Les British font causer

"Il nous manque quelque chose. Je ne sais pas quoi, mais il nous manque quelque chose." Ainsi parlait Grégory Baugé après la défaite des Français face aux Britanniques en finale de la vitesse par équipes.  L'impressionnante supériorité des pistards britanniques, qui enquillent les titres et abattent les records du monde les uns après les autres depuis le début de ces Jeux, commencent à faire grincer quelques dents. Vendredi soir, Isabelle Gautheron, directrice technique nationale du cyclisme français, a tenu dans un entretien à l'AFP des propos qui ont eu leur petit écho dans le vélodrome londonien, en faisant part de sa "perplexité" face aux résultats et au niveau des Britanniques.

Dans un numéro d'équilibriste intenable, elle a assuré ne pas vouloir "jeter un doute". Pas question de crier au dopage. "Le suivi UCI  s'applique aux Britanniques, comme aux Australiens ou aux Français. Ils sont suivis autant que nous", a-t-elle d'ailleurs rappelé. Reste que, à travers ses propos et ses interrogations publiques, elle contribuer pourtant à semer ce doute, même si elle s'en défend. "Oui, je suis perplexe devant ces performances, a expliqué Isabelle Gautheron. Ils n'ont pas dominé depuis quatre ans, ils faisaient partie des meilleures équipes avec l'Australie, l'Allemagne et la France. Là, ils écrasent tout le monde. Les filles notamment mettent quatre secondes aux autres en poursuite. C'est bien pour eux."

A Pékin, il y a quatre ans, les Britanniques avaient survolé la compétition, décrochant sept titres sur dix possibles, recueillant les fruits d'une politique volontariste, sous la houlette de Dave Brailsford.  De gros moyens avaient été mis en place. Ils sont visiblement repartis sur les mêmes bases chez eux, à Londres. Cette continuité dans la suprématie britannique, d'une édition à l'autre des Jeux, ne devrait donc pas étonner. Sauf qu'entre ces deux rendez-vous, les pistards de sa Majesté sont loin d'avoir connu la même réussite. Ils sont restés au niveau des meilleurs, mais sans dominer la concurrence de façon outrageuse. Isabelle Gautheron s'interroge encore à voix haute: "Ont-ils une technologie? Un secret de préparation? Il faut qu'on fasse de l'intelligence sportive pour savoir comment ils peuvent faire pour être si forts", estime-t-elle.

Dès lors, comment expliquer un tel différentiel dans la performance, notamment par rapport aux dernières éditions des Championnats du monde, qui ne datent que du mois de mars dernier? Essentiellement parce que l'équipe de Grande-Bretagne a décidé de se focaliser uniquement sur les Jeux. Tout est mis en oeuvre pour briller une fois tous les quatre ans. Quitte à sacrifier les échéances intermédiaires. Le plan des Britanniques est construit sur quatre ans, pas de façon annuelle. Ils n'hésitent pas d'ailleurs à sacrifier les épreuves qui ne figurent pas au programme olympique. A l'inverse, la France brille en kilomètre, mais cette épreuve n'est plus au programme des Jeux, alors que les Tricolores brillent par leur absence dans certaines disciplines, comme la poursuite par exemple. Ceci explique aussi cela.

Mais si Grégory Baugé parvient à accrocher le titre suprême en vitesse individuelle, qui plus est en battant Jason Kenny en finale, peut-être Isabelle Gautheron pourra-t-elle quitter Londres un peu moins perplexe et un peu plus rassurée. Mais pour le Français, la mission s'annonce plus compliquée que prévu. Parce que, comme tout le monde, il n'avait pas mesuré à quel point les Britanniques seraient forts sur leurs terres.