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"Vu sa préparation il n'était pas possible de faire mieux": l'entraîneur de Gaudu décrypte sa Vuelta

Julien Chesnais

Mis à jour 09/11/2020 à 21:06 GMT+1

TOUR D'ESPAGNE - Vainqueur de deux étapes et 8e du général, David Gaudu ne pouvait pas espérer mieux selon son entraîneur David Han, vu les conditions qui ont précédé cette Vuelta. Préparation tronquée, marge de progression en chrono, l'impact qu'a pu avoir l'abandon de Pinot… Voici l'analyse qu'il tire de la Vuelta du Breton.

David Gaudu (Groupama-FDJ) vainqueur de l'étape 17 du Tour d'Espagne 2020

Crédit: Getty Images

Dimanche après-midi, lorsque son poulain en terminait avec sa première Vuelta, David Han était déjà en train de quitter l'Espagne, en voiture. “On doit effectuer des tests sur des coureurs à Besançon lundi matin. J'ai donc dû quitter la course un peu plus tôt que les autres !” Sur la route du retour, l'entraîneur de David Gaudu nous a confié ses impressions sur la Vuelta du Breton, qu'il entraîne depuis son passage chez les pros, voilà quatre ans.
Une 8e place au général et deux premières victoires d'étapes en Grand Tour : le bilan que vous tirez doit forcément vous réjouir.
David Han : C'est positif oui. Le fait d'avoir perdu du temps en première semaine lui a peut-être permis de gagner ses deux étapes… même si je pense qu'il pouvait aussi gagner à la pédale lors de la dernière semaine. Dans l'Alto de la Covatilla (où Gaudu, samedi, a remporté sa seconde étape, ndlr), il ne met que 20 secondes de plus que Carapaz. Il était seul face au vent une fois que Bruno (Armiral) s'est écarté, dès le pied. Carapaz, lui, a pu rester abrité avant d'attaquer à trois bornes de l'arrivée… Vraiment, je pense que s'il avait été avec les cadors, il aurait été capable de gagner à la pédale. Après, personnellement, sur le bilan général, je savais que David ne pouvait pas faire mieux sur cette Vuelta.
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Roglic a résisté à Carapaz, Gaudu s'est envolé : le résumé de la 17e étape

Est-il vrai que son objectif initial était de finir dans le top 10 ?
D.H. : C'était plutôt l'objectif de l'équipe on va dire (sourire). Honnêtement, je pensais qu'il était compliqué de jouer un top 10 au général. Parce qu'il a eu une approche du Tour compliquée (forfait sur le Dauphiné à cause de problèmes gastriques, ndlr), qu'il est tombé d'entrée sur le Tour, et qu'il a dû abandonner au bout de deux semaines… Le temps perdu ne se rattrape pas. Après le Tour, il a fait une semaine sans vélo car il avait encore des douleurs au coccyx. Il a ensuite repris une semaine tranquillement. Puis il est descendu à Nice durant dix jours, jusqu'à J-6 de la Vuelta. Tu ne peux pas viser un top 5 avec deux semaines de préparation. Le fond qu'ont acquis les autres sur le Tour ou via des préparations optimales, David ne l'avait pas.

LA PLUS GROSSE CLE DE SA VICTOIRE, C'EST QU'IL NE S'EST JAMAIS DEMORALISE


De plus, le parcours impliquait d'être en forme dès la 1re étape avec cette arrivée au sommet à Arrate (où Gaudu a terminé 35e à plus de deux minutes).

D.H. : Oui, mais je savais qu'il allait monter crescendo au fur et à mesure. Une chose importante : malgré le temps perdu les premiers jours (il était 14e avant sa première victoire lors de la 10e étape), les directeurs sportifs ont continué à lui faire confiance pour préparer l'avenir, lui faire découvrir le rôle de leader sur trois semaines. Et finalement, avec sa forme ascendante, il a pu intégrer ce top 10. Il est resté très motivé et a bien su gérer les jours sans. C'est peut-être ça, la plus grosse clé de ses victoires : il ne s'est jamais démoralisé.
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Madiot : "Gaudu aura sa chance comme leader sur un Grand Tour"


Comment a-t-il vécu l'abandon de Pinot ? D'un côté, il perdait son mentor, le leader qu'il a toujours connu. De l'autre, les clés du camion étaient enfin à lui.
D.H. : Il savait qu'il perdait un allié pour la montagne : à deux, cela aurait été plus facile de jouer. Ils s'étaient mis en tête de travailler l'un envers l'un autre, peu importe le sens. Au final, l'abandon de Thibaut a été vite accepté par l'équipe. Thibaut n'a pas triché. Il ne pouvait vraiment pas continuer. Les résultats d'IRM nous l'ont montré. David s'est bien remobilisé. Il s'est dit : "maintenant je suis tout seul, tout le monde est prêt à travailler pour moi" Il a commencé à assumer pour la première fois un vrai rôle de leader sur trois semaines. On peut dire qu'il a plutôt bien géré le départ de Thibaut.

David Gaudu (Groupama-FDJ) lors de l'étape 13 du Tour d'Espagne 2020
Dire que son retrait l'a libéré : c'est forcer le trait ou y a-t-il du vrai ?
D.H. : Oui, il y a du vrai. Il a toujours été dans l'ombre de Thibaut, mais pas dans un sens péjoratif, car c'était naturel, Thibaut a un autre statut. David a appris auprès de Thibaut. Ça fait trois ans qu'il le voit faire, sur le Tour ou ailleurs. Donc prendre le costume de leader a été assez limpide. David a quand même fait des petites erreurs dans ce rôle. Mais sa grosse qualité sur cette Vuelta a été de vivre les mauvais jours sans s'énerver ou s'agacer. Et ça, je pense qu'il l'a appris via Thibaut.

