Un plan vieux d'un an : Comment Jumbo a privatisé les grands tours avec Roglic, Vingeegard et Kuss

Comment les idées germent-elles dans la tête de ceux qui cassent les barrières ? Comment imaginer ce que personne n'a fait avant vous ? Auteurs d'un triplé absolument incroyable et historique sur les grands tours en 2023, les Jumbo-Visma n'ont pas rêvé cet accomplissement pendant qu'ils l'écrivaient, tout était pensé il y a longtemps. Restait à matérialiser sur la route le plan édicté en novembre 2022.

L'histoire débute en fait à Paris à la fin du mois de juillet 2022. En remportant le premier Tour de France de sa carrière, le premier grand tour aussi, Jonas Vingegaard s'arroge les atours du patron dans la toute puissante Jumbo-Visma. Arrivé nanti d'un co-leader en la personne de Primoz Roglic, qu'il avait ostensiblement attendu quelques semaines plus tôt sur le Dauphiné, le Danois a vu son coéquipier tomber en première semaine puis l'aider à déboulonner Tadej Pogacar dans les Alpes. Au sortir du Tour, il n'y a plus de doute puisque ce que Roglic n'a pas réussi à faire, à savoir dominer "Pogi", Vingegaard l'a fait, lui.

Ce nouvel équilibre des forces donne à Jumbo-Visma une formidable occasion de répartir les atouts tout au long de la saison, et particulièrement sur les grands tours. Ainsi, Roglic et Vingegaard font bande à part. Le premier n'a pas le choix s'il veut briller sur une course de trois semaines, il doit se rabattre sur le second choix, ce sera le Giro… et la Vuelta puisque doubler les deux est plus simple. De son côté, Vingegaard peut tranquillement préparer le Tour de France.

Eurosport a demandé à Richard Plugge, le manager des abeilles, si la Jumbo-Visma avait anticipé ce triplé. "Oui c'était prévu, on l'avait en tête dès le mois de novembre", a répondu le boss. Avec un triple vainqueur du Tour d'Espagne et le meilleur coureur du monde dans le domaine, l'idée avait du sens. Mais mettre en musique la partition réclamait la perfection d'un côté, de la réussite de l'autre.

"On l'a fait marche par marche, le Giro d'abord", souffle encore Plugge. En Italie, une Jumbo-Visma déjà très solide (Affini, Bouwman, Dennis, Kuss ou Omen en équipiers) se prépare à ferrailler avec un homme en mission : Remco Evenepoel. Au bout des neuf premiers jours de course, le Belge est leader, Roglic en embuscade à 47 secondes. L'abandon du patron ouvre des portes que le Slovène va enfoncer sur le dernier chrono, clin d'œil ironique à son histoire personnelle et à La Planche des Belles Filles.

Finalement, les deux échecs de Remco Evenepoel cette saison sont aussi une clé du triple succès des Jumbo-Visma. Au niveau auquel évoluent Roglic, Vingegaard et plus tard Kuss, ils ne sont pas beaucoup à pouvoir rivaliser. Tadej Pogacar évidemment et peut-être Evenepoel donc. Débarrassées de cet adversaire, les abeilles ont triomphé du Giro et butiné avec plaisir sur la Vuelta pour là-aussi s'offrir un improbable triplé.

Préparé méticuleusement, le Tour de France fut une démonstration de sérénité quand "Vingo" a attendu son heure pour crucifier Pogacar. Sorti moins cramé de la Grande Boucle qu'en 2022, le Danois a pu enchaîner sur l'ultime grand tour de la saison pour la réunion des patrons chez Jumbo-Visma. Si l'on se demandait comment les Néerlandais allaient gérer ces retrouvailles avec Roglic, et bientôt l'ajout de Sepp Kuss dans l'équation, les rivaux n'ont eux jamais trouvé la faille. Pire, les Espagnols ne l'ont pas réellement cherchée et Evenepoel a évidemment manqué à la concurrence.

Questionné au soir de la présentation des équipes à Barcelone, Primoz Roglic avait glissé dans un sourire le nom de Kuss comme possible vainqueur. Après tout, le plus important restait le succès de la Jumbo-Visma, qu'importe le nom du coureur. Les uns et les autres ont tous tenté de tirer la couverture à eux ces trois dernières semaines mais personne n'a poussé le bouchon trop loin en prenant le risque de tout faire dérailler.

"Je suis super fier et très heureux. Vous avez vu les images, c'est incroyable, je suis tellement heureux", souriait Richard Plugge après avoir vu Kuss, Roglic et Vingegaard couper la ligne main dans la main. "Nous sommes déjà en train de penser à ce qu'on va pouvoir faire de mieux et en décembre on vous dira". Sur les grands tours, l'affaire paraît bien compliquée…