Les plus populaires
Tous les sports
Voir tout

JO Pékin 2022 / "Concours de circonstances", "quête personnelle" : Albert II narre l'histoire du bobsleigh à Monaco

Jeremie Bernigole

Publié 17/02/2022 à 14:18 GMT+1

JEUX OLYMPIQUES D’HIVER - Sixièmes en bob à deux, Rudy Rinaldi et Boris Vain ont signé une performance de choix à Pékin. La meilleure pour des athlètes olympiques de la Principauté, 34 ans après la première participation du Prince Albert II à Calgary 1988. Retour, avec Son Altesse Sérénissime, sur une étonnante passion monégasque pour le bobsleigh.

Rudy Rinaldi et Boris Vain (Monaco), sixièmes de l'épreuve de bob à deux, lundi 14 février. / Jeux Olympiques Pékin 2022

Crédit: Getty Images

Monaco, mardi 15 février, 15h24. La Principauté retient son souffle. A 8 000 kilomètres du Rocher, Rudy Rinaldi et Boris Vain prennent leur élan. Devant eux, une descente vertigineuse d’un peu moins d’une minute. Au bout de la piste du centre national des sports de glisse de Yanqing, une possible médaille de bronze. Pas n’importe laquelle : la première de l’histoire pour Monaco.
À l’entame de la quatrième et ultime manche, seuls 21 centièmes séparent les bobeurs monégasques (5e) du podium. Un exploit pour ces athlètes minés par les blessures depuis les Jeux de Pyeongchang en 2018, où ils avaient signé le 19e chrono. Cette année, leur qualification olympique s’est jouée à un cheveu, Anthony Rinaldi, leur remplaçant, assurant l’intérim avec brio en Coupe du monde à Saint-Moritz le 15 janvier, après que Boris Vain a contracté le Covid-19. Galère jusqu’au bout.

Un résultat au-delà des attentes

Avant de rallier la Chine, le tandem titulaire assurait ne pas avoir d’autre objectif que "prendre du plaisir". Officieusement, un top 10 était ciblé. Leur prestation a dépassé les attentes monégasques : une sixième place au général, à 54 centièmes du podium dominé par l’intouchable Allemagne. "Leur performance est extraordinaire et totalement méritée, reconnaît Vincent Ricard, consultant bobsleigh pour Eurosport. Boris est un très, très gros pousseur, il possède beaucoup de qualités. Rudy, au pilotage, descend très bien. Il a commis quelques petites erreurs sur l’ultime session, mais les trois premières sont parfaites. Ce sont de supers gars."
La Principauté l’a senti dès les entraînements (2e puis 5e). Elle avait déjà poussé très fort derrière le porte-drapeau Arnaud Alessandria (ski alpin), 13e du combiné. Durant la quinzaine, une vague de soutien a fleuri sur les réseaux sociaux. Un engouement rare pour le cirque blanc, qui n’a cessé de croître à mesure que la médaille scintillait. "On a montré qu’on pouvait rivaliser avec de grandes nations. On n’avait rien à perdre. Et voir toutes ces personnes derrière nous a été une très agréable surprise, ça nous a fait un bien fou", ont confié les représentants Rouge et Blanc.

Albert II, l'initiateur

Habitués aux événements sportifs à résonance mondiale, les Monégasques se sont pris de passion pour les bobeurs partis en campagne olympique. Le Prince Albert II, en spectateur assidu et en spécialiste, n’a rien manqué de l’épopée pékinoise, assurant dans les colonnes de Monaco-Matin s’être mis dans la peau du pilote de bobsleigh qu’il était. Car c’est le Souverain, cinq Jeux d’hiver au compteur (1988, 1992, 1994, 1998, 2002), qui a initié l’improbable mouvement à Monaco.
Saint-Moritz, hiver 1985. Cinq ans après avoir touché pour la première fois un bob aux JO de Lake Placid (Etats-Unis), Albert II, alors prince héréditaire, effectue une descente en "bob taxi"."En remontant la piste, un entraîneur suisse m’a demandé si je souhaitais suivre une école de pilotage, retrace le Souverain pour Eurosport.fr. A l’issue de la discussion, j’ai appris que son épouse n’était autre que l’une de mes premières nounous."
picture

Le Prince Albert II de Monaco à Calgary, en 1988.

