Les plus populaires
Tous les sports
Voir tout

Alisson et Ederson : pour une fois, les cracks brésiliens sont gardiens

Thomas Goubin

Mis à jour 20/11/2020 à 11:13 GMT+1

Le Brésil n'avait jamais connu cela. Avoir deux gardiens titulaires au sein des deux derniers champions de Premier League. Une aubaine pour la Seleçao, où une concurrence commence à naître, même si le gardien de Liverpool dispose d'une longueur d'avance.

Alisson (L) and Ederson (C) and goalkeeper coach Claudio Taffarel take part in a training session in Porto Alegre, Rio Grande do Sul, Brazil on June 24, 2019

Crédit: Getty Images

C'était une opportunité à saisir. Pour la première fois en match officiel depuis octobre 2017, Ederson a été titularisé avec la Seleçao en match officiel à l'occasion de la parenthèse internationale qui vient de se refermer. Face au Venezuela (1-0) puis à l'Uruguay (2-0), le gardien de Manchester City a rendu des copies propres, mais dire qu'il a marqué des points serait cavalier puisqu'il a été peu sollicité, si ce n'est d'observer une mine envoyée par Darwin Nuñez (Benfica) percuter sa barre. Au Brésil, c'est en tout cas dans la sérénité qu'on observe la concurrence qui se dessine entre Alisson, qui semblait indiscutable dans l'esprit de Tite depuis sa prise de fonction en 2016, et Ederson, l'outsider tatoué.
Plutôt que se déchirer, on préfère savourer la chance de disposer de deux gardiens d'élite. "Gardien ça n'a jamais été notre point fort, introduit ainsi l'ex-défenseur du SM Caen, de Guingamp, ou de Botafogo, Felipe Saad, même les gardiens champions du monde comme Taffarel (1994) ou Marcos (2002) étaient parmi les joueurs les plus contestés, et aujourd'hui la tendance s'est inversée, puisqu'on manquerait plutôt de talent en attaquant de pointe".
picture

Brazil's goalkeepers Cassio (L), Ederson (C) and Alisson (R) take part in a training session at the Pacaembu stadium, in Sao Paulo, Brazil, on June 11, 2019

Crédit: Getty Images

Ederson n'est pas globalement supérieur dans le jeu au pied
Alisson ou Ederson, les deux gardiens se ressemblent. Bons relanceurs, forts sur leur ligne, et plutôt à l'aise quand ils doivent se muer en onzième joueur de champ. "Mais si on entre dans le détail ce n'est pas le même profil, nuance Thierry Barnerat, instructeur FIFA et entraîneur de gardiens suisse, par exemple, Ederson n'est pas globalement supérieur dans le jeu au pied mais il a une faculté incroyable, celle d'envoyer à un ballon à 60 ou 70 mètres sur un pas. Un ballon fort, qui ne monte pas, qui a de la vitesse. Aussi, sa prise d'informations avant de recevoir le ballon au pied est excellente, alors qu'Alisson Becker s'informe mal dans les situations d'urgence et se retrouve fréquemment en difficulté. Alisson a construit un jeu au pied, alors que pour Ederson c'est plus instinctif".
Dans l'aisance du Citizen, on peut voir le fruit d'une enfance passée au poste de latéral, sur des terrains accidentés de la périphérie du monstre urbain qu'est Sao Paulo. De quoi lui donner des "aptitudes", dixit Barnerat. Pour le portier de Liverpool, le cursus fut plus classique. Issu d'une famille de gardiens, il a intégré tôt le centre de formation de l'Internacional, l'un des deux grands clubs de Porto Alegre, et a fait ses débuts en pro en 2013, à 21 ans, suite à la blessure en cours de match de son … frère, Muriel Becker, à qui il ravira la place de titulaire.
picture

Ederson and manager Pep Guardiola of Manchester City

Crédit: Getty Images

Ederson pourrait-il souffrir d'un certain déficit de popularité au Brésil ?

