Le dernier frisson arrivera-t-il ? Romain Bardet et l'impossibilité de tout lâcher

"Je ne suis pas tellement dans le mode classement général". Cette phrase, Romain Bardet (DSM-Firmenich PostNL) l'a prononcée avant le départ du Giro, il y a trois semaines, mais nous aurions simplement pu le paraphraser puisqu'il répète peu ou prou la même chose depuis deux ans et le Giro 2022, le dernier grand tour qu'il a vraiment abordé "en mode classement général". Ce que le Français voulait, c'était disait-il, s'offrir une belle étape de montagne mais le nombre des opportunités restantes (deux) et son classement général (7e) laissent planer un doute sur la réussite du projet.

Que devait viser Romain Bardet sur un Giro que l'on donnait volonté, dès Turin, à un Tadej Pogacar annoncé imbattable ? La concurrence moins dense qu'ailleurs tout autant que sa grande, et surprenante, performance sur Liège-Bastogne-Liège, loin derrière Pogi mais devant tous les autres, faisaient naître des espoirs de podium. Ceux-ci ont volé en éclats dans un premier weekend gâché par des problèmes gastriques. Une bénédiction ?

Un bon premier chrono et une forme un peu retrouvée avaient permis au leader des DSM de revenir dans le Top 15, lové à bonne distance de Pogacar, qui respecte toujours Bardet, mais aussi du podium. La position idéale pour se lancer dans une échappée, ce que l'Auvergnat a fait vers Bocca della Selva où il fut seulement battu par Valentin Paret-Peintre. La preuve qu'il avait les jambes pour décrocher cette étape qui le ferait entrer parmi ceux qui ont triomphé en Italie, en Espagne et en France. Peut-être trop.

Depuis cette 10e étape, Bardet n'a pas quitté le Top 10 et n'a, de fait, plus retrouvé la moindre liberté. Pourtant, le Français a eu l'occasion de lâcher du temps, notamment au sommet du Monte Pana sur la 16e étape. Las, l'ancien 2e du Tour n'a pas voulu complètement abandonner ses ambitions au général et n'a concédé qu'entre 30 et 45 secondes à ses adversaires au général. Pense-t-il encore au podium ? Ça paraît compliqué. Au Top 5. Peut-être, mais…

"Ce n'est pas évidemment de me battre pour un Top 5, qui est déjà magnifique mais il me manque ce supplément d'âme", nous disait-il fin 2022 en évoquant le Tour de France, une position ô combien compréhensible pour un homme qui est déjà monté deux fois sur le podium de la plus grande course du monde, qui s'est usé à ne voir que par elle et qui, à 33 ans, a bien le droit de faire ce qu'il veut de sa carrière. Depuis, aucune de ses déclarations ne va dans le sens contraire. S'il avait convoqué le souvenir du Giro 2023 de Thibaut Pinot (5e final), Bardet savait que le bon classement de son compatriote était une conséquence de son comportement offensif pendant trois semaines.

Finalement, et c'est tout à son honneur, Romain Bardet ne souhaite pas d'une victoire au rabais. On doute qu'il aurait craché sur cette 10e étape qu'il a dû céder aux jambes de feu de Valentin Paret-Peintre mais lui, ce qu'il désire au fond, c'est remporter une belle étape, à la pédale parmi les meilleurs. En est-il capable sur ce Giro 2024 ? Lui seul le sait, et encore. Quand il a voulu savoir, la fougue de Tadej Pogacar l'en a empêché. Peut-être aurait-il pu l'anticiper avec son expérience et donc, adopter une autre stratégie pendant trois semaines.

Sauf retournement de situation dans un sens ou dans l'autre, Romain Bardet achèvera dimanche le huitième grand tour de sa carrière dans le Top 10 en 16 participations. Une performance à saluer sur l'ensemble d'une carrière mais son histoire mérite un ultime grand frisson. Il reste deux occasions sur le Giro et sans doute un Tour de France derrière avant, peut-être, de refermer le chapitre de sa carrière.