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Tour d'Italie 2023 - Primoz Roglic, ce géant que l’on aime à oublier

Jean-Baptiste Duluc

Mis à jour 28/05/2023 à 19:58 GMT+2

TOUR D’ITALIE – Il sera passé par tous les états, comme un résumé en 21 jours de sa carrière, mais Primoz Roglic l’a fait : il a triomphé du Giro. Ultime sacre d’un palmarès pléthorique, complet, unique même. Le Slovène a gagné partout, sur tous les terrains mais le spectre du Tour 2020 et son style de "sprinteur des montagnes" l’empêchent de jouir d'un statut à sa mesure.

Fatale défaillance : comment Thomas a lâché le maillot rose sur le chrono

Un jour, il faudra se poser et réfléchir à la place de Primoz Roglic dans le cyclisme moderne. Tous les avis s’entendent et se respectent mais une chose est sûre : rares sont ceux qui peuvent rivaliser avec le Slovène de la Jumbo-Visma. Car Roglic est un champion dans l’attitude tout autant que dans les résultats. Oui, cela peut sembler évident, encore au crépuscule de son sacre sur cette 106e édition du Tour d’Italie, au terme d’un contre-la-montre épique et renversant sur les pentes du Monte Lussari samedi. Oui, ça devrait l’être depuis bien longtemps à la lecture de son palmarès XXL.

Il a tout gagné, ou presque

En dix ans de carrière, Primoz Roglic a décroché pas moins de 73 victoires, et pas des moindres : 3 Vuelta, un Giro, un Monument (Liège-Bastogne-Liège 2020), la majorité des semi-classiques italiennes de fin de saison (Tour d’Emilie, Milan-Turin, Trois Vallées Varésines), 15 courses par étapes d’une semaine, dont 6 des 7 courses par étapes majeures du calendrier (Paris-Nice, Tirreno, Catalogne, Pays Basque, Romandie et Dauphiné) … Il ne lui manque que le Tour de Suisse, qu’il n’a jamais disputé. Sans oublier qu’on parle tout de même du médaillé d’argent aux Mondiaux 2017 et du champion olympique en titre du contre-la-montre, celui qui avait explosé la concurrence à Tokyo, collant plus d’une minute à tous les favoris et même mis deux minutes à un certain Remco Evenepoel !
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Un saut de chaîne en pleine ascension : le moment où Roglic a failli tout perdre

Lorsqu’on parle d’un palmarès fourni et varié, celui de Primoz Roglic est l’un des premiers auquel on pense. Pourtant, ce n’est pas forcément ce qu’on aime le plus retenir de la carrière du Slovène. Le cyclisme, ce ne sont pas que des chiffres bruts ou des victoires – même si ça compte bien évidemment et que ça reste l’objectif de tout coureur – mais surtout des émotions. Et, à ce niveau-là, Roglic a toujours gâté les suiveurs. Le plus souvent à ses dépens, malheureusement pour lui. Ses malheurs successifs, ses chutes, cette impression qu’il n’avait pas le droit de connaître la réussite, que le sort en avait décidé autrement (bien que son palmarès affirme sereinement le contraire) et sa capacité à toujours revenir ont grandement participé à sa (relative) popularité.

Roglic, un 6e seul au monde ?

Primoz Roglic est un coureur apprécié, par les coureurs comme par le public, un coureur que l’on peut ne pas aimer mais à propos duquel il est impossible d’être totalement indifférent. Il est impossible de véritablement le détester. Le Slovène est trop attachant pour ça et le respect du champion qu’il est fait le reste. Et, pourtant, saison après saison, on ne cesse d’oublier qu’il fait partie des plus grands champions de son temps. On aime même à l’oublier. Remco Evenepoel, Tadej Pogacar, Jonas Vingegaard, Mathieu van der Poel et Wout Van Aert. Voilà les cinq stars du cyclisme actuel. Ce sont les adversaires réguliers de Primoz Roglic, à l’exception de Van Aert et Vingegaard qui sont… ses équipiers. Mais Roglic n’a-t-il pas sa place parmi eux ?
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Primoz Roglic, Thibaut Pinot und Remco Evenepoel beim Giro d'Italia 2023

Crédit: Getty Images

L'ancien sauteur à ski a plus gagné que Vingegaard, Van Aert et Evenepoel, sur tous les terrains et de manière plus prestigieuse, même si le débat est possible niveau prestige avec le Belge de la Soudal-Quick Step. Alors pourquoi n’est-il pas dans ce cercle très fermé ? Une mémoire sélective ou qui ne se souvient que du récent et une certaine vision du cyclisme, quelque peu faussé par les normes imposées par la nouvelle génération. Si Roglic est aussi "peu" considéré, c’est avant tout une question de Tour de France, comme souvent lorsque l’on parle de popularité et de considération dans le monde du cyclisme. Et c’est justement la seule course majeure qui manque encore à son palmarès, autant que son plus gros échec.

Le Tour 2020 et l’absence de cador battu en principal argument

Evidemment, tout le monde se rappelle ce fameux contre-la-montre de la Planche des Belles Filles en 2020. Cette image de Roglic, défait, le visage blanc, le casque de travers a marqué les esprits des suiveurs et n’en était jamais vraiment parti. Déjà en 2018, le Slovène avait perdu le podium du Tour sur l’ultime chrono. Ses régulières "défaites" pour chute ces deux dernières années lui avaient collé une image de "loser", de "joli perdant" tellement apprécié. On aime les beaux perdants malheureux autant qu’on déteste ceux qui gagnent sans panache. "A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire" : voilà qui pourrait être l’épitaphe de la carrière de Roglic selon ses détracteurs. Et ce n’est pas totalement faux non plus.
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Pogacar a mis Roglic K.O. ! Le dénouement historique de la 20e étape

Ce n’est pas entièrement de sa faute si, sur les Grands Tours, le Slovène n’a jamais battu les plus grands cadors. Il n’a jamais battu Pogacar ou Froome, pas plus que Bernal, et s’est retrouvé équipier de Vingegaard. A l’exception de Richard Carapaz sur la Vuelta 2020, et à un degré moindre de Geraint Thomas sur ce Giro 2023, Roglic a rarement battu un véritable cador des courses par étapes. Il a bien dominé Bernal à son prime mais c’était "seulement" sur le Tour de l’Ain 2020. Cependant, Remco Evenepoel ne peut pas se targuer de bien plus. Alors, où se situe la différence ? Dans le style de course, sans doute.

Un manque de panache certain

Qualifié de "sprinteur des montagnes", Primoz Roglic est un champion incontestablement mais que restera-t-il à la fin de sa carrière ? Quelle étape garderons-nous en mémoire ? Un jour où le Slovène a fait preuve de panache, a pris des risques loin de l’arrivée ? Il n’en existe pas. La seule que l’on puisse évoquer est l’étape des Lacs de Covadonga sur la Vuelta 2021, disputée dans des conditions horribles et où il s’était imposé après s’être échappé à plus de 56km de l’arrivée. Mais ce n’était pas lui qui avait lancé le bon coup, il s’était contenté de suivre l’offensive d’un Egan Bernal désespéré. Cette absence de panache et ce côté parfois robotique visuellement lui coûte aux yeux du monde mais il ne faut pas s’y tromper pour autant : Primoz Roglic est un immense champion. Quelle que soit la place qu’on veuille bien lui accorder.
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Lourde chute en saut à skis, bons souvenirs (aussi) : Roglic et les descentes, une drôle d'histoire

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