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Manon Apithy-Brunet : "Mon entraîneur a eu peur que je fasse une dépression"

Gilles Della Posta

Mis à jour 10/11/2022 à 12:36 GMT+1

Six mois après la blessure à l’épaule droite qui avait écourté sa saison et l’avait privée de sa place de numéro un mondiale, Manon Apithy-Brunet va retrouver la Coupe du monde de sabre, à Alger. Nous l’avons rencontrée avant son départ pour faire le point sur la façon dont elle va aborder cette nouvelle campagne, et savoir quel regard elle porte sur l’épreuve qu’elle vient de traverser.

Manon Apithy-Brunet lors des derniers JO de Tokyo

Crédit: Getty Images

Hammamet, Tunisie, le 8 mai. Fraîchement promue numéro un mondiale, Manon Apithy-Brunet voit son bel élan brisé. Lors de la compétition par équipes, la Française sent son épaule sortir de son logement. A cet instant précis, la chef de file des sabreuses tricolores redoute que sa saison s’arrête là. Les semaines suivantes vont malheureusement lui donner raison. De retour en France, elle espère encore repousser cette échéance au-delà des Championnats du monde 2022 prévus à la mi-juillet au Caire. L’impasse sur les championnats d’Europe, un mois plus tôt, est en revanche actée.
Je n’ai fait que pleurer
Plusieurs semaines durant, il lui faut jongler entre préparation physique et soin de cette épaule défaillante. Le verdict redouté tombe : l’intervention chirurgicale est inévitable et, compte tenu du planning des qualifications en vue des Jeux de Paris 2024, il n’est plus question de perdre du temps.
Manon Apithy-Brunet rencontre ses médecins, et en garde un souvenir pénible : "Le rendez-vous a duré quarante minutes, j’ai compris ce qui m'attendait au bout de dix minutes… Le reste du temps, je n’ai fait que pleurer". Moins d’une semaine plus tard, la Tricolore passe sur la table d’opération. Elle regarde de chez elle le succès de ses partenaires lors des Championnats d’Europe. Et c’est en spectatrice, au Caire, qu’elle assistera aux Mondiaux.
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Manon Apithy-Brunet lors des derniers JO de Tokyo

Crédit: Getty Images

Mon entraîneur a eu peur que je fasse une dépression
Derrière la place de numéro un mondiale que Manon Apithy-Brunet n’a pas pu défendre en Egypte, se cache une saison de souffrance. "J’avais beaucoup de mal à me motiver pour aller aux cours, à tel point que mon entraîneur a vraiment eu peur que je fasse une dépression et m’a envoyée voir une psychologue, il y avait une énorme lassitude. J’avais du mal à mettre la veste même pour aller en compétition. Vu que je n’aime pas perdre je me battais pour obtenir des résultats mais il n’y avait plus cette joie qu’on éprouve quand on se dit ‘j’aime faire de l’escrime’, c’était vraiment dur. Je n’avais pas eu de pause après les Jeux de Tokyo donc je me suis dit que c’était le moment pour tout lâcher, loin de l’escrime et même loin du sport".
Covid oblige, il faut dire que le cycle olympique menant à Tokyo a duré cinq ans. On pourra toujours noter qu’il en a été de même pour tous les athlètes, il n’en reste pas moins qu’il fut particulier pour la Française. A Rio, elle avait créé la surprise en s’invitant dans le dernier carré de la compétition individuelle. Battue à la touche décisive en demi-finale par Sofiya Velikaya, elle s’était ensuite inclinée lors de la finale pour le bronze face à Olga Kharlan. Elle n’était pas montée sur le podium non plus en équipe et avait donc quitté le Brésil sans médaille.