Le Brésil a vu Alisson Becker grandir. Quand il débarque à l'AS Roma en 2016, à 24 ans, il a ainsi déjà fait son trou à l'Internacional, le club qui avait aussi vu surgir Claudio Taffarel, son idole, et aujourd'hui l'entraîneur des gardiens de la Seleçao. Pour ce fervent croyant à l'allure de gros serveur du circuit ATP, fort, sobre, et intimidant, le destin fait bien les choses. Ederson a lui emprunté des chemins bien plus escarpés. Après avoir intégré le centre de formation de Sao Paulo FC à 15 ans, il en est évincé après quelques mois.
Il rêvait alors de marcher dans les pas de Rogerio Ceni, gardien aux 131 buts et mythe de ce club vainqueur de trois Mondial des clubs (1992,1993, 2005), même si une filiation pourrait aussi être dressée avec des fantasques latino-américains, tels René Higuita et autres Jorge Campos, amateurs d'aventures balle au pied. Proche d'abandonner le football, Ederson va finalement se faire un nom au Portugal, où il débarque à 16 ans au Benfica Lisbonne, mais devra attendre 2017 et son transfert à plus de 60 millions d'euros à Manchester City pour être retenu avec la Seleçao.
Finalement assez neuf dans le paysage brésilien, Ederson pourrait-il souffrir d'un certain déficit de popularité, alors qu'Alisson a déjà été capé à 44 reprises ? "Je ne pense pas, estime Felipe Saad, désormais recruteur pour le SM Caen, car le football européen est vraiment suivi de près au Brésil. Il n'y a qu'à voir ces écoles de foot où tous les jeunes portent des maillots de Manchester United, du Barça, etc". Reste que le Citizen joue rarement : dix matches au total et en général de peu d'importance. Il est le gardien idéal pour Pep Guardiola, qui veut disposer d'un premier relanceur d'élite, mais pas forcément celui qui sied à la Seleçao. "Ederson est hors norme dans son jeu au pied, mais pour moi Alisson est plus complet et plus décisif" estime Saad.
picture

Alisson prend Gabriel Jesus dans ses bras, le dernier buteur brésilien lors de la séance des tirs au but.

Crédit: Getty Images

Plus généralement, Becker a une meilleure lecture des trajectoires
Surpris par la titularisation du Citizen face au Venezuela et à la Colombie, Thierry Barnerat dresse le même constat. "Quand on arrive dans les 30 derniers mètres, Ederson n'est pas performant dans ses prises de décision, il est souvent en difficulté. On l'a par exemple vu en Ligue des champions contre Lyon sur le premier but de Maxwell Cornet où il est reste planté à 14 mètres de son but alors que son défenseur est au un contre un. Alisson Becker, lui, travaille souvent très bien le deux contre un avec son dernier défenseur. Même si celui-ci a du retard, il va lui laisser le temps de revenir au contact et bien défendre son but. C'est une grande différence entre les deux." "Plus généralement, Becker a une meilleure lecture des trajectoires, et cela se ressent aussi dans son jeu aérien", ajoute le spécialiste du poste.
Pour justifier son récent choix de préférer Ederson, Tite a mis en avant les performances en club du protégé de Guardiola. "Il est dans un grand moment technique et physique et a de l'expérience", a lâché le sélectionneur. Au mois d'octobre, quand Alisson était forfait, touché à l'épaule, il lui avait pourtant préféré Weverton, le portier de Palmeiras, pour le début de la campagne éliminatoire. "C'est un très bon gardien, renseigne Saad, il est peu connu en Europe, mais a un style similaire à Ederson et Alisson, avec un très bon jeu au pied".
Le duel entre le Citizen et le Red est en fait un jeu à trois. On est donc encore loin d'une rivalité à la Lama-Barthez, d'autant que les deux rivaux en Premier League se disent "amis". Plutôt que de polémiquer, le Brésil préfère donc se réjouir d'avoir enfin plusieurs derniers remparts fiables. Une bénédiction pour le présent, et une promesse pour l'avenir ? "Au Brésil, la formation des gardiens est de plus en plus pointue, assure Saad, notamment sur le jeu au pied, mais c'est aussi le contexte globalisé qui explique qu'on a deux gardiens en Angleterre" Les gardiens brésiliens partent ainsi plus tôt de leur pays, tel les sélectionnés olympiques, Gabriel Brazão, déjà au Real Oviedo (D2 espagnole), à 20 ans, ou Daniel Fuzato, prêté à Gil Vicente (Portugal) par la Roma. Les futurs Alisson et Ederson ?
Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Sur le même sujet
Partager cet article
Publicité
Publicité