La totale pour Gerrans

Il y a deux façons de se bâtir un palmarès. Par la quantité, ou la qualité des victoires. Simon Gerrans a choisi la deuxième option. Depuis 16 mois, l'Australien n'a signé "que" quatre succès. Rien d'extraordinaire, donc. Mais à croire que l'Australien n'aime que le haut de gamme, vu la nature de ces victoires: une étape du Tour de France en juillet 2008, à Prato Nevoso, une étape du Giro au mois de mai dernier, à Bologne, le Grand Prix de Plouay, en août, au nez et à la barbe du tenant du titre Pierrick Fédrigo. Et enfin, ce mardi, une étape de la Vuelta, à Murcie, pour entrer dans le club fermé des coureurs vainqueurs sur les trois grands tours.

A la sortie d'un triptyque éprouvant (contre-la-montre samedi puis deux étapes de montagne dimanche et lundi), les gros bras ont temporisé entre Alicante et Murcie, laissant le champ libre aux baroudeurs. Avec la bénédiction de l'équipe Caisse d'Epargne, désormais porteuse du maillot or via Alejandro Valverde et qui aura suffisamment de travail en fin de semaine pour ne pas se disperser trop vite, une échappée de 19 coureurs s'est donc formée après seulement 17 kilomètres de course. Elle allait tenir jusqu'au bout.

Dans ce groupe, quelques revanchards déçus d'avoir abandonné toute chance de bien figurer au général, comme Jakob Fuglsang (Saxo Bank), le revenant Alexandre Vinokourov, le sélectionné français pour le Championnat du monde Christophe Riblon (AG2R), désireux de se montrer, le vainqueur du Ventoux sur le dernier Tour de France, Juan Manuel Garate (Rabobank), mais aussi Linus Gerdemann (Milram), David De La Fuente (Fuji) et, donc, Simon Gerrans (Cervlo). Un groupe avec une allure certaine, qui a compté jusqu'à 8'45" d'avance sur le peloton à 90 kilomètres de l'arrivée. Largement suffisant dans le contexte du jour.

C'est dans l'unique col de cette 10e étape, l'Alto de la Cresta del Gallo, dont le sommet était situé à un peu moins de 13 kilomètres du but, que la belle unité du groupe de tête s'est fissurée. Linus Gerdemann, accompagné de Benat Intxausti (Fuji-Servetto). Les deux hommes ont franchi le sommet en tête avant d'être bien mal récompensés de leur audace. Dans la descente, ils ont l'un et l'autre été victimes d'une crevaison, qui a permis à un groupe de quatre coureurs de laisser sur place. Simon Gerrans, Jakob Fuglsang, Alexandre Vinokourov et Ryder Hesjedal (Garmin) allaient donc se disputer le gain de l'étape. Vinokourov, venu pour un bouquet sur cette Vuelta, a attaqué à plusieurs reprises, en vain. Au sprint, sans surprise, il est tombé sur un Gerrans beaucoup trop véloce et en pleine confiance.

Sur l'avenue Miguel Indurain, nom de l'axe sur lequel l'arrivée était jugée, aucun coureur espagnol n'a donc pu jouer la victoire mardi. Mais Alejandro Valverde, lui, a été salué en héros dans sa ville. Pour sa première journée en or, le Murcian s'est promené sur des routes qu'il connait par coeur. C'est d'ailleurs lui qui a effectué toute la descente finale en tête du peloton, provoquant même un temps une cassure avant que tout rentre dans l'ordre. A mi-chemin de ce Tour d'Espagne, il fait un fringant leader. Mais la faiblesse de son avance, inversement proportionnelle à l'ampleur des difficultés restant à franchir, rend ce statut encore très fragile.