NBA - Entre contradictions et grand talent, pourquoi Kevin Durant est un homme fascinant

Les genoux qui se plient. Le corps qui s’élève. Le poignet qui se casse. La balle qui caresse ses doigts, puis le filet. Un geste répété inlassablement, méticuleusement, par Kevin Durant. Tout est fluide et parfaitement rôdé parce que le geste a été répété encore et encore. Sur le terrain, il joue un match dans le match, mais contre lui-même. Comme s’il ne voyait pas ses adversaires, comme s’ils n’existaient pas à ses yeux. Son cerveau est programmé, à l’image d’un robot. Les plus grands athlètes de ce monde sont tellement talentueux que l’on en viendrait quasiment à oublier qu’ils viennent de la même planète que nous. Peut-être même encore plus en NBA, où tous les standards sont largement supérieurs aux normes des autres êtres humains.

Pourtant, Durant reste un homme avec une personnalité complexe, faite de contradictions qui forment un tout. C’est ce qui le rend si fascinant mais aussi… incompris. Charles Barkley peine à saisir les nuances du garçon. Pour lui, "KD est un suiveur, pas un leader. Si les Suns veulent aller loin, ce sera à Devin Booker de prendre les initiatives." Interrogé sur les critiques du Hall Of Famer, le principal intéressé a répondu à sa manière, en allant un peu dans tous les sens.

"Je ne suis pas aussi charismatique que mes pairs. Ma personnalité ne convient pas à la télévision. Je n'ai pas l'impression d'avoir besoin que les gens disent que je suis un leader. Mais je ne veux pas non plus que les gens disent que je n'en suis pas un. Ils ne voient pas ce qui se passe en coulisses, ne savent pas ce dont je parle, ni quelles sont mes intentions ou les relations que j'ai créées avec mes coéquipiers et le staff." Les médias seraient les responsables de l’image qu’il véhicule, comme souvent avec lui. D’un côté, il dit qu’il s’en fiche, et de l’autre, finalement pas tant que ça.

En revanche, ce qui est vrai, c’est qu’il n’y a pas qu’une manière d’être un leader. Son coach Frank Vogel est d’ailleurs venu à son secours en insistant sur ce point. Montrer l’exemple, c’est une forme de leadership. Pas forcément besoin d’être le chef. Les grands joueurs n’ont pas toujours été des grands leaders. Ou du moins pas toujours les plus vocaux. Ce n’était pas Michael Jordan qui parlait le plus souvent dans le vestiaire des Chicago Bulls, ni Tim Duncan dans celui des San Antonio Spurs.

Kevin Durant peut inspirer ses coéquipiers, juste en jouant. Ça a même été longtemps son cri du cœur : être juste un "hooper", juste un mec qui aime le basket et récite son jeu à la perfection. Sauf que ça, ça ne colle pas non plus complètement avec son envie de "ne plus être vu comme le numéro 2", ce qu’il clamait en 2007, ou sa volonté "d’avoir sa propre équipe " au moment de rejoindre les Brooklyn Nets en 2019.

Sa franchise, il l’avait au Oklahoma City Thunder. Pourtant c’est bien lui qui est parti pour rejoindre Stephen Curry aux Golden State Warriors. Deux bagues plus tard, il rejoignait donc New York. Ça a tourné au fiasco. Censé incarner le projet, Durant n’a jamais su cadrer son ami Kyrie Irving. Il a poussé pour avoir James Harden, qui s’est barré moins de deux ans après, sentant le navire couler. Il a voulu être le patron et, quand il l’a été, il s’est réfugié derrière son statut de "simple basketteur" qui n’a pas à influencer "l’esprit libre" (ce sont ses mots) d’Irving. Quand il en a eu marre, il a fini par forcer son départ aux Phoenix Suns.

Le revoilà dans la peau du "baller." Oui, la franchise de l’Arizona est celle de Devin Booker. Mais ça, ce n’est pas grave. Ça peut impacter l’héritage de Durant et la vision globale de sa carrière, bien sûr, mais que Booker soit le leader et lui le meilleur joueur sur le terrain ne pose pas de problème dans la quête du titre. Parce que le principal atout du groupe, ça reste KD. L’homme qui peut les faire aller au bout, là aussi, c’est lui. Il est la seule des trois stars de l’effectif capable d’assumer à la fois le rôle de finisseur et celui du joueur qui se sacrifie en se coltinant le rebond et les tâches défensives. Il est à la fois le Kevin Garnett et le Paul Pierce (et même le Ray Allen) de cette escouade.

Si les Suns ne prennent pas un titre après avoir sacrifié leur avenir sur dix ans en changeant complètement l’effectif en un an, ce ne sera pas une question de leadership. Plutôt de talents (ou de l’absence de talents) autour de Durant, Booker et Bradley Beal. S’il n’y a pas de titre au bout, ce sera mine de rien encore un échec pour l’une des plus grandes légendes de l’Histoire de la NBA.

Il laisserait alors un goût d’inachevé partout où il est passé : OKC qu’il n’a jamais su mener au titre, Golden State où il n’est resté que trois ans, Brooklyn où ce fut la catastrophe, etc. Mais c’est à l’image de sa carrière et de l’individu : hyper talentueux, qui aurait dû devenir le plus grand de tous les temps de par son don mais qui sera toujours analysé différemment en raison de ses choix. Parce que dans le fond, comme beaucoup d’entre nous, Kevin Durant se cherche encore en tant qu'homme.