L'atout Batum

Tout avait si mal commencé. Tout a failli mal finir. Nicolas Batum est vraiment passé par tous les états mercredi soir à Cagliari avant de finir cet Italie-France, si important pour l'avenir de la sélection, en héros. Un vrai monument, pour son premier match de compétition officielle sous le maillot tricolore. Il s'en souviendra et nous avec lui. Orpheline de sa mégastar Tony Parker, l'équipe de France s'est trouvée un leader, un patron, en la personne de l'ancien Manceau. A 20 ans, il a déjà tout d'un grand.

En basket, les statistiques ne disent pas tout, mais elles traduisent quand même partiellement l'impact de l'ailier de Portland en Sardaigne: 20 points à 7 sur 11 aux tirs dont 3 sur 5 à trois points et 8 rebonds. Omniprésent, omnipotent, Batum a tout fait. Les Bleus s'en sont remis à lui. Pour le meilleur. Il a notamment marqué douze points de suite entre la 37e et la 42e minute, à cheval sur la fin du temps règlementaire et le début de la prolongation, maintenant presque à lui seul le bateau bleu à flots. Le tout accompagné d'une défense harassante sur Marco Bellinelli, la star transalpine. Le genre de défi qu'il adore. Avec les Blazers, Batum s'est fait une spécialité des missions défensives. C'est pour ça que son coach, Nate McMillan, l'aime tant, au point d'avoir fait de ce rookie inconnu un membre du cinq majeur de la franchise de l'Oregon dès la saison dernière.

C'est là-bas que Nicolas Batum a pris véritablement confiance en ses moyens. Aujourd'hui, c'est toute l'équipe de France qui en tire les bénéfices. Bien sûr, il manque encore parfois de maîtrise ses deux fautes prises en deux minutes en début de partie. Alors, oui, tout avait mal commencé. A son débit, on retiendra ce tir pris à l'ultime seconde du temps règlementaire. Un shoot forcé, quand il aurait fallu pénétrer face à une défense italienne déjà à quatre fautes. Un vrai parpaing qui a redonné une dernière chance à la Nazionale, qui, heureusement, n'en profita pas. "J'ai fait un peu n'importe quoi là-dessus", concède-t-il. D'autres seraient complètement sortis du match après un tel couac. Mais il n'a jamais été déstabilisé. Tout ça ne pèse pas bien lourd à côté de l'abattage énorme du Blazer, finalement décisif offensivement.

Si certains ont pu s'étonner de le voir prendre autant de responsabilités, il faut se souvenir que l'entraîneur de cette équipe de France fut aussi son mentor au Mans. Vincent Collet le connait par coeur. Il était l'homme idoine pour le mettre en confiance dans ce contexte pourtant délicat. "Je savais que j'avais quelque chose à faire, confesse Batum. Que je pouvais attaquer Belinelli qui est un très fort attaquant mais qu'on peut attaquer facilement en défense. Vincent m'a dit: vas-y, prends la balle, joue-le, attaque-le et ça m'a donné une grosse confiance." "Il a été exceptionnel, souligne le sélectionneur. C'est remarquable, notamment dans la maîtrise car il a fait ça sans forcer. Il a pris ses responsabilités quand il le fallait."

Tout, dans la trajectoire de ce talent hors normes, annonçait l'émergence d'un grand joueur. Elu MVP du de l'Euro juniors en 2006, comme un certain Tony Parker six ans avant lui, Nicolas Batum marche à sa façon sur les traces du meneur des Spurs. Comme lui, il est en train de connaitre une ascension fulgurante en NBA, même si le registre des deux joueurs est difficilement comparable. Mais il se dégage de Batum une sorte de confiance naturelle, doublée d'une classe incontestable, qui fait les grands destins. Rien ne semble devoir l'atteindre ou l'effrayer.