Au bonheur de Dessel

On attendait une grande explication dans ce deuxième volet du triptyque alpestre. Le retour en France, par-delà les deux redoutables ascensions du col de la Lombarde et de la cime de Bonette-Restefond, semblait offrir un théâtre propice à une bagarre de grande ampleur. Au lieu de quoi les ténors ont choisi d'attendre l'ultime étape de montagne, mercredi, à l'Alpe d'Huez, pour régler leurs comptes. L'avenir dira si certains ont eu tort d'agir de la sorte. Cyril Dessel, lui, s'en fout comme de son premier vélo. Loin de ces considérations, le Stéphanois s'est offert sa première victoire d'étape sur le Tour de France.

Pourtant, Dessel n'a même pas eu le temps de savourer au moment de couper la ligne d'arrivée dans le petit village de Jausiers. La faute à un final inhabituel, en descente. A cette vitesse, Dessel n'avait pas le temps de se retourner pour jauger sa véritable position. Mais ses trois derniers compagnons de route, Sandy Casar (Française des Jeux), David Arroyo (Caisse d'Epargne) et Yaroslav Popovych (Silence) n'étaient plus en mesure de le devancer. Dessel n'en finit décidément plus de gagner cette année, et pas sur des petites courses. Son succès sur le Tour intervient après ses victoires sur des étapes du Dauphiné, du Tour de Catalogne et des Quatre Jours de Dunkerque. A 33 ans, il vit simplement sa meilleure saison.

Le mérite de Dessel est d'autant plus grand qu'il s'est quasiment sacrifié dans la Bonette-Restefond, pour son leader Tadej Valjavec. Le Slovène de l'équipe AG2R était en effet virtuellement maillot jaune au pied du second col hors catégorie du jour. Présent dans un abondant groupe de poursuivants (Près de 30 coureurs dont Cunego, Monfort, Popovych ou Voigt) lancé derrière Stefan Schumacher, qui n'allait d'ailleurs pas tardé à se faire reprendre, Dessel a donc effectué toute la première moitié de l'ascension à bloc, pour permettre à Valvajec d'opérer un rapproché au classement. Mission accomplie, puisque ce dernier pointe désormais au 10e rang, juste devant son coéquipier Vladimir Efimkin. Visiblement, Dessel en avait gardé sous la pédale. Lancé dans la descente en compagnie de Casar, Arroyo et Popovych, il a admirablement géré le dernier virage à droite, vicieux, pour s'imposer.

Si Dessel est le grand triomphateur du jour, difficile de déterminer qui, dans l'optique du classement général, a fait la bonne affaire du jour. Certes, Frank Schleck porte toujours le maillot jaune à cinq jours de l'arrivée à Paris. Mais le Luxembourgeois ne possède toujours que sept et huit secondes de marge sur Bernhard Kohl et Cadel Evans. Derrière ce trio inchangé, la donne est tout de même modifiée. Ils étaient six au départ de Cuneo dans la même minute. Ils ne sont plus que quatre. Christian Vandevelde n'a pu suivre le tempo imposé par les CSC dans la Bonette. L'Américain pointe à présent à plus de trois minutes de Schleck.

L'autre grand perdant s'appelle Denis Menchov. Le Russe, considéré par beaucoup comme le véritable favori à l'entame de la dernière ligne droite du Tour, s'est laissé piéger dans la rapide descente finale vers Jausiers. Il l'a payé cash sur la ligne, concédant 35 secondes à ses rivaux. Coup dur pour le double vainqueur de la Vuelta, repoussé à 1'13" du maillot jaune. Il devra tenter quelque chose mercredi dans le Galibier, la Croix-de-Fer ou l'Alpe-d'Huez. Mais il ne sera pas le seul. Si Schleck, Kohl et Sastre ne bougent pas, leurs chances de devancer Evans, voire Menchov sur les Champs-Elysées seront nulles. Les CSC, qui ont au passage récupéré le maillot blanc grâce à Andy Schleck, savent ce qu'il leur reste à faire...