Il est des leurs

Cela peut paraitre incroyable d'écrire cela, mais c'est un fait. Jamais, depuis 1989, un Français n'avait été aussi proche de gagner le Tour de France. Même si Richard Virenque a terminé deuxième en 1997, le Varois était trop loin de Jan Ullrich pour avoir vraiment envisagé la victoire. Depuis 22 ans, un seul Tricolore a porté le maillot jaune dans la troisième semaine du Tour. C'était, déjà, Thomas Voeckler, en 2004. Sauf catastrophe dimanche, ce sera à nouveau le cas cette année. Mais le contexte est radicalement différent. Cette fois, le double champion de France est dans une situation beaucoup plus solide.

Sur les pentes du Plateau de Beille, il n'est pas apparu simplement courageux. Il a surtout semblé extrêmement fort. Jamais il n'a été mis en difficulté. Loin du sauvetage à l'arraché de 2004, Voeckler a toujours contrôlé la situation. Du coup, ça ne rigole plus du tout dans le peloton. "Pour moi, ce n'est pas une surprise, assure Andy Schleck. On s'attendait à ce qu'il soit fort. C'est un grand coureur et il a beaucoup de panache." On a quand même du mal à croire le Luxembourgeois quand il affirme ne pas être surpris par la performance du Français. Il serait bien le seul. "Autant je pensais qu'il pouvait le garder l'autre jour à Luz-Ardiden, autant je ne pensais pas que ce serait possible au Plateau de Beille", avoue Levi Leipheimer, résumant le sentiment général.

Pour Jonathan Vaughters, les ténors ont été pris de court. "Je pense qu'ils s'attendaient tous à ce que Voeckler lâche aujourd'hui", estime le manager de Garmin-Cervelo. Ça n'a pas été le cas, loin de là. Du coup, la donne change. La question est maintenant de savoir si Thomas Voeckler, qui compte tout de même près de deux minutes d'avance sur son premier poursuivant, et quatre sur Alberto Contador, peut semer la pagaille jusqu'au bout. Les avis sont partagés, mais cette hypothèse, complètement farfelue il y a encore trois jours, commence à prendre corps.

Même les sceptiques, comme Contador, mettent le conditionnel désormais: "On sait tous que c’est un grand combattant, mais le jour où il explosera, il perdra beaucoup de temps. Si ce jour arrive." Le "si" a évidemment toute son importance. "Je ne pense pas qu'il puisse le garder jusqu'à Paris", a confié Bjarne Riis à nos confrères de Velonews, mais le patron de Saxo Bank ajoute aussitôt: "S'il continue comme ça, ça va être un problème, pas seulement pour nous, mais pour tout le monde. La première personne qu'il faut attaquer aujourd'hui, c'est lui." Voeckler, ennemi public numéro un des favoris?  Les temps changent... "Ça me rappelle un peu Chiappucci avec LeMond en 1990", souligne Jonathan Vaughters. A l'époque, tout le monde pensait que l'Italien cèderait facilement, mais il avait fallu attendre l'ultime chrono, la veille de l'arrivée, pour que LeMond le ramène à la raison. "Il va vraiment falloir aller le chercher maintenant et il ne reste pas beaucoup d'occasions", rappelle encore Vaughters.

A tous ceux qui imaginent que le trublion alsacien n'est pas devenu autre chose qu'un simple empêcheur de tourner en rond, un avertissement leur a été adressé depuis l'autre côté de l'Atlantique. Lance Armstrong, via sa messagerie Twitter, a livré son sentiment. Voeckler vainqueur du Tour? Tout sauf absurde pour le septuple maillot jaune. "Aujourd'hui, analyse Armstrong, il était un des plus forts. Il a 2'06" d'avance sur Evans. Le dernier chrono fait 42 kilomètres. Il est Français. C'est le Tour de FRANCE. Il ne perdra pas 2'06" en admettant qu'il arrive à garder le contact à l'Alpe d'Huez." Au passage, le Texan s'est découvert une nouvelle idole: Pierre Rolland. "Il a été une rockstar et il faut qu'il continue." Et Armstrong de conclure au sujet de Voeckler: "Pour finir, ce gars sait souffrir. Ça va être sympa à regarder."