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Quentin Fillon Maillet sur l'interdiction du fluor : "Les Norvégiens en profitent pour nous faire peur"

Gilles Della Posta

Mis à jour 24/11/2023 à 16:27 GMT+1

A l'aube de l'ouverture de la saison, à Östersund ce week-end, Quentin Fillon Maillet fait un ultime bilan de sa préparation. L'objectif de retrouver le statut de n°1 mondial obtenu en 2022 demeure, malgré une alerte physique en début d'intersaison et des questions sur la préparation des skis. L'interdiction du fluor bouleverse les repères et les Norvégiens semblent avoir bien préparé ce tournant.

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Comment vous sentez-vous à quelques heures du départ vers Östersund, pour la première épreuve de la saison (entretien réalisé la semaine passée, NDLR) ?
Quentin Fillon Maillet : Bien. J'ai eu un début d'été un peu compliqué mais tout est rentré dans l'ordre juste avant le stage de La Féclaz (mi septembre, NDLR). Maintenant les sensations sont "normales", la fin de la préparation a tout de même été bonne et j'ai pu progresser sur d'autres points. Il y a un peu d'appréhension parce que j'attends de voir ce que tout le travail fourni depuis le mois de mai va donner face aux adversaires qu'on n'a pas croisés depuis un petit moment.
Il y a aussi des inconnus. J'ai parlé avec l'équipe technique à propos des différences observées lors de la coupe de Norvège avec des Allemands et des Italiens qui étaient un peu en dessous des Norvégiens. Aujourd'hui, on ne peut pas dire grand-chose car il est impossible de quantifier le travail qui a été fait par les techniciens des équipes de France de ski de fond et de biathlon à Davos. Il y a eu un gros travail en commun de leur part, maintenant on verra ce qu'il en sera. Mais ma forme est bonne, ma motivation est grande, j'ai hâte de démarrer et de m'exprimer pleinement sur le début de saison.
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Plus précisément, qu'est ce qui a été compliqué physiquement en début d'été ?
QFM : Lors de la coupure au printemps, je suis parti en vacances. Au mois de mai, j'ai repris le sport mais sans aucune obligation, j'y suis allé à l'envie, sans planning très précis au niveau des entraînements. Arrivé en juin, j'ai senti que la forme n'était pas excellente pour une reprise, nous avons fait des tests au niveau du rythme cardiaque au lever, ce qui permet de cerner l'état de forme général, et ce n'était pas bon du tout. Simon [Fourcade, nouvel entraineur de l'équipe de France masculine, NDLR] m'a très vite alerté sur ce point, et nous avons adapté l'entraînement car je n'étais pas en mesure de suivre un planning standard avec des volumes de travail qui sont assez conséquents à cette période-là.
Cela a généré beaucoup d'inquiétude car à cette période, on est censé ressortir de la coupure avec une forme et une motivation bonnes. On peut accepter de la fatigue physique une fois le travail commencé, or je ne sortais pas d'un gros mois de préparation. J'ai cherché à avoir des réponses sur ce qu'il se passait auprès de l'équipe médicale et des structures que je connais, j'ai fait des examens, des prises de sang et une explication possible pourrait remonter au printemps après les Jeux Olympiques. Le Covid a sans doute trainé dans mon organisme, cela m'a fatigué et, associé à la reprise peu de temps après, cela aurait généré du surentraînement, qui à sont tour aurait provoqué un manque de récupération, une baisse d'immunité générale. Cela pourrait expliquer aussi, je l'espère, les résultats moins bons de la saison dernière. J'avais ce sentiment que la préparation n'avait pas été mauvaise et que, pourtant, le physique n'était pas bon, marqué surtout par un manque de récupération.
Cela a été difficile car le staff médical m'a prévenu que cela pouvait prendre de quatre à six mois pour se remettre d'un surentraînement (...) Et courant septembre, les paramètres sanguins sont revenus dans les normes
En temps normal, les troisièmes semaines de Coupe du monde constituent plutôt un point fort me concernant, et là, cela a été particulièrement compliqué en décembre et janvier. Au final, même si cela me donne une partie des explications, je n'avais pas de solution immédiate. On a continué à gérer ça avec Simon en se concentrant sur la gestion de mes sensations et sur la récupération, tout en poursuivant les tests cardiaques le matin. Cela a été difficile car le staff médical m'a prévenu que cela pouvait prendre de quatre à six mois pour se remettre d'un surentraînement. J'ai ressenti de la frustration en imaginant que je ne serai peut-être pas en mesure de défendre mes chances l'hiver prochain. Et courant septembre, les paramètres sanguins sont revenus dans les normes, les divers tests pour mesurer mon état de forme sont eux aussi revenus dans les normes.
