Nicolas Gestin toujours des étoiles plein les yeux après les Jeux Olympiques : "À moi désormais de faire rêver"

C'est l'histoire d'un mec qui n'est toujours pas redescendu de son nuage. Un mois après son sacre en canoë slalom aux Jeux Olympiques de Paris 2024, Nicolas Gestin a encore du mal à réaliser son exploit. A 24 ans, le Breton veut savourer avant de (re)voir encore grand, comme il nous l'a longuement confié dans un entretien organisé dans son Quimperlé natal. Avec toujours beaucoup d'humilité.

«Ça fout les frissons» : Gestin toujours sur son nuage après son titre olympique

Video credit: Eurosport

Nicolas, il y a deux ans, vous nous disiez : "J’imagine Paris 2024 comme un moment partagé avec des copains, des supporters, des super céistes. J’essaye de m’accrocher à ce moment-là". Le contrat est plus que rempli…
Nicolas Gestin : Au-delà de la médaille, du côté très protocolaire des Jeux, ce qui me motivait vraiment, c’était que le moment soit partagé, qu’il y ait du monde. C’était très important pour moi que ce soit une belle compétition. Oui, je visais l'or, mais je voulais aussi qu’il y ait les meilleurs athlètes de ma catégorie. S'il n’y a pas tous les favoris, ça enlève quelque chose.
Un mois après, est-ce qu'on est toujours sur un petit nuage ?
N. G. : Je n’ai pas forcément eu le temps de réaliser encore. Pendant deux ou trois semaines, on ne vit que des moments en accéléré. Je me suis dit que ce serait bien de couper complètement une ou deux semaines. La réalité, c’est que le canoë reste un sport précaire. J’ai tout intérêt à construire rapidement pour la suite, à capitaliser sur la médaille et l’engouement qu’il y a autour.
Il y a eu Tony Estanguet, il y a eu Denis Gargaud Chanut, il y a désormais Nicolas Gestin…
N. G. : Il y a eu plein d’autres médaillés olympiques qui m’ont fait rêver et qui ont "enfoncé le système" comme Émilie Fer en 2012, Frank Adisson, Wilfried Forgues, Fabien Lefèvre et j'en oublie. Faire partie de cette tradition du canoë hommes français, c’est cool. Je ne peux que remercier Denis et Tony de m’avoir donné envie d’aller chercher ce moment. À moi désormais de faire rêver les deux ou trois gamins qui seront nos représentants dans le futur.
Tout le monde parle d'une comparaison avec Tony Estanguet. Est-ce que vous vous en détachez facilement ?
N. G. : C’est le sportif qui m’a peut-être fait le plus rêver dans un canoë. Il est l’image de notre sport. En termes d’ambition sportive ou ailleurs, l’idée n’est pas de mener le même projet. J’ai envie de faire ce qui m’anime, de faire mon propre chemin.
Tony vous a glissé quelques mots après la course ?
N. G. : Pas plus que ça, il était aussi dans son rôle, au travail. Ce qui était chouette, c’était de le voir avec les yeux d’un gars qui a kiffé le moment. Il m’a félicité et je l’ai remercié pour les choses qu’il m’a apportées. Je l’avais vu en décembre dans les locaux de Paris 2024 et il m’avait dit de ne pas trop me prendre la tête, de ne pas courir avec le frein à main pendant les Jeux. "Dévore les", c’était un peu le mot d’ordre.
picture

