FDJ, dimanche au paradis

Quand une équipe peut se payer le luxe d'avoir un vainqueur heureux et un dauphin frustré, c'est qu'elle a réussi sa course. Cette 100e édition des Championnats de France aura été marquée par la formation de Marc Madiot. Avec ses deux atouts maitres du sprint, Nacer Bouhanni et Arnaud Démare, elle a magistralement mis à profit le tracé tout plat de cette cuvée 2012 pour signer un tonitruant doublé. Alors, après la victoire de Bouhanni, d'un cheveu, devant son compère, Madiot n'a pas l'intention de bouder son plaisir, et on le comprend: "C'est la plus belle course qu'on a faite depuis que l'équipe existe, affirme-t-il, au niveau de l'engagement collectif, du sacrifice."

A Saint-Amand-les-Eaux, la FDJ avait un problème de riches, ce qui n'est pas forcément son habitude. En Bouhanni et Démare, elle tenait quasiment les deux principaux favoris de la course. L'équipe avait la pancarte, elle devait assumer, ses deux jeunes pousses (Bouhanni a 21 ans, Démare 20) avec elle. "Tout le monde s'est mis à la hauteur de l'événement, se réjouit Marc Madiot. Les coureurs, l'encadrement, les directeurs sportifs... On avait une énorme pression sur la tête, on le savait. On a fait du béton sur cette course." Sur la route détrempée, chacun a accompli sa mission à la perfection. D'abord en contrôlant toutes les échappées qui se sont formées tout au long de la course. Puis en préparant le terrain dans les derniers kilomètres pour le sprint final. Le train blanc, impressionnant, a sorti le grand jeu.

Tout s'est déroulé comme dans un rêve, exactement selon le scénario idéal dessiné la veille. "C'est exceptionnel, c'est comme sur le tableau noir, exulte Jérémy Roy, particulièrement précieux dimanche. C'était le scénario qu'on avait établi dans le briefing. On a pu rouler dans le final comme on avait prévu, avec le train comme on avait prévu jusqu'au bout. C'est un super doublé. Toute l'équipe mérite cette victoire. C'est vraiment un boulot d'équipe." Marc Madiot ne dit pas autre chose: "C'est exactement ce qu'on avait prévu: les déposer aux 200 mètres, les laisser faire leurs sprints et le destin ferait le reste."

Le destin a donc souri à Nacer Bouhanni. Il a manqué dix mètres à peine à Arnaud Démare. Il les avait encore en travers de la gorge quelques minutes après l'arrivée. A chaud, dur pour lui de se satisfaire de la réussite collective de son équipe. Sa déception personnelle prenait le pas, forcément. "Je n'ai pas fait un bon sprint, je pioche un peu à la fin, regrette-t-il. J'ai manqué de force dans le final pour garder l'avantage. C'est décevant personnellement, mais c'est le jeu." "C'est la fraîcheur qui a fait la différence, il y avait 260 km", note Nacer Bouhanni. "Je ne regardais que la ligne, j'étais concentré, dit le nouveau champion de France à propos de son sprint. J'ai fait mon effort au bon moment. L'équipe nous a mis dans des dispositions idéales, moi et Arnaud, et ensuite ça s'est fait à la pédale."

Marc Madiot est fier de ses ouailles. "Ce sont des jeunes coureurs qui sont passés pro chez nous, qu'on connaît depuis longtemps, l'un a été stagiaire, l'autre est passé à la Fondation de la Française des Jeux, rappelle-t-il. Nacer est moins connu qu'Arnaud parce qu'il n'a pas eu le même parcours dans les rangs amateurs. C'est un bon mec qui gagne à être connu, un teigneux, un risque-tout. C'est un beau coureur qui est en train d'exploser." Quelle récompense en tout cas pour cette équipe FDJ, qui tournait autour du maillot tricolore ces dernières années. Elle avait collectionné les places d'honneur collectionnées lors des dernières éditions (2e en 2010 et 2011, 2e et 3e en 2009). "Ce sont les premiers vrais grands, gros bouquets qu'on a avec nos jeunes, souligne Madiot. J'en espère d'autres dans pas longtemps."