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Union Berlin, la légende fait souffler un vent d'est sur la Bundesliga

David Lortholary

Mis à jour 30/05/2019 à 17:45 GMT+2

BUNDESLIGA - Club mythique du football allemand, fort d'un esprit, d'un cœur et d'un caractère, l'Union Berlin monte pour la première fois de son histoire en Bundesliga à la faveur d'un barrage remporté contre le VfB Stuttgart. Entre traditions tenaces et nouvelles nécessités économiques, son équilibre futur pose question.

Union Berlin feiert den Aufstieg in die Bundesliga

Crédit: Getty Images

Dans le paysage du football professionnel, l'Union Berlin est à part. Un peu, voire beaucoup, comme si le club de l'est de la capitale était resté au XXe siècle et cultivait cet arrêt du temps. Déboulé pour la première fois de son histoire en Bundesliga, lundi soir, grâce à un barrage remporté de haute lutte contre l'un des symboles de la puissance économique de l'ex-Allemagne de l'Ouest, le VfB Stuttgart (2-2 à l'extérieur, 0-0 à domicile), l'Union va être confrontée à partir de cet été à un tout nouvel environnement économico-sportif susceptible de remettre en cause jusqu'à son équilibre philosophique. Il possède néanmoins les garde-fous pour s'en prémunir.
An der alten Försterei, dans le vieux stade où évolue l'équipe, on change le score manuellement sur le panneau d'affichage. Tout sauf un folklore artificiel. C'est bien connu : ce qui est hors d'âge n'est pas forcément dépassé, encore moins ce qui est hors du temps. L'Union, elle, est bel et bien datée. De 1966, exactement, et de la période est-allemande. Pendant que le BFC Dynamo Berlin, son voisin et rival, est proche de la Staatssicherheit, la police politique, l'Union cultive l'alternative. L'hymne du club, chanté par l'artiste punk-rock Nina Hagen, résume tout : "Qui ne se laisse pas acheter par l'ouest ? Eisern Union !"
À l'époque est-allemande, déjà, l'Union Berlin se voulait un refuge pour ceux qui pensent autrement. Ce fil rouge demeure. "Il faut savoir poser des limites à certaines choses, dans le football", assène le président Dirk Zingler, entrepreneur en matériaux de construction – ça ne s'invente pas. Ouvrant par exemple ses portes aux migrants, l'an dernier, lorsque le besoin s'en fit sentir. Prenant position pour un plafond salarial et une répartition égalitaire des droits télé. Econduisant en 2009 son sponsor maillot parce que son dirigeant s'était compromis avec la Stasi comme officier.
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Union Berlin feiert den Aufstieg in die Bundesliga

