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Matteo Trentin dénonce l’hypocrisie du peloton : "Personne ne peut dire qu’il n’a pas été informé"

Simon Farvacque

Mis à jour 11/02/2021 à 17:44 GMT+1

SAISON 2021 - L’UCI a publié le 8 février une mise à jour réglementaire qui fait jaser dans le peloton. Au sein de cet amendement, qui prendra effet le 1er avril, l’interdiction de la "position Mohoric" cristallise les critiques. Dans un entretien accordé jeudi à Cyclingnews, Matteo Trentin rejette l’idée d’une proscription surprise et insiste sur le fait que les mesures prises sont plus larges.

Matteo Trentin - 2019 Road Championship Harrogate - Getty Images

Crédit: Getty Images

C’est une levée de boucliers. Les modifications règlementaires promulguées le 8 février par l’UCI sont rejetées en bloc par le peloton. Enfin, surtout l’une d’elles. Celle qui revient à restreindre l’éventail des positions autorisées sur le vélo, à partir du 1er avril, jour de l’entrée en vigueur de l’amendement. Exit les coudes sur le guidon lors des courses en ligne et la fameuse "position Mohoric", si prisée dans les descentes. En filigrane de ce rejet massif, l’envie des coureurs d’être acteur de leur sport, sur la route comme en coulisses. Mais sur ce point, Matteo Trentin défend l’instance internationale, dans les colonnes de Cyclingnews ce jeudi.
Des réunions concernant la sécurité des coureurs ont été organisées durant l’intersaison, selon le média spécialisé, avec Philippe Gilbert et Trentin dans le rôle des représentants du peloton. Et le polyvalent italien défend le processus de consultation mis en place en novembre et décembre : "Je suis désolé de dire qu’ils doivent vérifier leurs e-mails […] Tweeter qu’ils n’ont pas été informés est facile, mais des courriels ont été envoyés à plus de 800 coureurs et je peux vous dire que seuls 16 coureurs ont téléchargé les documents." Il l'assure : "Personne ne peut dire qu'il n'a pas été informé."
Peut-être que les coureurs devraient passer moins de temps sur TikTok et être plus proactifs lorsqu’il s’agit de rendre leur lieu de travail plus sûr
Matteo Trentin se dit ainsi "en colère". La recrue d’UAE Emirates - 7e du GP la Marseillaise pour sa première course sous ses nouvelles couleurs fin janvier - fustige le réveil tardif de ses pairs : "Si quelqu’un voulait être en désaccord lorsque les propositions ont été faites, il avait de nombreuses occasions de le formuler. Mais il y a eu très peu de réponses." Il estime avoir tenu son rôle : "Je ne sais pas qui ils veulent blâmer, mais ce ne peut pas être moi, Phil [Gilbert] ou le CPA [l’association des cyclistes professionnels]." Punchline à la clef : "Peut-être que les coureurs devraient passer moins de temps sur TikTok et être plus proactifs lorsqu’il s’agit de rendre leur lieu de travail plus sûr."
Voilà pour le tacle. Mais l’ancien coureur de la Quick-Step ne veut pas pour autant attaquer de front l’ensemble du peloton. Plutôt le secouer, le mettre face à ses responsabilités. "C’est frustrant pour moi, déplore le vice-champion du monde 2019. Parce que je prends de mon temps pour rendre notre sport plus sûr. Je pense que les coureurs doivent être attentifs. Si quelque chose ne fonctionne pas, nous devons nous lever et le dire. Nous ne pouvons le faire qu’ensemble."
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"C’est stupide" : l’interdiction de la "position Mohoric" fait grincer des dents dans le peloton

"Position Mohoric" : une prohibition partielle inenvisageable

Au-delà du débat concernant la temporalité de la grogne des coureurs, celle-ci est-elle légitime à ses yeux ? L’interdiction de s’asseoir sur le cadre et non la selle, qui plus est en pédalant, semble être le principal point de tension. "Pour moi, ce n’est pas si dangereux si c’est fait correctement… mais le problème est que maintenant les coureurs le font au milieu du peloton", explique Trentin, concernant cette fameuse technique de descente, utilisée par Matej Mohoric dès 2012 et popularisée par Chris Froome lors du Tour de France 2016.
Le triple vainqueur d’étape sur le Tour de France considère qu’il est trop compliqué d’opérer une distinction entre bons et mauvais usages de cette posture : "Nous n’avons pas de drone pour voir qui le fait en 25e position. C’est pourquoi l’interdiction entre en vigueur." De plus, il paraît illusoire de soumettre les coureurs en escapade et au sein du peloton à différentes injonctions, surtout dans les parties descendantes, ou la frontière entre le groupe de cyclistes et l’échappée solitaire est infime.
Trentin s’appuie aussi sur l’argument classique du statut de modèle des icones, pour légitimer ce changement : "J’ai reçu de nombreux appels d’entraîneurs qui me disaient qu’ils travaillaient avec de jeunes enfants qui le font de plus en plus, en suivant notre exemple." Il renchérit : "Nous parlons de coureurs de moins de 15 ans et ils nous copient. J'aimerais nous voir enseigner à ces enfants comment descendre en toute sécurité."
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Matteo Trentin lors du Tour de France 2020

Crédit: Getty Images

Ce sont une ou deux règles qui font partie d’un ensemble beaucoup plus vaste et je ne sais pas pourquoi ces deux aspects sont présentés tels qu’ils le sont
Mais ce n'est pas tout. Derrière l’arbre médiatique du bannissement de la "position Mohoric", Trentin veut attirer l’attention sur la forêt des (autres) mesures sécuritaires qu’il juge pertinentes. "Les gens doivent voir les choses d’un point de vue plus large, interpelle-t-il. Ce sont une ou deux règles (qui font débat NDLR), qui font partie d’un ensemble beaucoup plus vaste et je ne sais pas pourquoi ces deux aspects sont présentés tels qu’ils le sont. Il semble que seuls deux changements ont été adoptés, mais ce n’est pas le cas."
Une attention particulière est portée sur l’aménagement des zones d’arrivée, dans le document mis à jour par l’UCI, quelques mois après le terrible accident dont Fabio Jakobsen a été victime. L'obligation suivante : "Une zone d'au moins 300 mètres avant et 100 mètres après la ligne d'arrivée sera protégée par des barrières", a été agrémentée de celle-ci : "Les 400 mètres de barrières ainsi formés doivent être continus et les barrières solidement attachées les unes aux autres. Aucun espace n’est autorisé (en particulier au niveau de la ligne d’arrivée)."
"Tout le monde peut être d'accord ou en désaccord, insiste Matteo Trentin. Je pense que certains coureurs considéreront que les règles sont plus strictes pour eux que pour d’autres sportifs, mais s'ils prenaient le temps de regarder les règlements, ils verraient qu'il y a des plans pour les prochaines années, y compris la conception de nouvelles barrières." L’UCI interdit par exemple dorénavant, à partir du 1er avril, "l’usage de barrières légères (par exemple en plastique)." Le Transalpin de 31 ans ajoute : "Il existe également des règles sur la façon dont les véhicules doivent passer le peloton, et bien d'autres choses." Le message est passé.
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L'attaque, le raid solitaire, l'hommage à Jakobsen : le résumé de l'incroyable journée d'Evenepoel

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