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24 décembre 1985 : Platini décroche son troisième Ballon d'Or

Chérif Ghemmour

Mis à jour 25/12/2020 à 15:43 GMT+1

A l’ère de la longue séquence au sommet des Messi-Ronaldo, on en oublie parfois à quel point Michel Platini a régné sur la planète foot : seul et très haut. Avec la Juventus et les Bleus, ses trois Ballons d’Or d’affilée (1983, 1984 et 1985) l’ont fait entrer dans la caste très select des seigneurs du football. Retour sur son année 1985 fast & furious…

Michel Platini en Coupe des champions lors de Bordeaux-Juventus

Crédit: Getty Images

Novembre. La pluie. Le soir. Le Parc des Princes. Les Bleus. Et Platini… Un classique. Ce samedi 16 novembre 1985, contre la Yougoslavie, l’équipe de France joue à nouveau sa qualif' à quitte ou double pour la Coupe du monde, celle de 1986 au Mexique. Victoire indispensable. Et comme en novembre 77 contre la Bulgarie (3-1, un but) et comme en novembre 81 contre les Pays-Bas (2-0, un but), la France compte encore sur son sauveur, Michel Platini, pour l’envoyer au Mundial. Sauf que… Michel n’a plus marqué avec les Bleus depuis 12 mois, un record !
Si sa trajectoire personnelle est toujours au zénith, avec une saison 1984-85 faste qui devrait lui assurer un troisième Ballon, le risque d’une élimination au Mondial mexicain est bien présent. Et elle ferait sacrément tache. Or, Michel n’est pas tout à fait exempt de responsabilité dans la situation délicate qui place les Bleus au bord du précipice en cette soirée du 16 novembre. Flash-back sur une année 1985 platinienne très rock &roll…
Le 29 avril 1985, le "Roi Michel" comme on le surnomme en Italie choisit de recevoir son deuxième Ballon d’Or au Musée Grévin, à côté de sa statue de cire nouvellement créée. Un total hallucinant de 128 points sur 130 des votes de France Football autorise ce caprice royal et rancunier : Michel n’a jamais pardonné au magazine de ne l’avoir pas fait gagner en 1977 en ne le plaçant pas premier ! C’est feu Jacques Ferran, rédac-chef, qui lui remet le trophée : "Je le lui ai remis à côté du Platini en cire, comme ça, presque clandestinement. Il l'a pris, ne m'a même pas remercié et a disparu."
Aujourd’hui, Michel jouerait la cigarette au bec
Direction l’Elysée pour Michel qui vit à 100 à l’heure ! Il s’y fait remettre la Légion d’Honneur des mains du président Mitterrand avant d’aller fêter au Crillon ses deux distinctions avec ses potes. En se dissipant un peu dans le tourbillon parisien, Platoche en oublie un peu l’équipe de France, rassemblée pour un match de qualification au Mondial, le jeudi 2 mai en Bulgarie. Et à Sofia, les Bleus chutent lourdement 2-0.
Le sélectionneur Henri Michel en veut à son capitaine et le lui fait savoir… Mais Michel trace sa route avec une Juve décrochée en Serie A par le Hellas Vérone (futur champion 85) mais irrésistible en Coupe des Clubs Champions. Le 19 mai, à la fin du "Calcio", la Juve finit d’ainsi 6e mais Platini est à nouveau Capocannoniere (meilleur buteur) avec 18 buts. Son coéquipier en bleu, Bernard Lacombe, en est sidéré : "Michel a pris les clefs de la meilleure équipe du monde et a fini trois fois meilleur buteur du Calcio alors qu’il est meneur de jeu !"
En juin 2015, son porte-flingue à la Juve, le grand Marco Tardelli, lui rendra dans France Football un hommage plus appuyé : "Michel a été trois fois meilleur buteur d’affilée de la Serie A et ça c’est un exploit ! Parce que c’était un football très physique, très dur, très tactique. C’était monstrueux d’avoir marqué autant de buts dans un championnat où il y avait autant de grands joueurs. Platini et Maradona avaient toujours un adversaire qui ne les lâchait pas et ils n’étaient pas protégés par les arbitres. Aujourd’hui, Michel jouerait la cigarette au bec. Il n’aurait plus ce marquage individuel à subir et il marquerait plus de buts."
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Slide Finales C1 1985 Heysel Platini

Crédit: Imago

Avec 29 pions pour les Bianconeri, il réalise même sa saison la plus prolifique en club, à égalité avec l’ASSE 1981. Sa 29e réalisation, Michel l’a célébrée le 20 mai à Bruxelles, au Stade du Heysel, en finale de C1, contre le grand Liverpool. Un penalty victorieux à la 57e pour une faute hors de la surface sur Boniek, lancé par son ouverture lumineuse : 1-0, score final et première Ligue des Champions pour Platini et pour la Juve ! Il termine même meilleur buteur de la compétition avec sept buts inscrits.
Mais c’est en retournant aux vestiaires que les Juventini apprennent l’ampleur tragique des "émeutes" qui avaient retardé la finale : 39 morts et 450 blessés, presque tous supporters italiens… Pris de honte et de culpabilité, Michel, qui ignorait l’étendue du drame, tombe en dépression : "J’étais très mal après ce match. Il me restait trois semaines à tirer avant les vacances et j’étais allé voir le président de la Juve, Giampiero Boniperti, pour lui dire que j’en avais marre et que je voulais partir avant."
Prétextant une fausse blessure à l’entrainement, il est autorisé par l’Avvocatto Agnelli (de mèche) à aller panser ses blessures en France. Michel, qui vient de se prendre 10 ans de maturité dans la figure, ne sera plus jamais le même homme : "Après le Heysel, je n’appréhendais plus mon métier de la même façon. Je jouais désormais davantage pour le trophée et la gagne que pour le plaisir. J’avais trop souffert."