De Rio à Tokyo, sans transition

En évoquant ces instants, le visage jusque-là lumineux de la Française se fait plus grave, marque d’un vrai traumatisme. "Lorsque je donne ma dernière touche aux Jeux de Rio, je pense directement à Tokyo", confie-t-elle. Une longue olympiade à se conditionner pour aller chercher une médaille, patienter une année de plus tout en restant concentrée sur son objectif, pour finalement l’atteindre cinq ans plus tard en s’imposant 15-6 contre la Hongroise Anna Marton dans la finale pour le bronze. Mais le tourbillon ne s’arrête pas là : "Après Tokyo, on a eu un mois de repos… Mais à vrai dire pendant ce mois, j’ai fait la fête, je me suis mariée, j’ai déménagé, j’ai tout changé. Cela s’est fait très vite et mon corps était clairement fatigué par tout ça. Maintenant je me suis reposée, j’ai la dalle, et il faut que j’avance !"
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Manon Brunet en bronze au sabre.

Crédit: Getty Images

La sabreuse a repris l'entraînement début septembre à l’académie de Christian Bauer à Orléans, par une grosse préparation physique en attendant le feu vert des médecins concernant son épaule et la possibilité de reprendre l’escrime à proprement parler. Quinze jours après le retour à la salle, Manon a repris le sabre pour la première fois face à son entraîneur, pour ce que l’on appelle la leçon.
"A ce moment-là, mon épaule est parfaitement remise, mais je me rends compte que je n’ai plus du tout assez de muscles. Je ne sais même plus quelle position prendre, se remémore-t-elle. Quand il me donne une consigne, même si je l’ai déjà entendue des millions de fois, cela me demande de réfléchir à comment m’y prendre. Au bout d’à peine deux minutes, le sabre devient lourd et là je me dis que ça va être très long."
Mais le corps d’un athlète de haut niveau, surtout quand il n’a que 26 ans, dispose d’une sorte de mémoire et retrouve vite ses habitudes. Début octobre, l’Orléanaise d’adoption reprend les oppositions face à ses coéquipières. Cette fois, c’est de nouveau un franc sourire que la Française affiche : "Je me suis sentie libre de faire ce que je voulais. Je vais beaucoup trop vite, je sens que mon bras n’a pas de force mais au fond de moi, je m’en fous, je bouge, je refais de l’escrime, enfin !"
Je vais à Alger pour me battre
Reste que le retour à une forme optimale ne peut s’opérer en quelques jours. Alger ouvre certes le calendrier 2022/2023 de la Coupe du monde de sabre mais la Française reste prudente : "Je vais à Alger pour me battre. Je n’y vais pas pour gagner la compétition mais plutôt pour reprendre des repères parce que cela fait longtemps que je les ai perdus. Donc j’y vais pour me battre, voir là où ça pèche et pouvoir m’organiser pour la suite."
Dans la capitale algérienne, il sera également temps de savoir si Manon Apithy-Brunet peut de nouveau prendre part à la compétition par équipe. Pour le moment, aucune décision n’a été prise. Selon les résultats obtenus, selon sa forme physique, Christian Bauer, son entraîneur, s’accordera avec Matthieu Gourdain, le manager de l’équipe de France féminine de sabre pour l’engager ou non.
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Manon Brunet (Rio 2016)

Crédit: Getty Images

S’il n’y a pas d’objectifs précis en termes de résultats pour Alger, ce retour sur les pistes agira tout de même comme un point d’étape important. "Il faudra obtenir un bon résultat et si ce n’est pas le cas, cela signifie qu’on doit changer des choses." Les échéances suivantes sont déjà bien identifiées : l’épreuve de coupe du monde à domicile, à Orléans le 10 décembre, puis le début de la phase qualificative pour les jeux début avril 2023 et enfin les championnats du monde en juillet prochain.
J’aimerais bien être championne du monde quand même !
La médaillée olympique ne sait pas trop à quoi s’attendre pour son retour. Une chose est certaine, la pause forcée n’a absolument pas altéré ses ambitions :"À plus long terme, si je suis championne du monde en 2023, c’est qu’on est sur la bonne voie pour les Jeux, et si on rate, ce ne sera pas dramatique car l’objectif principal reste les Jeux de Paris”. Avant d’ajouter dans un sourire : "J’aimerais bien être championne du monde quand même !"
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