6 secondes d'avance sur la concurrence : comment Gestin a décroché l'or

Video credit: Eurosport

Est-ce que vous réalisez que vous avez signé l'une, si ce n'est la plus belle finale olympique de l'histoire ?
N. G. : C’est ma plus grosse fierté. Ça fait quatre ans que tu connais le jour de la finale olympique. L'enjeu, c’est d’être prêt le jour J. Il y a quand même plein de facteurs inconnus : comment tu vas réagir au bruit, à ta préparation, comment va être ton état de forme ? La question, c’est d’être prêt à tout donner même à 95%. Après ma demi-finale, je me disais que l’enjeu n’était pas de reproduire, mais de construire un projet encore plus ambitieux qui va me permettre d’aller chercher l’or.
Pari tenu…
N. G. : Il fallait vraiment attaquer, mais de là à améliorer le temps de la demie qui était déjà très bon… Gagner les quatre courses d'une épreuve, je n’avais jamais fait ça, même en Coupe du monde ou aux Championnats du monde. Écrire une nouvelle page, après chaque course, construire sur les précédentes, c’est quelque chose qu’il faut que je retienne. Je ne l’explique pas plus que quelqu’un qui a raté une course. Il y a des choses que je peux expliquer, mais d’autres non.
On ne ment pas quand on dit que c’est la plus belle manche de votre carrière ?
N. G. : Non, c’est la plus grosse manche que j’ai sortie. Maintenant, je pense que j’ai beaucoup élevé mon niveau sur les dernières années. Je suis capable de produire ça de plus en plus régulièrement. Sur certaines Coupes du monde, je suis arrivé sans les avoir préparées, j’ai réussi à sortir des temps canons malgré les pénalités.
A Vaires, il y avait 12 000 personnes, c’était un vrai chaudron…
N. G. : Je pense que ça m’a vraiment porté, mais ça peut aussi bouffer certaines personnes. J’avais travaillé cet aspect avec du bruit, j’essayais de me perturber. La journée de qualification était assez stressante car j’étais le premier à entamer les Jeux. Dans les 45 secondes, avant le start, c’était le feu au bord du bassin, tout le monde criait. C’était très dur de rester focalisé, de ne pas prendre l’ambiance. Pour la finale, je me rappelle très bien du passage de la dernière porte quand le public comprend que c’est fait, qu’il n’y a plus de risque. Je souriais dans le sprint final, j’avais compris au bruit. Ce sont des trucs que je ne revivrai sans doute jamais. Je suis content d’avoir réussi à le gérer et d'avoir pu en profiter pour que ça me galvanise.
Au cours de nos entretiens, vous avez souvent évoqué un changement de paradigme en cas de médaille olympique…
N. G. : On me demande souvent si mon statut a changé, mais je reste le même. Déjà, je n’ai pas forcément digéré d’être champion olympique. C’est sûr qu’il y a un nombre d’opportunités qui se sont dessinées, c’est assez dingue car on passe du tout au tout. Je caricature, mais c’est comme si avant je valais zéro, et maintenant que je valais tout l’or du monde. On fait un sport où on est dans l’anonymat et la médaille olympique permet d’en sortir. Je commence à en prendre conscience. Ma vie va changer, reprendre les études, c’est désormais inenvisageable ou presque.
En marge des Jeux, il y a un événement qui surpasse tout pour vous…
N. G. : La cérémonie de retour à Quimperlé avec presque 3000 personnes sur les quais (ndlr, le 17 août dernier)… J'ai senti la ferveur dans ma ville natale, c'étaient les premiers à m’avoir soutenu. J’avais juste envie de leur dire merci. Il y a des moments où tu toques à des portes, il n’y a pas grand-chose qui s’ouvre et ça a été les premiers à leur échelle. Ça m’a permis d’être bien dans mes baskets. C’était la première fois qu’il y avait un olympien au club et dans la ville. Ce qui est sympa, c’est que les gens t’identifient et se disent que c’est possible. Même moi, je ne pensais pas que c’était possible quand je me suis inscrit au club quand j’avais sept ans.
Il y a des flashs du passé qui reviennent…
N. G. : Faire ce défilé à Quimperlé, c’était symbolique pour moi et mes moniteurs de club. Ils me revoient revenir au club sans savoir pourquoi j’étais là. Ce sont des moments qui ont tellement forgé le fait que je sois un passionné. Quand je revois la photo que j’ai prise avec Tony Estanguet aux Roches du Diable en 2009, je me dis que c’était une aubaine pour un jeune pagayeur. Ça fait depuis 2020 qu’on n'a pas eu d’épreuve nationale là-bas et qu’on n'a pas vu le gratin français courir. C’est tellement important pour des gamins de voir les champions. Si on peut de nouveau provoquer ça, ça fait aussi partie de mon olympiade.
Paris 2024 était l'objectif numéro un de votre carrière. Quand on goûte à la plus belle des récompenses, on a forcément envie de plus…
N. G. : En Coupe du monde, en Championnat d’Europe, en Championnats du monde, j’ai tout à faire. Ça me donne de l’appétit. Il ne faut pas se voiler la face : courir devant 12 000 personnes avec autant d’effervescence, ça n’arrivera plus. Il faut que je redéfinisse un projet. Il y a plein de manières de se motiver. Le plus important, c’est de m’éclater au jour le jour sur l’eau. Le luxe d’avoir une médaille d’or, c’est que ça va m’ouvrir d’autres portes, je vais essayer d’en profiter.
Est-ce que vous n'avez pas peur d'une forme de nostalgie ou même d'ennui ?
N. G. : C’est sûr, on ne sait pas comment on va réagir à tout ça. Ce serait mentir que de dire qu’il n’y a aucune crainte. En ce moment, je me sens bien dans ma vie. Il y a des projets qui se montent. J’ai envie de trouver des motifs de satisfaction ailleurs que dans la performance purement sportive. J’ai déjà l’envie de remonter sur l’eau et de préparer les Coupes du monde qui arrivent. Je me sens bien dans mes baskets, ça n’existera peut-être plus un truc comme Paris 2024, mais il y a d’autres projets qui me motivent. Il y a des craintes, mais pas tant que ça.
picture

La folie pour Gestin : quand le médaillé d'or nage dans le bonheur avec un kop déchaîné

Video credit: Eurosport

Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Partager cet article
Publicité
Publicité