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Bundesliga : L'ogre Bayern inspire autant le respect qu’il déprime l’Allemagne

David Lortholary

Mis à jour 20/11/2015 à 10:23 GMT+1

BUNDESLIGA - Respect, résignation, agacement voire hostilité : les performances et la supériorité hors normes du Bayern Munich de Pep Guardiola ne laissent pas indifférent en Allemagne. Y compris parmi les supporters du club.

Die Bayern bejubeln ihren lockeren Sieg gegen den VfB

Crédit: Imago

“Bien sûr que les amateurs de football neutres souhaiteraient plus de suspense. Mais nous, au Bayern, nous voulons maintenir la Bundesliga aussi peu haletante que possible”. Thomas Müller, à l’issue de la démonstration de son club lors du match au sommet contre Dortmund (5-1), en octobre, avait le sourire. Les adversaires et détracteurs du Bayern sans doute un peu moins. Chaque semaine, l’ogre bavarois empile les records, inédits, historiques, implacables.
L’entraîneur Josep Guardiola, pourtant, a trouvé une réplique imparable : “Personne n’est jamais devenu champion en octobre !” Certes. Et les échecs en Ligue des champions, au printemps, ces deux dernières années, sont une forme de preuve que rien ne se gagne à l’automne. Néanmoins, la discussion à propos du cavalier seul du Bayern vers un quatrième titre national d’affilée (performance jamais réalisée) est sur toutes les lèvres des fans de foot en Allemagne. Elle ne date pas d’hier – le grand quotidien Die Welt posait déjà la question de la “Bayern Dominanz” il y a exactement deux ans – mais va crescendo.
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Pep Guardiola looks amazed

Crédit: Eurosport

Auprès du public et des acteurs de la Bundesliga, cette performance “kolossale” inspire d’abord le respect, dans la mesure où le Bayern ne se repose pas sur ses lauriers. “Dans le monde de l’entreprise, on reconnaît les bons dirigeants à ce qu’ils donnent envie à leurs employés de travailler pour la boîte. Guardiola y parvient mieux que l’ensemble de ses prédécesseurs”, constate le journaliste du Tagesspiegel Arne Bensiek. “Cela entretient un immense élan, une volonté permanente de devenir toujours meilleur alors que l’équipe possède déjà les meilleurs joueurs du monde : Neuer, Alaba, Douglas Costa, Müller ou Lewandowski ont leur place dans n’importe quelle équipe All-Star mondiale”, convient notre confrère.
“Le secret de Guardiola, c’est que les joueurs veulent jouer pour lui. Ils vénèrent cet entraîneur, reconnaissant son leadership et ses décisions. Au sein du Bayern de Guardiola, aucun joueur n’est titulaire, hormis Manuel Neuer”. Même des légendes comme Philipp Lahm ou l'incontournable Thomas Müller s’assoient régulièrement sur le banc, que ce soit dès le début des rencontres ou au bout de 70 minutes.

Le Bayern fait de l’ombre à la Bundesliga

“Que le Bayern ait pu faire venir ces joueurs, et qu’il puisse les conserver aussi longtemps qu’il le souhaite, tient à la notion de famille. Il est certain qu’au Bayern, les intrigues et les bisbilles sont moins fréquentes qu’à Manchester City ou au Paris Saint-Germain, alors que ces clubs paient leurs joueurs plus cher…”, remarque malicieusement Arne Bensiek, impressionné malgré lui.
Ce Bayern, cette institution, celle qui protège ses membres dans l’embarras – Ribéry avec Zahia, Hoeness avec le fisc, Beckenbauer avec l’attribution du Mondial 2006, Breitner après une brouille de 25 ans (liste non exhaustive) -, est une fierté nationale qui rivalise, dans les résultats comme dans le jeu, avec le Barça et le Real. Il provoque aussi la résignation. Cet automne, le directeur sportif du Werder Brême Thomas Eichin, à l’aube du match de championnat entre son club et le Bayern, estimait que “même une défaite 0-12 n’entraînerait pas le limogeage de son entraîneur”. Curieuse façon de motiver ses troupes à l’exploit.
Le reproche ? Le Bayern, en position d’ultra-dominant, fait de l’ombre à la Bundesliga. Telle est la propagande médiatique du moment. “La domination du Bayern est bonne pour le club mais mauvaise pour le football allemand en général”, juge ainsi Arne Bensiek. Ce dernier apprécierait que le géant de Bavière ne pille pas ses concurrents nationaux. “Le FCB peut parvenir en finale de la Ligue des champions sans Götze ni Lewandowski, tandis que le Borussia Dortmund, lui, ne peut pas”, constate-t-il.
“Il y a 3-4 ans, l’Allemagne comptait deux équipes pouvant gagner cette compétition, aujourd’hui il n’en reste plus qu’une capable de se hisser dans le dernier carré. Pour le coefficient UEFA, c’est mauvais. La Bundesliga s’en trouve durablement affaiblie. On ne peut pas blâmer le Bayern pour cela : chacun travaille comme il peut. Mais ces faits ne doivent pas être passés sous silence pour autant”, estime le journaliste.
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Lewandowski und Götze glänzten gegen Zagreb

Crédit: Imago

Ce n’est pas le problème du Bayern".
À tel point qu’en accentuant le déséquilibre avec la concurrence, le club munichois se mettrait lui-même en danger. Oliver Kahn, légende du club aujourd’hui consultant télé de premier plan, n’est pas d’accord. “La domination des Bavarois s’est renforcée, oui. Mais ce n’est pas le problème du Bayern. C’est le problème des autres clubs, qui doivent se poser la question de savoir pourquoi ils ne parviennent pas à suivre la cadence”. Tout règne a pourtant une fin.
“Le Bayern passe actuellement pour la meilleure équipe du monde. Comme telle, elle ne peut plus rien gagner, elle ne peut que perdre, parce que tout le monde attend d’elle qu’elle gagne. Il en était ainsi de Barcelone pendant des années ; maintenant, c’est le Bayern. Une simple défaite en Coupe et aussitôt, la saison est ternie puisque seul le tripléchampionnat-Coupe-Ligue des champions compte dans la mesure où, naturellement, on attend de Josep Guardiola qu’il fasse au moins aussi bien que son prédécesseur Jupp Heynckes”, explique Arne Bensiek.
Säbener Strasse, au siège du club, les dirigeants s’en remettent au “gourou” Guardiola, lui déroulant ostensiblement le tapis rouge pour qu’il ait les coudées franches et qu’il prolonge son contrat au-delà des trois années initiales (2013-2016). Les pouvoirs de l’Espagnol sont plus étendus que jamais ; le jeu qu’il pratique porte sa signature technique et tactique. S’il gagne plus souvent que tous ceux l’ayant précédé à son poste, son style de possession au ras de la pelouse a provoqué une réaction “chimique” auprès d’une partie des supporters historiques attachés à l’ADN de leur club.
Cet été, à proximité du centre d’entraînement et au moment du départ de l’une des idoles bavaroises en la personne du vice-capitaine Bastian Schweinsteiger, une banderole a ainsi proclamé : “Pep et son esclave Karl-Heinz Rummenigge : vous détruisez notre identité”. L’évolution subtile des préceptes de Guardiola au contact de l’institution aurait pourtant tendance à montrer le contraire, et les victoires successives atténuent forcément les voix discordantes chez les supporters : personne, dans la galaxie Bayern, n’aime rien plus que la victoire.
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