30 ans, déjà

Né un 21 juin, le capitaine des Bleus attendra septembre pour fêter ses 30 ans à Nancy avec ses potes et il ne remettra plus jamais les pieds au stade de Bruxelles… Le 21 août, Michel retrouve ses chers Bleus au Parc à l’occasion de la Coupe Intercontinentale (future Coupe des confédérations), entre la France, championne d’Europe 84, et l’Uruguay, vainqueur de la Copa America 83. Victoire tricolore 2-0 et un titre de plus pour Michel…
Depuis 1982, il infuse en équipe de France "la gagne" apprise en Italie, rappellera Luis Fernandez : "Michel nous a tous poussés à un niveau d’exigence qu’on ne connaissait pas. A l’entrainement, même dans les petits jeux, il ne supportait pas une passe ratée ou un contrôle moyen, alors que nous on pouvait peut-être se laisser aller. Mais comme c’était le boss, tu ne te relâchais pas de peur de te prendre une soufflante et surtout tu voulais être à la hauteur du meilleur joueur du pays. Cette exigence au quotidien a été fondamentale pour aller chercher des grandes victoires."
Mais patatras ! Le11 septembre, à Leipzig, la France est battue à son tour 2-0 par la RDA et se met dans une situation périlleuse avant ses deux derniers matchs contre le Luxembourg et la Yougoslavie… Comme la patrie est en danger, les cadres de l’EDF se retrouvent avec Henri Michel le 16 octobre à Lyon pour "se dire les choses". Le 30 octobre, la France tape le Luxembourg 6-0 mais Michel n’a pas marqué… Et arrive donc ce 16 novembre au Parc. Le pays retient son souffle. Pas longtemps, en fait : à la 3e, coup franc direct aux 18 mètres pour la France. Autant dire un penalty pour l’ex-Nancéien qui polissait ses frappes avec des mannequins en mousse. Et bingo ! Lucarne et 1-0.
Platoche, fastoche. A la 71e, son shoot du gauche (2-0 final) envoie l’équipe de France au Mexique : "J’ai été la meilleure agence de voyages des journalistes français", ironisera un Michel toujours aussi rancunier. Encore décisif à 30 ans, il totalise 4 des 7 buts qualificatifs de 1977, 1981 et 1985 !
Mais l’Imperator est déjà reparti avec la Vieille Dame en reconquête de leur titre de Serie A remporté en 1984. Le 8 décembre, c’est encore lui qui offre à la Juventus la première Coupe Intercontinentale de son histoire face aux Argentinos Juniors à Tokyo. Auteur du péno égalisateur à 1-1, il offre à Michael Laudrup la balle du 2-2 (82e) avant d’achever en beauté une série de tirs au but remportée 4-2 ! Le prestigieux magazine argentin El Grafico l’adoube avec noblesse : "On l'appelle Monsieur, mais il a le foot de rue dans le sang". 
A 1-1, "Monsieur" avait de surcroît marqué un but cosmique : amorti-poitrine, sombrero du droit et volée du gauche sans-toucher-sol en lucarne opposée ! Mais le but avait été refusé pour un obscur hors-jeu d’un coéquipier. Désabusé, Michel s’était alors allongé sur le flanc dans une pose légendaire, boudeuse, la tête appuyée sur la main en accoudoir… Son plus beau but ? "Disons que c’est le plus beau but refusé de ma carrière " rectifiera-t-il. Déjà victime des arbitres contre la Bulgarie en 76 (Mr Foote) et contre la RFA en 82 (Mr Corver), Michel aura l’élégance de toujours s’opposer à l’arbitrage vidéo (bien vu, Michel ?) en considérant l’homme en noir comme faisant partie du jeu. Pour le pire et le meilleur…
Grâce à son "francese" ("Quand Agnelli voyait Platini, il avait des frissons", dixit Boniek), la Juve a enfin triomphé à l’international : "Sans Platini, la Juve n’aurait peut-être pas collectionné autant de trophées depuis trois ans", s’extasie à Tokyo son coach Giovanni Trapattoni.
Le 24 décembre 1985, avec un nouveau total inouï de 127 points sur 130, Michel décroche son 3e Ballon d’Or d’affilée. Un triplé inédit que son idole Johan Cruyff avait mis quatre ans à réaliser (1971, 1973 et 1974). Malgré les succès présents et à venir (la Juve sera championne d’Italie 1986), Michel Platini pourtant au top du top sentait bien qu’il ne s’éterniserait plus trop longtemps dans le game : "C’est bizarre parce que mes 30 ans ont à la fois coïncidé avec le sommet de ma carrière et avec le début d’un lent déclin", analysera-t-il en 2005, pour ses 50 ans. Et en effet, en 1986, Diego Maradona reprendra à Mexico le sceptre de numéro 1 mondial à la suite du Roi Michel…
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