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L'oeil de Rio : ils se sont fait tant de mal pour leur plus grand bien

Laurent Vergne

Mis à jour 17/08/2016 à 17:10 GMT+2

France - Espagne, c'est pour aujourd'hui (19h30). Et c'est l'énième épisode d'une rivalité pas comme les autres. Dans la victoire comme dans la défaite, ce duel au long cours a servi les deux pays qui adorent se détester. Ce quart de finale des Jeux Olympiques 2016 ne dérogera pas à une règle qui, à défaut d'être écrite, est gravée dans le marbre de l'histoire.

2012 Nicolas Batum Bagarre

Crédit: AFP

De tous temps, le sport de haut niveau a été sublimé par ses grandes rivalités. Défier son grand rival, son frère ennemi, ce n'est jamais anodin. Avant, pendant et après, tout est différent. Avant, parce que l'approche d'un tel match porte en elle le poids du passé commun. Pendant, parce que, bien souvent, même inconsciemment, l'intensité et la détermination que vous y mettrez, possèderont un supplément d'âme. Après, car victoire ou défaite, elle aura un goût plus prononcée, sucrée ou amère, que n'importe qu'elle autre.
A quoi doit-on une rivalité ? D'abord, il faut qu'elle naisse, via un acte fondateur. Une rencontre qui, par sa nature, son déroulement et/ou son issue, marquera un avant et un après. Dès lors, vous avez craqué l'allumette et le feu est né. La récurrence est également importante. Pour entretenir la flamme. Avec un duel tous les 15 ans, vous aurez du mal. Elle s'éteindra d'elle-même.

Victoires, défaites, baffes, petites phrases...

Vous aurez aussi besoin de ces petits éléments indispensables pour souffler sur les braises. Suspense. Animosité. Plus ou moins. De l'enjeu, aussi. On ne bâtit pas une rivalité à coup de matches amicaux, froids comme la glace. Il faut une scène à la hauteur de ce brasier. Si vous avez tout ça, victoires et défaites, comme autant de baffes données et rendues, petites phrases, contentieux personnels... Oui, il faut un peu de tout ça.
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Batum, Parket et Diaw déçus après la défaite de la France face à l'Espagne - Euro 2015

Crédit: Panoramic

Tous ces critères que je viens de décrire, les France-Espagne en basket y répondent parfaitement. Toutes les cases sont cochées. C'est même un hallucinant feuilleton que nous tenons là. Depuis 2009, à chaque grande compétition, Euro, JO ou Mondiaux, il y a eu (au moins) un France-Espagne. Confrontations souvent mémorables, presque toujours dans un climat de tension palpable. Le sommet, en la matière, a sans doute été atteint à Londres, il y a quatre ans. En quarts de finale, déjà.
Mais ce sont peut-être ces deux dernières années qui définissent le mieux cette rivalité. En 2014, les Bleus ont pris un pied phénoménal à battre l'Espagne, chez elle, dans son Championnat du monde. Et la Roja a rendu aux Français la monnaie de leur pièce, à Lille, en demi-finale de l'Euro 2015. Ils se sont tant fait de mal qu'ils connaissent par cœur.
On les déteste parce qu'ils sont forts, et ils nous détestent parce qu'on est forts
Nicolas Batum a eu une formule cette semaine pour définir la rivalité franco-ibérique. "On les déteste parce qu'ils sont forts, et ils nous détestent parce qu'on est forts", a-t-il dit. Sa phrase est parfaite, parce qu'elle dit de ce qui, à la fois, sépare et unit ces deux équipes. La détestation saute aux yeux.
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France - Espagne, Mondiaux 2014

Crédit: AFP

Mais, au fond, elle n'est que la partie visible de l'iceberg. Reste tout ce qui n'apparait pas, qui se doit de rester enfoui : le respect. Oui, pour développer un tel antagonisme, il faut, aussi, se respecter. Plus je te déteste, plus je te respecte. Sans trop se l'avouer, évidemment. Pas un adversaire n'a davantage fait avancer et grandir l'équipe de France ces dernières années que le voisin espagnol. Et, au moins au plan européen, la réciproque est vraie.
Pas plus que les précédentes compétitions majeures, ces Jeux de Rio ne pouvaient sans doute pas échapper à un énième épisode. Dimanche, après le match contre les Etats-Unis, alors qu'on ignorait encore l'identité de l'adversaire des Bleus en quarts, Batum avait senti le coup. "De toute façon, nous avait-il dit, que ça me plaise ou non, c'est écrit, c'est le destin, on se retrouve à chaque fois". Le destin, c'est donc mercredi à 19h30. Et celui-ci sera peut-être plus particulier que les autres encore.

Parker ou Gasol pour la der' ?

Parce que, sauf gigantesque surprise, mercredi soir, un monument du basket du Vieux Continent va tirer sa révérence internationale. De Tony Parker ou de Pau Gasol, soit deux des trois joueurs européens les plus marquants de l'ère NBA avec Dirk Nowitzki, l'un va être expédié à la retraite. Par son Némésis. Et ce sera la double peine, croyez-le bien. En plus de la fin de l'aventure olympique, il faudra supporter l'affront d'avoir vu "l'autre" appuyer sur le bouton "off".
Ne ratez pas ce moment-là, il sera fort et spécial. Je suis sûr qu'un jour, on en fera un documentaire, peut-être même un livre. Parker, les Gasol, Batum, Diaw et les autres pourront même rigoler de tout ça. Le roman franco-espagnol est déjà entré dans l'histoire du basket mais, mercredi, il s'agira, justement, d'oublier tout ça. Pas nous. Mais eux, sur le terrain. Ne penser qu'au jeu. Pas au passé. Pas aux 40 points de Gasol, au coup de coude de Batum en fin de match en 2012. Non, juste le jeu. Le reste doit servir jusqu'au coup d'envoi. Dans le vestiaire. Pas après.
"On ne peut pas avoir beaucoup plus envie que nous l'an passé ou qu'eux il y a deux ans. Dans les deux cas, ce n'est pas ça qui a fait la différence", a rappelé avec une certaine sagesse Vincent Collet. Paradoxalement, l'équipe qui sortira victorieuse de cet énième duel de cette rivalité pas comme les autres, est peut-être celle qui saura le plus s'en éloigner.
France - Espagne
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