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Nans Peters (AG2R La Mondiale), la vie en blanc

Julien Chesnais

Mis à jour 20/05/2019 à 14:25 GMT+2

Nouveau maillot blanc à l'issue de la 9e étape chronométrée de dimanche, Nans Peters (AG2R La Mondiale) est le premier Français porteur d'un maillot distinctif sur le Giro depuis cinq ans. Travailleur de l'ombre, complet mais "bon nulle part", l'Isérois s'offre ainsi un peu de lumière, à 25 ans. "Inespéré" selon l'intéressé, ce bail en blanc pourrait durer un peu.

Nans Peters est le nouveau porteur du maillot blanc à l'issue de la 9e étape à Saint-Mari

Crédit: Getty Images

On attendait plutôt Arnaud Démare, une victoire acquise au sprint par le Picard, ou un succès en finisseur de Tony Gallopin ou Valentin Madouas, voire un triomphe acquis sur une attaque éclair d’Alexis Vuillermoz. Mais finalement, le premier grand sourire de ce Giro pour le clan français est venu de Nans Peters, un Isérois de 25 ans bien plus habitué au travail de l’ombre qu’aux honneurs reçus ce dimanche à Saint-Marin.
Depuis qu’il est passé pro, en 2017, le natif de Grenoble, originaire du petit village de Monestier-du-Percy, n’était monté sur un podium protocolaire qu’à une seule reprise. C’était l’an dernier, sur le Tour de l’Ain, pour recevoir … le prix de meilleur coureur régional. Douze mois plus tard, le voilà récompensé du maillot blanc de meilleur jeune sur la deuxième plus grande course au monde, le Giro, après neuf jours de course et devant des cadors comme Miguel Angel Lopez, Sam Oomen ou Pavel Sivakov.

"C'est un peu fou, complètement inespéré"

Cela faisait cinq ans, et la victoire de Nacer Bouhanni au classement par points, qu’un Français n’avait pas porté un maillot distinctif sur le Tour d’Italie. Et ce maillot blanc, aucun Tricolore ne l’avait touché depuis que le classement du meilleur jeune a été réinstauré sur le Giro en 2007. "C’est un peu fou, complétement inespéré, peinait à réaliser l’intéressé. J’étais venu au Giro pour espérer prendre l’échappée en deuxième ou troisième semaine et d’essayer de gagner une étape."
Ces plans ont été changés jeudi dernier, à l’issue d’une échappée qui est allée au bout sur les routes escarpées de San Giovanni Rotondo. Le coureur d’AG2R La Mondiale s’est alors retrouvé propulsé à la 3e place du général - un rang qu’il occupe toujours, à 2’21’’ du maillot rose Valerio Conti et 31’’ du favori à la victoire Primoz Roglic. Le maillot rose semblait hors de portée, mais le blanc devenait un objectif crédible puisqu’il n’avait que 28’’ de retard sur Giovanni Carboni (Bardiani-CSF).
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Nans Peters faisait partie de l'échappée qui était allée au bout lors de la 9e étape

Crédit: Getty Images

Après "deux sales journées" à s’accrocher, Peters n’a pas manqué l’opportunité du long chrono pluvieux (35km) de ce dimanche pour ravir la tunique blanche à l’Italien, se classant 43e (et premier Français) à 3’46’’ de Roglic. Soit 1’37’’ de mieux que Carboni et 58’’ plus vite que Valentin Madouas, autre jeune Français qui rêvait de blanc. "J’y pensais depuis trois jours, confiait Peters sur la Chaîne L’Equipe. Aujourd'hui, j'étais tellement concentré sur mon effort, je n'ai même pas vu qu'il pleuvait ! Je n’ai rien lâché. Et aujourd’hui, j’ai dû surement mieux récupérer que les autres. Je me suis appliqué à faire ce chrono comme il le faut. Jusqu’au bout."

