques contre la Chine. Car la défense des droits de l'Homme passe avant son cas personnel. "Cette lutte m'a tout enlevé. Mais je suis déterminé à continuer (…) Ce combat pour la justice sociale, la liberté et les droits humains va au-delà de mon engagement et de ce que je peux rendre à la communauté en tant que sportif", explique Enes Kanter, un sportif clairement pas comme les autres.
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