Gilbert dans le doute

Avril 2011. Dans la foulée d'un exercice 2010 bien rempli et d'un début de saison plus que solide, Philippe Gilbert déboule sur les Ardennaises avec un statut d'homme à battre. Une semaine et un triplé plus tard dans l'Amstel Gold Race, la Flèche Wallonne et Liège-Bastogne-Liège, il devient la superstar imbattable du peloton. En un an, quel changement ! En proie au doute, en mal de résultats et en quête de ses jambes de feu des 18 derniers mois, le champion de Belgique est loin de faire figure de favori pour l'Amstel, dont il est pourtant le double tenant du titre. Et c'est peu de le dire.

Mercredi, lors de la Flèche Brabançonne (autre course qu'il avait remportée l'an dernier), on l'a certes vu secouer le peloton. Mais le fait qu'il le fasse si loin de l'arrivée témoigne plus d'un aveu d'impuissance que d'une force retrouvée. C'est donc un Gilbert aux ambitions plus que modestes qui débarque aux Pays-Bas. D'une grande lucidité, il dresse un tableau sans concession de sa propre condition. "Je vais un peu mieux chaque semaine, mais je suis encore loin du compte", explique-t-il. Gagner dimanche et rejoindre Jan Raas au rang des triples vainqueurs d'affilée? Impensable selon lui. "Je n'ai pas les moyens de lutter avec les meilleurs dans le final. Donc je dois partir de loin. Le problème, c'est qu'on ne laisse pas partir quelqu'un avec ma réputation. Alors je vais essayer de tenir."

Fin mars, après un Grand Prix E3 catastrophique et juste avant le Tour des Flandres, Gilbert entendait mettre à profit les trois semaines suivantes pour se remettre dans le coup dans l'optique des Ardennaises. Manifestement, cet espoir là a vécu. Le fatalisme pointe son nez. "J'ai décidé de ne plus me fixer aucun objectif pour ce printemps", a-t-il confié mercredi après la Flèche Brabançonne. Qui aurait imaginé que le Liégeois puisse tenir un tel discours à la mi-avril? "Ma situation n'est pas facile à vivre, ajoute-t-il. Mon seul objectif, c'est de retrouver ma condition. Ça prendra le temps qu'il faudra. Je ne peux pas y faire grand chose, sinon travailler dur."

Le plus dur pour lui, c'est sans doute de ne pas trouver la raison de ce brutal retour en arrière. "Je n'ai pas d'explication toute faite. Je ne sais pas trop. Je suis humain. Peut-être est-ce le contrecoup, physique et psychologique, de ma super saison 2011. C'est possible." Jelle Vanendert, son fidèle lieutenant l'an dernier, qui roule désormais pour lui chez Lotto, ne l'enterre pas. Mais s'il le voit revenir à moyen terme à son meilleur niveau, il juge lui aussi que, pour les Ardennaises, ce sera juste. "Ce sera différent, c’est sûr, commente-t-il dans La Dernière heure. Il n’a pas la même condition que l’an dernier. Il était mieux mercredi, mais comme il le dit, ça ne pouvait pas être pire. Ça prendra un peu de temps, mais il finira par revenir à son meilleur niveau, croyez-moi. Vous verrez qu’il sera certainement là dans la seconde partie de la saison." En attendant ces jours meilleurs, Gilbert ronge son frein.

Quand il a signé chez BMC en fin de saison dernière, ce n'est évidemment pas ce qu'il attendait. Son nouvel employeur, lui non plus, n'imaginait pas un tel fiasco. Mais BMC le laisse tranquille pour l'instant. "J'ai un contrat de trois ans. Si je fais au moins une saison comme celle de 2011, ça leur ira. Je n’ai pas trop de pression du côté de mon équipe. Un peu, mais c'est normal. Mais ce sont surtout les médias qui m'en mettent. C'est le jeu, c'est leur rôle", juge-t-il. Il a une semaine pour leur donner tort. Mais même lui ne semble pas vraiment y croire.