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Histoire d'un mythe
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Publié 23/07/2008 à 12:30 GMT+2
Avec ses 21 lacets de torture, la montée vers l'Alpe-d'Huez est devenue la montagne magique du Tour de France. Plongée au coeur de l'histoire d'un véritable mythe, qui fascine autant qu'il effraie ceux qui viennent s'y frotter. Frank Schleck, dernier vain
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. LES PERES FONDATEURS
Deux hommes sont à l'origine de la venue du Tour de France à l'Alpe d'Huez. Jean Barbaglia et Georges Rajon. Le premier, peintre au Bourg d'Oisans, le village situé au pied de la station, vient trouver le second pour lui soumettre l'idée. Rajon est alors propriétaire d'un hôtel, le Christina, à l'Alpe. Les deux hommes vont se lancer dans un pari un peu fou: convaincre les organisateurs du Tour de faire escale chez eux.
La chose ne fut pas simple, car à l'époque, les arrivées ne s'effectuaient que très rarement au sommet, mais toujours dans la vallée. En 1952 pourtant, le rêve devient réalité. L'Alpe d'Huez accueille une étape plus une journée de repos, afin que l'affaire soit plus rentable. Rajon n'imaginait certainement pas à l'époque que l'ascension de l'Alpe d'Huez deviendrait. Lors du dernier passage du Tour à l'Alpe, en 2004, il nous confiait encore ses fabuleux souvenirs, du haut de ses 83 ans. Dans son hôtel, il a accueilli les plus grands, de Coppi à LeMond, en passant pas Thèvenet.
. COPPI, LE PIONNIER IDEAL
Grâce à la passion et à la détermination de Barbaglia et Rajon, le Tour de France escalade donc l'Alpe d'Huez pour la première fois le 5 juillet 1952. Jean Robic, vainqueur du Tour en 1947, lance une grande offensive dont lui seul a le secret, à grand coup de panache. Il règle son compte à Raphaël Geminiani, mais ne peut rien faire contre le retour de Fausto Coppi. Les deux hommes se livrent un duel épique, le premier d'une longue série sur les hauteurs du Bourg d'Oisans. Le Campionissimo s'impose finalement après une montée d'un peu plus de 45 minutes. "J'ai su qu'il n'était plus là en n'entendant plus sa respiration, ni le crissement de ses pneus derrière moi", avouera le Grand Fausto. Coppi devance Robin d'une minute et vingt secondes sur la ligne d'arrivée. Il endosse le maillot jaune, qu'il prend à son gregario, Andrea Carrea. Quel meilleur pionnier que Coppi pour lancer une légende? Pourtant, la Grande Boucle, qui avait attendu un demi-siècle pour poser ses valises à Alpe, mettra 24 de plus à y revenir.
. EN 1976, POUR DE BON
Malgré le succès de la première édition, malgré le brio inégalable de Coppi et le courage de Robic, l'Alpe n'est pas encore passée à la postérité. Ce n'est qu'en 1976 que le Tour de France revient à l'Alpe d'Huez. Presque par hasard, d'ailleurs. A l'origine, c'est Grenoble qui était prévu au programme, avant que la préfecture de l'Isère ne se désiste quelques mois avant le départ de l'épreuve. A l'automne 1975, Félix Lévitan, alors patron du Tour, pense tout de suite à l'Alpe comme solution de repli. Il ne le regrettera pas. Il appelle évidemment Rajon et tout se met en place rapidement. Cette fois, le Tour et l'Alpe ne se quitteront pratiquement plus. Sur les 30 dernières éditions, les fameux lacets ont été empruntés à 23 reprises. Pour l'histoire, sachez que douze ans après la première arrivée à l'Alpe et douze autres avant la deuxième, soit en 1964, Rajon s'est amusé à numéroter les virages à rebours, du numéro 21, le plus bas de la montée, au numéro un, le plus haut.
. LA MONTAGNE DES HOLLANDAIS... ET DES ITALIENS
Sans vraiment trouver d'explication rationnelle, les Néerlandais vont truster les victoires entre 1976 et 1989, au point de faire de l'Alpe d'Huez la "Montagne des Hollandais". C'est Joop Zoetemelk qui ouvre le bal en 1976, en devançant Van Impe au sommet. Mais la tradition est véritablement lancée par Hennie Kuiper, qui s'impose les deux années suivantes, même si, en 1978, il profite de la disqualification de Michel Pollentier, qui avait triché au contrôle antidopage.
