So biathlon : Un hiver mémorable, un week-end inoubliable

La saison 2024-2025 de biathlon a pris fin au terme d'un dénouement d'une force incomparable, à Oslo Holmenkollen. Entre l'adieu de la fratrie Boe et le duel d'anthologie, à la fois superbe et dramatique, livré par Franziska Preuss et Lou Jeanmonnot, un hiver magnifique a atteint son paroxysme dans son adieu printanier. A la fois sublime et cruel. Conforme à ce que peut être ce sport.

La chute de Jeanmonnot couronne Preuss : duel pour un cristal au goût d'inachevé

Video credit: Eurosport

Il flotte un parfum de dimanche de fin juillet, celui où le Tour de France s'achève. La fin du Tour, c'est le début de la mélancolie, celle que Blondin décrivait tel l'enfant comprenant que c'était son dernier tour de manège et qu'il faudrait attendre un an pour remonter dessus. C'était un peu cela, dimanche à Oslo. Un week-end à l'intensité et à la portée historique, magistral bouquet final d'une saison d'exception, laisse place au grand vide qui va s'étirer du printemps naissant jusqu'au cœur de l'automne prochain.
Ainsi va le biathlon, sport où l'on passe plus de temps à se préparer qu'à être en compétition. La reprise est prévue dans plus de huit mois. Ça va être long. Mais l'attente a des vertus et dans ce monde moderne du "tout, tout de suite, tout le temps", où l'on peut difficilement passer plus 24 heures sans match de football, où l'intersaison de tennis laisse à peine le temps de souffler, la façon de faire des sports blancs a quelque chose d'anachronique qui contribue à son charme.
Il restera les souvenirs, aussi, pour patienter. En la matière, l'exercice 2024-2025 nous a gâtés. Chez les hommes comme chez les femmes, personne n'a écrasé la concurrence et nous avons eu droit à deux duels magnifiques. Sturla Laegreid contre Johannes Boe d'un côté, Franziska Preuss vs Lou Jeanmonnot de l'autre. Il y a eu de la variété sur le plan individuel, avec au total 21 vainqueurs différents, 12 chez les messieurs et 9 chez les dames. Il y a eu du suspense, jusqu'au bout, des nouveaux visages aux côtés des vedettes habituelles, en dépit de l'absence de la tenante du titre.
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Les Boe sont prêts : "On est presque déjà retraités dans nos têtes"

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Holmenkollen a tout magnifié

Cette campagne 2023-2024 a aussi été marquée par un évènement majeur en plein milieu de l'hiver avec l'annonce du futur départ à la retraite de Johannes Boe, principale figure de son sport ces dernières années. La fin annoncée du Norvégien a changé la donne et conféré à cette dernière ligne droite, particulièrement à ce dernier week-end à domicile, une force toute spécifique. Jusqu'à Oslo, la saison avait valu le détour et même sans ces trois dernières journées de course, elle méritait une excellente note finale. Mais Holmenkollen a tout changé, ou plutôt tout magnifié.
Ce rush final, avec les deux gros globes comme enjeu central, a transcendé les quatre protagonistes. Les deux sprints du vendredi ? Boe devant Laegreid. Preuss devant Jeanmonnot. Les cadors étaient là. C'était parti fort et le crescendo aura été incroyable jusqu'au bout. Certes, il a manqué, pour les garçons, un duel plus jusqu'au-boutiste entre les deux Norvégiens devant leur public. Mais la grande histoire du week-end, ce n'était pas "Sturla ou Johannes ?" C'était "Johannes et Tarjei".
Un des trois plus grands champions de l'histoire de son sport qui tire sa révérence et dont le grand frère, au palmarès remarquable quoi qu'inférieur, l'accompagne dans sa retraite. Magnifique dénouement sous le soleil scandinave. Les gens du Nord courbent le dos lorsque le vent souffle très fort. Ce sont surtout les autres qui ont courbé l'échine quand la tempête Boe a soufflé sur le biathlon mondial. Johannes Thingnes Boe n'a pas glané un dernier gros globe, mais il a réussi sa sortie et eu les adieux que sa grandeur méritait. Et c'était beau.
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La chute de Jeanmonnot couronne Preuss : duel pour un cristal au goût d'inachevé

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Pourtant, la page de légende de ce week-end fut féminine. Un immense moment de biathlon, offert par deux jeunes femmes en quête de la même grande première. On laissera le soin à chacun de juger qui, de Preuss ou de Jeanmonnot, aurait fait la plus belle lauréate. C'est là une affaire trop subjective pour la trancher au nom des autres. La Française, pour ses huit victoires, ce qui la place très au-dessus du lot en la matière ? Pourquoi pas. Elle aurait fait une "yellow bib" finale incontestable. Mais c'est tout aussi vrai de Franzi l'Allemande, revenue de si loin, forcée de surmonter tant d'épreuves ces dernières années et dont la constance cet hiver a eu quelque chose de sublime.

A la fois dégueulasse et magique

Est-il regrettable d'avoir dû départager ces deux-là, tant elles méritaient l'une et l'autre d'être sacrées ? Non. C'est la nature du sport et si sa beauté tient à la force des émotions qu'elle peut générer, sa grandeur réside aussi, parfois, dans une forme de cruauté. Sur ce plan, la mass-start de dimanche n'a pas seulement été une course dantesque. Ce fut un moment de sport édifiant. Neuf week-ends. Vingt-et-une courses. Plus de 300 tirs. Tout ça pour tout jouer sur une dernière boucle. Sans calcul ni calculatrice. Termine devant et tu seras la reine. Finis derrière et il te restera les regrets.
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La palette | Virage serré, planté de bâton : la chute de Jeanmonnot décryptée

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Il aurait été fabuleux que tout s'achève par un sprint entre Franziska Preuss et Lou Jeanmonnot. Un ski que l'on jette. Une photo finish. Cette chute dans laquelle la Jurassienne a tout perdu est tout ce que l'on ne voulait pas voir. Pourtant, cette dramatique dramaturgie possède elle aussi sa force propre et sa majesté. C'était à la fois dégueulasse et magique, offrant par-delà cette image que nous ne voulions pas voir une séquence d'une grande beauté, lorsque Preuss est venue, à terre à son tour, enlacée sa rivale meurtrie.
Même là, il était impossible de les départager, de trancher laquelle des deux était la plus extraordinaire. La dignité de l'une dans la détresse, la magnifique retenue de l'autre, repoussant son bonheur légitime à plus tard. Lou Jeanmonnot aura mal au bide et aux gencives ces prochains jours, ces prochains mois peut-être, même. L'histoire sera belle jusqu'au bout si elle aussi finit par atteindre son rêve de cristal. D'ici là, il faut juste la remercier. Elle et les autres. Et se demander comment il va être possible d'attendre le 2 décembre prochain pour revivre ça.
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Preuss : "Pas la fin qu'on voulait"

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