“AVEC UNE VRAIE PREPARATION, IL N'Y A AUCUNE BARRIERE A SE METTRE. NI D'INTERDIT.”

David Gaudu est perçu comme un prodige depuis 2016 et sa victoire sur le Tour de l'Avenir. Il a fallu attendre la fin de sa 4e saison pro pour le voir gagner en grand tour. On peut dire qu'il était temps, vu l'émergence de la nouvelle génération ?
D.H. : Oui je pense. Il l'a expliqué dès la première victoire, en disant qu'elle serait peut-être un déclic. Je pense qu'on commençait à le ranger tranquillement dans la catégorie espoirs perdus. Chose qu'il a dite aussi dans une interview. Et je pense qu'il avait raison. Mais c'est seulement et uniquement dû au fait que Pogacar a gagné le Tour.
David Gaudu (Groupama-FDJ) vainqueur de l'étape 17 du Tour d'Espagne 2020
Il n'y a pas que le Slovène tout de même.
D.H. : Oui, Pogacar et Evenepoel. Mais il y a deux ou trois ans, quand un coureur de 24 ans faisait ça, on n'avait pas du tout cette attitude-là. David montre qu'il est toujours là. Et il aura certainement le leadership en grand tour les prochaines années. Avec une vraie préparation pour le tour en question, il n'y a aucune barrière à se mettre. Ni d'interdit.

Jusqu'à une victoire en Grand Tour ? Que peut-on attendre de lui, désormais ?
D.H. : Je reste persuadé qu'avec sa forme de la troisième semaine, il est largement aux portes du top 5. Il y a encore des détails à affiner. Et après, un Grand Tour, ça peut aussi se gagner sur une journée. Carapaz a gagné le Giro sur une journée l'an dernier… Rien n'est impossible.

Les petits détails, c'est le chrono, avant tout ? Au sein du top 10 final, il est celui qui a signé le moins bon temps lors du contre-la-montre du Mirador de Ezaro (28e à 2'28'' de Roglic sur 34km)...
D.H. : Oui, on l'a vu sur ce chrono. Il a perdu du temps alors qu'on était en troisième semaine et que la forme était là. Après, le parcours était pour les purs rouleurs pendant 30km : ça le désavantageait. Sur un tracé plus vallonné, il s'en serait mieux sorti. Parmi les autres détails, il y a aussi le fait de ne pas être esseulé dans les grandes étapes de montagne. Je pense qu'il a besoin de faire encore un ou deux grands tours en leader avant de viser très, très haut.

DAVID PREND BEAUCOUP DE PLAISIR EN CHRONO. CE N'ETAIT PAS LE CAS AVANT

Quelle est sa marge de progression face à la montre ?
D.H. : Il faut être honnête : les dernières semaines n'ont pas vraiment été axés sur le chrono. Avant le Tour, ça a été compliqué. Sur le Tour, il a abandonné avant la Planche. Et après, il est parti dix jours en stage en ayant emmené seulement le vélo de route... On a fait trois séances entre le Tour et la Vuelta : ça reste insuffisant. Ça fait partie des paramètres dont je parlais tout à l'heure : il n'a pas eu la préparation optimale pour jouer un top 10. Après, tu t'adaptes aussi au parcours proposé… Lors des stages de décembre et janvier, puisque le prochain Tour affiche 58 kilomètres de chrono, les leaders de chaque équipe vont faire venir les vélos de contre-la-montre. Regardez Roglic. Il était plutôt très, très fort sur les chronos l'année dernière et en 2018 car c'était très important. Cette année, ça l'était moins, et il a du coup été moins dominant. Et je suis sûr que l'année prochaine, il redeviendra très fort… Je pense que David a de la marge. Mais sur les chronos longs et plats, il ne gagnera jamais face à Roglic et Dumoulin, on ne va pas vendre du rêve ! ll faudra savoir perdre le moins de temps possible sur ces journées-là.

Le sentez-vous en progrès sur le chrono depuis ses débuts pros, davantage concerné par la discipline ?
D.H. : Déjà, tous les ans, on grappille un peu sur sa position. Il arrive à être de plus en plus souple, de plus en plus à l'aise. Si vous comparez sa position de 2016 à celle d'aujourd'hui, ça n'a rien à avoir ! Elle a vraiment été optimisée par Anthony Bouillod (un entraîneur de la Groupama-FDJ, auteur d'une thèse sur la position en cyclisme, ndlr). Surtout, David prend énormément de plaisir en chrono. Ce n'était pas du tout le cas au début. Il le vivait comme une contrainte. Aujourd'hui, il aime sortir son vélo de chrono à l'entraînement. Au point même de proposer une séance alors que ce n'était pas prévu au planning. L'envie est là, et il y a peut-être moyen de grappiller encore un peu sur sa position. Ce sont deux gros paramètres qui font qu'il ne peut progresser. Dans la concentration aussi, il s'améliore. Sur le chrono de la Vuelta, alors qu'il y avait 30 kilomètres de plat, il a su garder un effort constant. Il a été très bon dans la régularité, toujours dans les zones cibles de puissance Avant, il aurait été capable de faire 10 minutes à fond puis de s'écrouler.
Vu le parcours du Tour, et ses 58 bornes de chrono, Gaudu sera-t-il forcément sur le Giro ou la Vuelta ?

D.H. : C'est trop tôt pour le dire, on n'a pas encore débriefé avec l'équipe. Et il y a aussi Thibaut et Arnaud Démare comme leaders dans l'équipe. On a que le parcours du Tour pour l'instant, on ne sait pas ce que le Giro et la Vuelta vont proposer. Ce qui est sûr c'est que le parcours du Tour est beaucoup moins typé grimpeur que les autres années !
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