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Tadej Pogacar et les autres : Le vent du soupçon

Christophe Gaudot

Mis à jour 04/03/2024 à 11:40 GMT+1

L'exceptionnelle performance de Tadej Pogacar sur les Strade Bianche a été accompagnée de louanges mais aussi d'une pointe de suspicion. Parce qu'il était trop gros - 81 kilomètres en solitaire tout de même -, aux yeux de certains, cet exploit était la preuve que le Slovène de la UAE-Team Emirates n'était pas clair. Les choses sont ainsi faites dans le cyclisme.

Un numéro comme on en voit rarement : le solo de Pogacar en images

Est-ce parce qu'il a toujours le sourire aux lèvres ? Ou plutôt parce qu'il subit depuis deux ans la loi de Jonas Vingegaard sur la course, le Tour de France, qui concentre tous les regards et, il faut bien le dire aussi, les accusations de dopage en tout genre ? Tadej Pogacar échappait depuis longtemps au soupçon, vieil ami encombrant du vélo depuis des décennies désormais. Son solo de 81 kilomètres sur les Strade Bianche les a remis au goût du jour, les éloges étant mêlées depuis samedi soir au poison du doute. Injuste ?
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Il n'a aucune limite : L'attaque décisive de Pogacar à... 81 kilomètres de l'arrivée

Pidcock, le porte-voix du soupçon ?

"Avant même que Tadej n’attaque, c’était déjà à fond. Il a attaqué et pour être honnête, nous avions l’impression d’être dans le grupetto. Nous nous sommes regardés et nous nous sommes dit : 'que vient-il de se passer ?'. Je ne sais pas quoi en dire pour être honnête, seulement 'what the fuck'" Tom Pidcock ne savait sans doute pas, et peut-être ne le voulait-il pas d'ailleurs, mais sa réaction d'après-course a agi comme un porte-voix.
Le fait que le Britannique n'envoie aucune fleur, une habitude pour les battus dans le vélo, au vainqueur du jour était la preuve pour certains que même lui, le tenant du titre, n'en pouvait plus et que le vase avait cédé à cause de la dernière goutte, longue de 81 kilomètres, ce qui on en conviendra tient plus de la grosse tempête. Si les langues du peloton se délient, comment nous, observateurs, pouvons-nous continuer à fermer les yeux, lancent ceux qui prétendent savoir ?
On pourrait leur répondre qu'une performance, quelle qu'elle soit, n'est pas une preuve et que jusqu'à preuve du contraire, seule celle-ci permet de condamner, dans le sport comme ailleurs. Il en allait de même pour le contre-la-montre bluffant de Jonas Vingegaard entre Passy et Combloux sur le dernier Tour de France. Ce jour-là, ils étaient nombreux pour crier au loup à propos du Danois, écartant tous les arguments du camp d'en face d'un revers de la main. Aucun évidemment n'évoquait une quelconque tricherie de la part d'un Pogacar qui lui avait pourtant tenu tête jusqu'à ce jour-là sur cette Grande Boucle.
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Il a été accueilli en héros à Sienne : l'arrivée triomphante de Pogacar

Les Vingegaard, Pogacar, Evenepoel et autre Van der Poel ont tous en commun d'avoir été accompagnés par la sympathie de la nouveauté, par les yeux de chimène devant leurs performances d'extraterrestres même si dans le cas du Danois, l'idylle a tourné court. Ont-ils d'une manière ou d'une autre une responsabilité dans le vent du soupçon qui les accompagne souvent, bien que le Néerlandais soit encore relativement épargné ? Peut-on leur reprocher de tout gagner ?

La glorieuse certitude du cyclisme moderne

Ce quatuor fantastique a un défaut : il fait disparaître d'un petit coup de baguette magique et à grands coups de jambes infatigables, la glorieuse incertitude du sport. Évidemment que Pogacar allait remporter les Strade Bianche, lisait-on avant la semi-classique italienne. On ne pouvait moins se tromper à l'évidence. Il en allait de même pour le O Gran Camino de Jonas Vingegaard (trois étapes + le général) et personne ne doute qu'il triomphera dimanche de Tirreno-Adriatico tout comme Paris-Nice tombera dans le bec d'Evenepoel ou Roglic.
On n'écrira pas ici que ces coureurs ne trichent pas, pas plus qu'on écrit qu'ils trichent puisqu'on ne le sait pas. Innocents ils le sont et s'ils étaient coupables dans la coulisse, l'immonde faute serait alors partagée avec ceux qui ne trouvent pas. Mais le peuvent-ils ? Le voleur n'a-t-il pas toujours un coup d'avance sur le gendarme ? C'est avec ce postulat que vit le cyclisme depuis les années 90. Trop de tricheurs ont échappé aux griffes de la justice pour que leurs suivants puissent espérer une confiance aveugle. C'est injuste évidemment. Mais ça ne l'est que pour ceux qui n'ont jamais triché et qui ne tricheront jamais.
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