Zoetemelk triomphera une autre fois, Peter Winnen réussira lui aussi le doublé, avant Steven Rooks, en 1988, et Gert-Jan Theunisse, en 1989, ne confirment l'aspect porte-bonheur du lieu. En 13 éditions, de 1976 à 1989, les Pays-Bas ont signé huit succès. Mais depuis, la source s'est tarie: neuf arrivées et plus une seule victoire. La montagne serait plutôt devenue italienne, avec les victoires de Gianni Bugno (1990-91), de Roberto Conti (1994), de Giuseppe Guerini (1999) et, bien sûr, de Marco Pantani (1995-97). Les Français, eux, n'y ont jamais été très heureux. Une seule victoire, mémorable toutefois, celle de Bernard Hinault, en 1986, pour une arrivée main dans la main avec Greg LeMond. Laurent Fignon y a pris trois fois le maillot jaune, mais ne s'y est jamais imposé. Un des grands regrets de sa carrière.
. LA TENTATION DU CHRONO
Jean-Marie Leblanc l'avouera, cela faisait longtemps qu'il songeait à organiser un contre-la-montre à l'Alpe-d'Huez. Une forme d'ultime défi. Finalement, le patron du Tour décide de franchir le pas en 2004. Ce sera l'évènement du Tour de France. On annonce un million de personnes au bord de la route sur l'ensemble de la montée. Bien sûr, on a éxagéré. Il n'y en aura "que" la moitié. Mais la foule, immense, compacte, fait presque peur par moments. Jan Ullrich sera même déséquilibré par un spectateur, sans conséquence heureusement. Lance Armstrong, par un temps proche de l'orage, s'impose en 39'41", à distance de la montée record de Marco Pantani en 1997. Il devance Ullrich de plus d'une minute.
Armstrong entre alors dans l'histoire puisqu'il s'agit de son deuxième succès dans la station, après 2001. Il devient le premier coureur à remporter à deux reprises, la même année, l'étape de l'Alpe-d'Huez et le maillot jaune. Seul Fausto Coppi a également réussi pareil exploit, mais à une seule reprise. En dépit de la nouveauté, et de l'aspect très impressionnant de la scène, ce contre-la-montre a laissé une impression mitigée. Comme si le fait d'affronter les 21 virages, chacun de son côté, chacun pour soi, dénaturait quelque peu le propos. L'Alpe mérite une vraie bataille. Or, seule une étape en ligne peut permettre de la savourer pleinement.
------------------------------ STATISTIQUES ------------------------------
. Victoires individuelles
2: Joep Zoetemelk (1976, 1979), Hennie Kuiper (1977, 1978), Peter Winnen (1981, 1983), Gianni Bugno (1990, 1991), Marco Pantani (1995, 1997), LAnce Armstrong (2001, 2004)
1: Fausto Coppi (1952), Joquim Agostinho (1979), Beat Breu (1982), Luis Herrera (1984), Bernard Hinault (1986), Federico Echave (1987), Steven Rooks (1988), Gert-Jan Theunisse (1989), Andrew Hampsten (1992), Giuseppe Guerini (1999), Iban Mayo (2003), Frank Schleck (2006)
Victoires par pays8: Pays-Bas7: Italie3: Etats-Unis2: Espagne1: France, Suisse, Colombie, Portugal, Luxembourg
Victoires consécutives2: Hennie Kuiper (1977-78) et Gianni Bugno (1990-91)
Maillots jaune au sommet de l'Alpe d'Huez4: Bernard Hinault et Miguel Indurain3: Laurent Fignon et Lance Armstrong
Maillots jaune à l'Alpe d'Huez et à Paris la même année4: Miguel Indurain3: Bernard Hinault et Lance Armstrong2: Laurent Fignon
Maillots jaunes à l'Alpe qui n'ont pas gagné le TourJoop Zoetemelk (1978)Pedro Delgado (1987)Laurent Fignon (1989) Ronan Pensec (1990)François Simon (2001)
Montées les plus rapides
37'35": 1997, Pantani38'00": 1994, Pantani38'01": 2001, Armstrong38'04": 1995, Pantani39'06": 2003, Mayo
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