Tour de France 2015 : Au 21e siècle, l'Alpe d'Huez est la hantise de tous les maillots jaunes

Présente quasi tous les deux ans sur le Tour de France depuis 1976 (franchie en 1952 par Coppi avant cela, les Tours 2009 et 2010 n'ont eux pas connu l'honneur de la montagne des Hollandais), l'Alpe d'Huez a historiquement toujours joué un rôle important dans la quête de la victoire finale sur les Champs-Elysées. Le porteur du maillot jaune le soir de l'étape de la station des Grandes Rousses a en effet remporté le Tour de France 22 fois sur 27 ! C'est dire le côté décisif que revêt désormais l'Alpe d'Huez. Pourtant, au 21e siècle, la montée aux 21 virages a rarement souri au maillot jaune. Pire, il y a souvent vécu une journée galère…

Sur les six arrivées au sommet de la station de l'Oisans qui ont eu lieu au 21e siècle, le maillot jaune a perdu plus de 5 minutes en moyenne sur le vainqueur de l'étape. En 2001, François Simon, alors en jaune depuis une longue échappée deux jours plus tôt, finit à une honorable 29e place mais concède 10'20'' (!) à Lance Amstrong, vainqueur ce jour-là et futur vainqueur du Tour 2001. Deux ans plus tard, c'est un autre Français, Richard Virenque, lui aussi maillot jaune après une échappée (cette fois la veille), qui s'écroule dans la montée de l'Alpe d'Huez. Le grimpeur de la Quick Step-Davitamon perd 9'29'' sur le vainqueur Iban Mayo et 7'17'' sur Lance Amstrong, vainqueur de l'édition 2003.

En 2006, Oscar Pereiro a lui aussi bénéficié d'une échappée pour prendre le maillot. Mais l'Espagnol venait de terminer 10e du Tour en 2004 puis 2005 et donc était censé être d'un autre niveau... Pourtant, le leader d'alors de la Caisse d'Epargne perd au passage sur la ligne 1'39'' sur Floyd Landis, le futur maillot jaune sur les Champs-Elysées, et 2'49'' de retard sur Frank Schleck, vainqueur de l'étape. Le Luxembourgeois, on le retrouve en 2008 en porteur de la tunique de leader. Comme ses prédécesseurs, il lâche du temps sur le vainqueur du jour, Carlos Sastre (2'13''). En 2011, au cours d'une étape complètement folle, Thomas Voeckler (Europcar) voit son équipier Pierre Rolland s'imposer, le maillot jaune terminant à 3'22'' de son cadet et à 2'25" de Cadel Evans, futur vainqueur. Enfin, en 2013, Christopher Froome (Sky) laisse l'échappée et Riblon (AG2R) s'imposer à l'Alpe d'Huez avec 3'18'' d'avance. Le Britannique perd même ce jour-là 1'06'' sur Nairo Quintana (Movistar), son futur dauphin au général.

Avec de tels écarts, difficile de conserver la tunique de leader. D'ailleurs, sur les six arrivées à l'Alpe d'Huez depuis 2000, seuls deux coureurs ont gardé la leur. Et encore, 2001 est un cas particulier. Cette année-là, François Simon a fortement bénéficié des 35'54'' de l'échappée fleuve vers Pontarlier qui lui avait permis de prendre la tête. Mais il avait compris dès l'Alpe d'Huez, première étape de haute montagne, qu'il n'aurait aucune chance de gagner le Tour, ni même de faire un podium. Deux ans plus tard, Richard Virenque n'a jamais eu ni la même avance, ni la même ambition au général, mais l'Alpe d'Huez est venue mettre un terme à son aventure en jaune. Qui n'aura duré qu'un jour.

En 2006, bien qu'ayant pris part à une échappée fleuve lui aussi, Oscar Pereiro ne possède que 1'29'' d'avance sur Landis avant l'étape de la "montagne des Hollandais". Pas assez pour conserver son maillot… Vainqueur cette année-là, Franck Schleck est bien plus malheureux en 2008 puisqu'il y perd son maillot jaune à quatre jours de l'arrivée. Le sort est encore plus cruel avec Thomas Voeckler en 2011 puisque le Français dit adieu à ses rêves de victoire à Paris à l'avant-veille de l'arrivée sur les Champs-Elysées.

Comme toute bonne statistique a son exception, 2013, date de la dernière arrivée à l'Alpe d'Huez – franchie deux fois dans la même étape cette année-là, autre exception – a vu le maillot jaune d'alors conserver sa tunique. Leader au départ de 18e étape, maillot jaune depuis son succès sur les pentes d'Ax-3-Domaines lors du 8e acte de ce Tour 2013, le Britannique de la Sky, attaqué dans le final, a lui aussi perdu du temps sur ses adversaires avec un débours de 1'06'' sur Nairo Quintana. Mais pas de quoi remettre en cause le leadership du futur vainqueur de la Grande Boucle, qui comptait au départ de l'étape plus de 6 minutes d'avance sur le Colombien. De quoi voir venir et gérer.

Equipier impressionnant en 2012, tombé dès la 5e étape en 2014, intouchable pour le moment en 2015, il n'y a qu'en 2013 que Christopher Froome a connu ce que le commun des cyclistes appelleraient "un jour sans" sur le Tour de France. Et encore, cela n'est arrivé qu'une seule fois au Britannique. Attaqué de toutes parts, le leader de la Sky n'avait pas forcément tout donné dans l'ascension aux 21 virages. Peut-être s'était-il contenté de gérer son avance sur Rodriguez et Quintana, loin au général. Nous ne saurons jamais.

Mais le Britannique avait donné ce jour-là une rare impression de fringale, confirmée d'ailleurs par la barre énergétique qu'est allée chercher Porte à la voiture à moins de 5 kilomètres de l'arrivée, malgré la pénalité que cela entrainait. Pour la première sur le Tour, unique même jusqu'à la montée vers La Toussuire vendredi, Christopher Froome avait perdu de temps sur ses adversaires directs. Et, comme par hasard, c'était tombé le jour de la montée de l'Alpe d'Huez… De quoi y voir un signe ? Pour le Britannique, pas forcément. Mais voilà qui doit donner encore (un peu) d'espoir à Quintana.