Crédit: Getty Images

Taux de remplissage record

Avec cette accession historique, un vent de fraîcheur va souffler sur le championnat allemand. Le parfum de famille va s'accentuer, dans ce stade où les spectateurs sont invités, à chaque grand tournoi impliquant la sélection nationale, à venir voir les matches sur écran géant munis de leur fauteuil ou de leur canapé. Des supporters à l'engouement indescriptible, qui ont envahi lundi dernier la pelouse, portant leurs joueurs en triomphe, à l'issue du combat victorieux mené par ces derniers, sans qu'on ait l'impression que les tribunes se vident ! C'est que 18 395 des 22 012 places de cette enceinte sont des places debout, ce qui n'a empêché en rien, cette saison, un taux de remplissage de 96,5%.
Un score pharaonique que ni le Dynamo Dresde ni Hambourg, deux autres mastodontes du championnat en terme de ferveur, n'ont pu atteindre. Les tifos sont magistraux, les effets pyrotechniques aussi. Dans ce stade à la reconstruction duquel 2 000 bénévoles avaient participé, en 2008, l'ambiance est insensée, la ferveur inégalée. Si la tribune principale a été refaite en 2013, le stade, propriété du club, doit voir à terme sa capacité portée à 37 000 places. En attendant, certains ont emporté chez eux, lundi soir, un morceau de pelouse ou un bout des filets.
Pour que l'équipe, où l'engagement supplante le talent, absorbe le choc sportif de la montée, l'exemple qu'elle entend suivre est celui du Fortuna Düsseldorf, promu en 2018 et maintenu ce printemps sans trembler. Si F95 était cornaqué par le magicien Friedhelm Funkel, qui compte pas moins de sept accessions parmi l'élite dans son incomparable carrière d'entraîneur, l'Union est dirigée depuis cette saison par le discret Suisse Urs Fischer, moins charismatique sans doute mais pas manchot non plus. À l'été 2018, les dirigeants ont enclenché une revitalisation : gagné par la pression et la nervosité, le club avait tangué sportivement et la peur d'une descente hantait les esprits. Exit les joueurs cadres, bonjour les petits nouveaux et un entraîneur novice dans ce championnat. Consciemment, pour éviter que leurs joueurs ne lui collent une étiquette hâtive et le lestent d'idées reçues, ils enrôlent un inconnu venu de Suisse.
Urs Fischer n'est pas du genre à faire le pitre, mais déroule une claire idée de jeu en s'efforçant de faire progresser chacun. La démarche fonctionne à merveille. L'équipe est un calque de ce qu'était Fischer comme joueur : pas brillante, mais travailleuse et constante. Jamais elle ne se laisse déstabiliser, et le barrage aller-retour l'a montré de façon flagrante. Le coach en a vu d'autres : il a mené le FC Thoune et le FC Zurich en Ligue Europa et a remporté le doublé coupe-championnat avec le FC Bâle, avec lequel il a disputé la Ligue des champions. Comme joueur, il a connu la montée avec le FC Saint-Gall, événement qu'il décrit comme lui ayant procuré une joie incomparable.
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Urs Fischer - Union Berlin

Crédit: Getty Images

"Tout est possible, rien n'est obligé"

Son public, lui, est partagé, tiraillé même, entre l'ivresse bien compréhensible d'une montée inédite – seule une finale de Coupe d'Allemagne, en 2001, blanchissait jusqu'alors l'ardoise du palmarès – et la zénitude des sympathisants de gauche. "Tout est possible, rien n'est obligé", clamait une banderole à l'occasion d'un match récent contre Magdebourg, tandis qu'une autre frange des supporters se rangeait derrière un plus incantatoire "AJ", pour "Aufstieg jetzt !" (la montée, maintenant !). Le public de l'Union, fondamentalement, ne se reconnaitrait pas dans un développement à tout prix. Pire, certains ont peur de l'aliénation. Craignent la gentrification qui envahit d'autres quartiers de Berlin. Tiennent à leur saucisse grillée comme à l'éternité. Accueillent des spectateurs qui parcourent en charter des dizaines de milliers de kilomètres aller-retour – vous avez bien lu – pour venir humer cet air de l'authenticité qui s'est raréfié dans le football de leur pays.
Alors, il faudra composer. L'équipementier le plus célèbre d'Europe va prendre pied dans le club en 2020. Le sponsor maillot va changer, apportant de nouvelles recettes. À Köpenick, le quartier de Berlin où est implanté le club, on planche déjà sur les recrues de l'été. Mais ni le président Zingler ni le manager Oliver Ruhnert n'entendent se laisser aliéner par les sirènes du business. Le premier, qui a repris le club alors qu'il comatait en 4e division et qui attend cette montée depuis 40 ans, était aux toilettes au moment du coup de sifflet final. Le second, membre depuis des années du parti de gauche "die Linke", siège au conseil municipal d'Iserlohn, sa ville de résidence. Ces bonshommes se sont forgés une respectabilité : l'Union Berlin vient d'habiter la 2e division allemande pendant une décennie, ce qui en fait le club le plus stable de la période récente à cet étage.
Doctrine : pérenniser les performances sportives au sein des 25 meilleures équipes allemandes, c'est-à-dire au pire dans le premier tiers du classement de 2e division. Qu'Urs Fischer, dans la conférence de presse d'après-match, ait tenu à remercier tout le monde, de la blanchisseuse au responsable marketing, aura tout pour plaire à Köpenick et à ses dirigeants. La melonite, c'est pas pour demain...
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