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BUNDESLIGA - La renaissance de Thomas Müller au Bayern, "influenceur" le plus décisif d'Allemagne

David Lortholary

Mis à jour 08/03/2020 à 11:38 GMT+1

BUNDESLIGA - On disait Thomas Müller vieilli, usé et fatigué, mais le meilleur buteur du Mondial 2010 ressuscite sous les ordres d'Hansi Flick au Bayern. Meilleur passeur de Bundesliga cette saison, il a retrouvé toute son influence chez les "Rouges".

Thomas Müller (FC Bayern München)

Crédit: Getty Images

C'est une scène improbable dont, à ce niveau, lui seul est capable. Thomas Müller est unique, lunaire, et n'a pas à forcer ce talent si singulier. Le Bayern, qui a pris l'avantage par un but de son défenseur central Joshua Kimmich, maîtrise tranquillement son quart de finale de Coupe d'Allemagne face à Schalke 04 sur la pelouse de Gelsenkirchen, mardi 3 mars. On joue la 52e minute et les joueurs d'Hansi Flick obtiennent un corner côté droit. Müller, qui est le seul à proximité du quart de cercle, se met en position pour le frapper au cas où le préposé habituel – Kimmich, encore – ne daigne s'approcher.
Müller lève la tête. Hésite. Kimmich s'avance au petit trot. Une option "à la rémoise", un corner joué à deux, se dessine. Müller, dont l'improvisation est la nature, décide finalement de botter lui-même, cherchant à profiter d'un appel naissant de Leon Goretzka au premier poteau. Las, son plat du pied est si souffreteux qu'il termine... directement en sortie de but. Un geste de football si faible qu'il en devient improbable, viral sur les réseaux le soir même. Aucun mal à retrouver "le pire corner de tous les temps" sur la toile depuis lors.

Clef de voûte du vestiaire

Thomas Müller est un paradoxe extrême, un faux "pieds carrés" délicieux, une illusion de "Monsieur tout-le-monde" qui peut se permettre de telles défaillances impunément tant, à l'opposé, son talent et son influence sont immenses. Enterré, vieilli prématurément dans l'inconscient collectif, usé et fatigué, le meilleur buteur du Mondial 2010 est ressuscité – au sens littéral et théologique du terme – depuis la prise des commandes d'Hansi Flick comme entraîneur du Bayern. Aucun doute possible en consultant les chiffres : Müller parade ces temps-ci en haut des listes. Meilleur passeur du championnat d'Allemagne avec 16 passes décisives, il apparaît à la 6e place des joueurs de champ, tous postes et toutes équipes confondus, à la moyenne des notes du bi-hebdomadaire Kicker, référence en la matière. Devançant des monstres comme Sancho, Kimmich, Alaba ou Upamecano. Et, conformément au dogme de Louis van Gaal, Müller joue toujours. Il est le seul, avec Manuel Neuer, à avoir disputé toutes les rencontres de Bundesliga de l'exercice 2019-2020. Seuls deux joueurs, en Bavière, peuvent s'asseoir à sa table cette saison : Neuer et Lewandowski.
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Thomas Müller, Robert Lewandowski - FC Bayern

Crédit: Eurosport

Il y a un mois, l'hebdomadaire Sportbild titrait "Müller est le joueur le plus puissant du Bayern !" Le géant de Bavière venait de réduire Schalke 04 en poudre (5-0) et Müller avait déroulé une partition d'empereur à ce poste de n°10 où Philippe Coutinho, spectateur depuis le banc de touche, avait été recruté l'été dernier auréolé d'un statut de star. Le Brésilien, arrivé dans l'espoir de valider son prêt d'un an par une levée de l'option d'achat (120 M€), est tombé non seulement sur une icône du Bayern de la trempe des Lahm et autre Schweinsteiger, mais aussi sur la clef de voûte de l'équilibre du vestiaire. C'est l'un des choix essentiels d'Hansi Flick depuis sa prise de fonction comme entraîneur principal, le 4 novembre dernier : l'ancien adjoint de Niko Kovac s'appuie de manière inconditionnelle sur Müller, véritable unité centrale de l'équipe, au cœur de la structure aussi bien sur la pelouse qu'en dehors. Et décisif à chaque match, pour le bonheur de l'entraîneur comme du club.