Crédit: Getty Images

Assurer une continuité

Un "concours de circonstances" à la genèse d’une passion monégasque. Premier stage de pilotage en 1986, première course de club la même année, début en Coupe du monde en décembre 1987 à Ingls, en Autriche. Et, quelques mois plus tard, entrée dans le grand monde olympique à Calgary pour Albert Grimaldi, porte-drapeau. A la clé, une 25e position avec Gilbert Bessi.
"J’avais fait une croix sur le sport de haut niveau, mais les entraîneurs voulaient me faire progresser. Toutes les sécurités ont été prises pour le pilote débutant que j’étais. J’ai relevé ce défi en saisissant l’opportunité. Les sports d’hiver avaient déjà leur place dans notre pays, mais cette discipline nous sortait complètement de notre zone de confort. Quand j’ai évoqué le bobsleigh à Monaco, certaines personnes n’arrivaient pas à prononcer le mot", se souvient dans un sourire le Prince Albert II, dont l’un des oncles, Guy de Polignac, était membre de l’équipe de France dans les années 1920-1930.
picture

Le Prince Albert II de Monaco lors des Jeux Olympiques de 1988.

Crédit: Getty Images

Bien que "poursuivant une quête personnelle", le Souverain, qui possédait une licence de bobeur dans un club suisse, le Bob Club Lugano, pense à l’avenir de la discipline en Principauté et crée dès 1987 la Fédération. Une section voit ensuite le jour au sein de l’AS Monaco : "Ma volonté était de faire perdurer ce sport à Monaco, de faire en sorte de susciter des vocations afin que ma participation aux JO ne soit pas un one shot."

Milan-Cortina et le clin d'œil du Prince Albert

C’est une constante : depuis Calgary 1988, une équipe monégasque de bobsleigh s’est systématiquement qualifiée à chaque édition du cirque blanc. Après Salt Lake City 2002 et une épreuve de bob à 4 achevée au 28e rang, le Prince Albert II a rangé casque et combinaison, et transmis le flambeau. Jérémy Bottin et Patrice Servelle relèvent le défi dès 2006, assurant une 12e place à Turin. Le meilleur résultat monégasque dans la discipline… effacé ce mardi. "La Principauté est devenue une vraie nation forte du bobsleigh. S’il était surprenant autrefois de voir Monaco dans ce milieu, l’équipe a gagné ce statut à force de travail et fait l’unanimité", révèle Vincent Ricard.
Depuis Pyeongchang 2018, l’héritage est assuré par Rudy Rinaldi, médaillé de bronze aux Jeux Olympiques de la Jeunesse en 2013 avec Jérémy Torre, et Boris Vain, ancien bon sprinteur et lanceur de poids. Les deux athlètes de 28 ans s’entraînent au Stade Louis-II et sur la piste de poussée à La Turbie sous les conseils avisés de Bruno Mingeon, médaillé de bronze en bob à 4 à Nagano 1998.
Lorsqu’il est épargné par les blessures, le duo se signale par de bonnes performances en Coupe du monde (9e à Ingls le 27 novembre dernier). "Ils ont le potentiel pour faire d’excellents résultats, à condition de se débarrasser des problèmes physiques et de jouer régulièrement le podium mondial", estime Vincent Ricard. La Principauté de Monaco peut-elle glaner sa première médaille olympique à Milan-Cortina ? "Oui, c’est désormais envisageable. L’obtenir en 2026 serait un formidable clin d’œil, quarante ans après mes débuts", conclut le Souverain. De quoi entretenir la passion qu’il a su insuffler aux Monégasques, en attendant les prochains JO.
picture

Rudy Rinaldi et Boris Vain (Monaco), sixièmes de l'épreuve de bob à deux. / Jeux Olympiques Pékin 2022

Crédit: Getty Images

Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Sur le même sujet
Partager cet article
Publicité
Publicité