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Les grimpeurs et le Tour, une idylle contrariée

Jean-Baptiste Duluc

Mis à jour 01/08/2018 à 01:17 GMT+2

TOUR DE FRANCE - Depuis huit ans, ce sont les rouleurs-grimpeurs qui font la loi sur la Grande Boucle. Dans ce cyclisme moderne où le calcul est de mise, les purs grimpeurs ont de plus en plus de mal à s'illustrer au classement général du Tour. Mais ils peuvent encore y croire.

Nairo Quintana et Romain Bardet sur le Tour de France 2018

Crédit: Getty Images

Geraint Thomas, Christopher Froome, Tom Dumoulin, Primoz Roglic … Le profil du "Big Four" du Tour de France 2018 fait la part belle aux rouleurs devenus grimpeurs, à l'image en premier lieu du Gallois, lui l'ex-pistard, spécialiste de l'exercice en solitaire et vainqueur de la Grande Boucle à 32 ans. Une tendance qui ne cesse de s'accentuer sur le Tour depuis presque trente ans. De Jan Ullrich à Geraint Thomas, les rouleurs prennent désormais régulièrement le dessus sur les grimpeurs. Voici pourquoi.

Un besoin de pourcentage de plus en plus exacerbé

Historiquement, le Tour de France a toujours été le grand tour le plus adapté pour les coureurs complets. D'abord avec de longs chronos, puis désormais avec de longs cols réguliers. Mais les grimpeurs parvenaient auparavant à faire des différences en montagne. Plus maintenant. La principale raison vient moins du parcours, qui se veut année après année novateur avec des cols difficiles (Portet en 2018, Mont du Chat en 2017, Grand Colombier en 2016), que du niveau global, de plus en plus élevé. Par le passé, un col de 10km à 8% suffisait pour que les grimpeurs puissent creuser des écarts. Il leur faut désormais du 10%. Et, en France, les cols à 10% de moyenne ne sont pas légions.
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Nairo Quintana lors de la 17e étape du Tour de France 2018

Crédit: Getty Images

Un manque de puissance impossible à compenser

C'est certes une évidence mais il n'empêche qu'elle joue un rôle majeur sur le Tour de France. La plupart des grimpeurs qui jouent aujourd'hui la victoire sur la Grande Boucle sont des poids plumes, à l'image de Nairo Quintana ou Romain Bardet. Deux gabarits plutôt légers (58 et 62kg), loin des profils plus "massifs" des Sky (68 pour Froome, 71 pour Thomas). Du coup, les grimpeurs ont souvent tendance à manquer de puissance, étant obligés de beaucoup plus mouliner pour compenser. Là où ils imposaient auparavant des changements de rythme avec de multiples attaques, ils subissent désormais les accélérations au train de rouleurs devenus au moins aussi à l'aise qu'eux quand la route s'élève. L'étape de La Rosière cette année en est le meilleur exemple.

Une question de génération

Comme dans tout sport, les champions d'enfance nous inspirent, d'une manière ou d'une autre. Et, pour la génération 1989-1990, Miguel Indurain a été la figure de proue, celle qui a donné envie à bon nombre d'entre eux de se mettre au cyclisme. Sans doute le premier modèle de rouleur-grimpeur à remporter la Grande Boucle. Le plus symbolique aussi. Il n'est pas étonnant de retrouver dans cette génération-ci des profils du même type que l'Espagnol, des Dumoulin, des Roglic, des Zakarin voire des Van Garderen. Bien plus rouleurs que grimpeurs donc.
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Tom Dumoulin

Crédit: Getty Images

Les points UCI, un problème tactique

"Il y a toujours des équipes avec des intérêts différents : le travail de Katusha pour défendre une dixième place, Lotto qui a roulé en faisant en même temps le travail pour Sky..." L'amertume de Mikel Landa (Movistar) à l'arrivée de la 19e étape est un symbole fort du cyclisme actuel où chacun veut défendre sa position. Les points UCI offerts sur chaque course sont prépondérants, au point même que les équipes ont souvent tendance ces dernières années, une fois la mi-Tour passée, à penser à défendre leur position plutôt que de se risquer avec l'envie de gagner. Un manque d'ambition critiquable, mais compréhensible. Il en va, dans certains cas, de la survie d'une équipe.

Des prises de risques repoussées

"La montagne reste un ingrédient très important pour réussir un bon Tour de France, estimait Vincent Lavenu. Les parcours y font beaucoup. Les rouleurs étaient avantagés cette année. Ça ne sera peut-être pas le cas dans le futur. Les belles victoires se forgent dans la montagne." Le constat du manager d'AG2R La Mondiale est entièrement vrai mais il n'occulte pas totalement le véritable problème : l'incapacité des grimpeurs à prendre des risques lorsqu'il est temps de le faire.
On l'a encore vu sur ce Tour 2018, les grimpeurs repoussent encore et encore le moment où ils attaquent, se préservant (trop) souvent pour la dernière ascension. Et ils sont incapables d'y faire la différence face aux gros tempos imposés par les rouleurs-grimpeurs. Pour gagner le Tour, ils doivent être prêts à attaquer de loin, à oser tôt dans la course, comme Quintana l'a fait dans le Col de Portet ou le duo Landa-Bardet vers Laruns. Mais il était déjà trop tard. Sur la Vuelta 2015, Fabio Aru avait montré la voie en prenant tous les risques l'avant-dernier jour pour déposséder Dumoulin du maillot de leader. Avec réussite. Mais, sur le Tour, ces tentatives sont rares. Comme les succès des grimpeurs au classement général.
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Mikel Landa et Romain Bardet, passés à l'attaque de loin lors de la 19e étape du Tour de France 2018

Crédit: Getty Images

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