"Bon nulle part" mais solide à tous points de vue

Toujours sans victoire chez les pros, Peters a depuis toujours été perçu comme un coureur solide, complet, avec un vrai sens du collectif, mais dépourvu de grand point fort. "Je ne suis vraiment bon nulle part" ironisait-il auprès de Direct Velo, en 2015, sa grande année chez les amateurs où il s’était classé 4e du Tour de l’Ain avant de remporter le Vélo d’Or Espoirs, devant Guillaume Martin. S’il n’était pas le plus talentueux de sa génération, ce pur produit chambérien (il est le seul coureur d’AG2R La Mondiale à être passé par le Chambéry CC et le Chambéry CF) en était assurément son pilier. Celui qui est également passé par la structure B'Twin chez les jeunes détient toujours le record de sélections en équipe de France Espoirs. Et il était le capitaine de route tricolore lors du triomphe de David Gaudu sur le Tour de l’Avenir 2016 (où Valentin Madouas était d’ailleurs de la partie).
Par compensation peut-être, Peters excelle surtout dans la tête. "Ma plus grosse qualité, c’est le mental, a-t-il rappelé ce dimanche. C’est de ne jamais rien lâcher. De se battre, d’y croire, d’être appliqué sur ce que je fais à l’entrainement, le sérieux au quotidien, en espérant que ça finisse par payer un jour." Cela a payé ce dimanche. Et ce n’est pas un hasard si la récompense est venue à l’issue d’un contre-la-montre. Malgré un potentiel mesuré dans la discipline, il ne l’a jamais délaissé depuis son passage chez les pros (fait relativement rare chez les coureurs, surtout français).
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Nans Peters lors du chrono de Saint-Marin sur le Giro 2019

Crédit: Getty Images

La récompense au bout d'un chrono, tout sauf un hasard

L’an dernier, par exemple, il était l’un des rares coureurs World Tour à s’être alignés sur le Chrono des Nations (14e). Ce dimanche, son expérience en la matière était supérieure à celle de ces deux rivaux, néophytes en Grand Tour alors que Peters a déjà couru une Vuelta. Madouas (qui est deux ans plus jeune, ce qu'il convient d'être précisé) n’avait jamais disputé un chrono aussi long que celui de dimanche, et Carboni n’en avait fait qu’un seul. Peters, lui, avait déjà au compteur quatre épreuves chronométrées supérieures à 40 kilomètres. Une différence qui a sans nul doute pesé ce dimanche.
J’ai toujours aimé cette discipline, le chrono. À chaque fois que je fais le championnat de France, je sais très bien que je ne vais pas le gagner ou faire quelque chose. Mais j’y vais pour l’expérience, et apprendre à gérer des chronos longs. Aujourd’hui ça m’a servi. C’est top.
Son bail en blanc commence, nul ne sait jusqu’où il pourra le prolonger. Intrinséquement, la suite ne lui fait pas forcément peur. "Je sais que j’ai des bonnes qualités de récupération. Je le voyais déjà chez les amateurs, même si on ne fait pas de courses par étapes très longues. Ça s’est confirmé l’an dernier sur la Vuelta. J’appréhendais un petit peu les 2e et 3e semaines. Puis finalement, j’étais de mieux en mieux (4e de la 11e étape à Ribeira Sacra après une échappée, 23e à Les Praeres Nava et 26e sur l’étape d’Andorre à la veille de l’arrivée, ndlr). J’espère que ça va être le cas ici aussi. Ce serait top. J’aime bien les grands tours, ça m’a toujours fait rêver et ça se confirme. Pourvu que ça dure."

Normalement, il est tranquille jusqu'à jeudi

L’imaginer en blanc jusqu’à Vérone (où il succéderait alors à Charly Mottet, seul Français vainqueur du classement du meilleur jeune en 1984) apparait évidemment très prématuré. D'autant que sa marge est réduite sur la concurrence directe (1’06’’ sur Madouas et 1’09’’ sur Carboni) et qu'une liste de clients très sérieuse se dresse derrière (Carthy, Oomen, Sivakov, Lopez et Geoghegan Hart). En tout cas, à court terme, il n'est pas menacé.
La journée de lundi est consacrée au repos. Puis les étapes de mardi et mercredi sont promises aux sprinteurs. Ensuite, la montagne arrive avec une étape compliquée jeudi vers Pinerolo puis la première grande journée alpine vendredi. S’il adore les cols, le terrain ne colle pas totalement avec son gabarit un tantinet massif comparé aux purs grimpeurs. "Je sais très bien que des Geoghegan Hart ou des Lopez sont plus forts que moi en montagne, admet-il sans mal. Ça va être plus dur, mais je vais m’accrocher. Un maillot distinctif ça se défend à fond. Mais je vais tout faire pour le défendre comme il faut, le plus longtemps possible. J'ai envie d'en être digne et de le défendre sans complexes."
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