Prolongation en suspens

Un point commun moins apparent réunit les deux hommes : l'un et l'autre doivent faire leurs preuves pour prolonger leur bail. Si les supporters bavarois réclament un contrat de dix ans pour celui qu'ils considèrent, à l'heure d'écrire ces lignes, comme "le meilleur entraîneur de tous les temps", Müller est un chouchou aussi mais laisse planer le doute sur la prolongation d'un contrat qui expire en 2021. "Je ne dirai rien sur le sujet pour le moment", a lâché le jeune trentenaire le mois dernier. Au Bayern, il existe très peu de joueurs capables de rassembler en quelques heures leurs dirigeants autour d'une table pour discuter. Ce qui s'est produit début octobre. La saillie de Niko Kovac a provoqué une éruption volcanique. "Si une urgence due à une accumulation de blessures survenait, il bénéficierait avec certitude de temps de jeu", avait lâché le Croate à propos de Müller. Ce dernier avait alors à peine levé le petit doigt que, au siège du club, tout l'étage des dirigeants était en réunion de crise. Les présidents Hoeness et Rummenigge et le directeur sportif Salihamidzic tentaient alors de dissuader leur joueur de quitter la Bavière, après 20 saisons sous le maillot rouge. Le deal : interdiction de partir dès cet hiver acceptée, à condition qu'on en rediscute à l'approche de l'été. C'est que les sirènes sont plurielles, de l'Italie – accessible en voiture depuis la Bavière, où le couple Müller possède une écurie de plus de cinquante chevaux – à l'Angleterre, qui lui offrirait un contrat lucratif.
Depuis ce point d'orgue de la crise automnale, la situation s'est normalisée. Kovac a été limogé. "L'entraîneur d'alors misait sur d'autres chevaux que moi, a décrypté le champion du monde 2014. Hansi m'a accordé sa confiance dès les premiers instants. Je me dois de lui rendre. C'est ainsi que cela fonctionne." Müller est un homme d'influence. D'autant plus dangereux pour l'harmonie d'un vestiaire quand, comme l'a fait Kovac, son entraîneur lui indique le banc six matches consécutifs. Un Müller mécontent mouline à contre-courant des intérêts du coach en place. Nul n'a un contact plus étroit que lui avec la direction du club, pas même son capitaine Manuel Neuer. L'interlocuteur de Müller ? Rummenigge. En haut lieu, du nouveau président Herbert Hainer à son prédécesseur Uli Hoeness, l'avis est unanime : Müller est doublement incontournable, à la fois comme vecteur d'identification de la Bavière au Bayern et comme leader sur le terrain. Sa prolongation potentielle jouit d'un argument de poids dès lors que son entraîneur aura prolongé, ce que souhaitent ardemment ses supporters.
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Thomas Müller | FC Bayern - FC Chelsea

Crédit: Getty Images

Le stylo de Flick

L'esquisse de cette hypothèse bénéficie d'un trait appuyé depuis que Karl-Heinz Rummenigge a offert un stylo à Flick à l'occasion du banquet d'après-match à Londres (3-0 contre Chelsea en 8e de finale aller de la Ligue des champions), en lâchant qu'au Bayern, les stylos servaient parfois à signer des papiers. Mais Müller, surpris l'été dernier qu'on lui colle Coutinho dans les pattes après lui avoir indiqué, fort d'une belle seconde partie de saison, qu'on comptait sur lui comme milieu offensif axial, surveille aussi la politique de recrutement de son club. Ce dernier optera-t-il cet été pour Leroy Sané, joueur d'aile, ou pour Kai Havertz, dont le talent s'exprime dans l'axe ? Un choix pour l'avenir dans les deux cas, tout comme Alexander Nübel l'est dans le but dans le sillage de Neuer. À Munich, le présent, c'est Müller. L'omniprésent, même, devrait-on dire, tant il occupe aussi la scène médiatique dans son style improbable. Müller imite les poules sur Instagram dans la cour de sa ferme. Müller apostrophe Matthäus sur le plateau du diffuseur télé Sky. Müller aimante. Müller fait le show. Autour de lui, tout n'est que satellite.
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