Cela m'a permis de faire la dernière partie de la préparation sur des programmes "standards". Je n'ai pas l'impression que l'adaptation à laquelle j'ai dû me plier cet été a eu des conséquences pour le moment. On verra durant l'hiver ce que cela va donner mais pour le moment, ça va. Je suis satisfait d'en être là où j'en suis aujourd'hui avec ce début d'été qui a été compliqué et ce ne sera pas une excuse pour ne pas faire de résultat cet hiver.
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Johannes Boe a lui aussi des skis Fischer
Concernant le matériel, l'interdiction du fluor va changer quoi selon vous ?
QFM : D'après nos techniciens, ces huit dernières années, on a couru à 90-95% en compétition avec du fluor. C'est ce qui fonctionnait le mieux pour la performance en glisse. Sans fluor, il va falloir se faire à l'idée que les courses seront plus lentes, on parle d'une minute par tour sur une boucle de 3,3km donc ce sera un nouveau référentiel pour nous. D'un autre coté, moi je skie 95% du temps sans fluor à l'entrainement, il n'y avait qu'en compétition que mes skis étaient fartés au fluor ou alors de manière très exceptionnelle.
On va utiliser d'autres produits, d'autres techniques de fartage vont se développer et jusqu'à présent, peu de nations ont de l'expérience dans ce domaine. Cela va rebattre les cartes au niveau du fartage et personne ne peut dire ce que cela va donner. Moi, j'ai la chance d'avoir un équipementier qui me fait confiance depuis des années, qui me fait tester beaucoup de matériel et j'espère que ce sera un atout pour moi... le seul inconvénient, c'est que Johannes Boe a lui aussi des skis Fischer.
Les Norvégiens ont plus de moyens pour développer de nouveaux produits… Est-ce que cela vous préoccupe ?
QFM : Les Norvégiens ont toujours eu plus de budget, plus de techniciens, c'est une situation que l'on connaît depuis des années. La Norvège, c'est la nation à battre sur les skis. Quand on est bons, on est à leur niveau et avec un peu de chance, on arrive à être meilleurs qu'eux mais globalement c'est la nation qui se trompe le moins sur les dernières saisons et ce sera encore le cas cette année. Je ne connais pas leur stratégie de préparation des skis avec l'interdiction du fluor, ce qui est certain, c'est que les résultats de la coupe de Norvège nous inquiètent un peu parce que les Allemands ont aussi des budgets conséquents. Je ne connais pas non plus la stratégie de fartage utilisée par les Allemands, les Norvégiens et les Italiens à Sjusjoen, j'ai simplement lu un article mais je n'ai pas beaucoup plus d'infos sur le sujet.
Ils ont passé deux semaines à nettoyer le camion de fond en comble, tous les outils à la brosse à dents
Les Norvégiens aiment bien également réagir sur ce point, ils en profitent pour nous faire peur et ce sera un levier pour eux sur le début de saison. J'espère que les techniciens français ont bien bossé en Suisse, je crois qu'ils étaient plus de 20 techniciens pour tester le matériel et leurs retours étaient plutôt positifs, ils ont trouvé des choses très intéressantes. Ils ont aussi acheté une machine pour tester les skis avant de partir en compétition car c'est un autre point d'inquiétude : j'espère pouvoir prendre 100% des départs de la saison prochaine et qu'il n'y ait pas de contrôles positifs sur les skis. Ils ont passé deux semaines à nettoyer le camion de fond en comble, tous les outils à la brosse à dents, ce qui veut dire que ce temps n'a pas été utilisé à travailler sur la performance mais pour se mettre à niveau concernant les règles. Il y a une véritable volonté de la France à montrer son intention d'être parfaite dans ce domaine. N'étant pas avec eux, n'étant pas en Norvège non plus, on fera le point à Östersund (à partir de ce week-end, NDLR).
Est-ce que le fait d'avoir une glisse moins efficace peut changer les rapports de force ?
QFM : Plus le temps de course est long, plus les écarts vont grandir. Faisant partie des bons skieurs ces dernières années, ce sera plutôt à mon avantage. Cela va creuser les écarts, mais cela va aussi rendre le combat encore plus dur devant, c'est ce que l'on peut imaginer en observant les épreuves passées sous la neige tombante ou par neige très humide. J'essaye de tourner les choses en voyant le positif car il y a beaucoup d'inconnues et si je noircis le tableau avant le début de la saison, je vais me mettre moi-même des bâtons dans les roues.
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