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Bundesliga : Union - Hertha, le derby de l'unité

David Lortholary

Mis à jour 01/11/2019 à 14:56 GMT+1

BUNDESLIGA - Trente ans tout juste après la chute du Mur, c'est l'événement du week-end en Allemagne : les deux clubs de Berlin se rencontrent pour la première fois de l'histoire à ce niveau. Dans un contexte fraternel avant tout, qui en fait d'ores et déjà un derby à part.

Hertha-Union

Crédit: Getty Images

Cela ressemble à un slogan électoral, à une campagne de publicité ou à la promesse d'un film ou d'un roman trop beaux pour être vrais : un match de football symbole d'unité, au-delà de la politique, de l'histoire, évidemment au-delà du sport. C'est pourtant ce que représentera, ce samedi en Bundesliga, la rencontre entre les deux clubs de Berlin que sont le Hertha et Union, réunis pour la première fois à ce niveau du football allemand. Tout oppose ces deux clubs, tout les rassemble aussi, et c'est ce qui fera de ce derby un moment à part dans la saison, dans l'histoire, dans l'Europe du football tout entière.
Berlin, pourtant, a déjà connu la fièvre des derbies en Bundesliga. Union est la cinquième équipe de la ville à accéder à l'élite du football allemand après le Tasmania, Blau-Weiss, le Tennis Borussia et, donc, le Hertha. Mais la capitale fédérale a beau être la ville ayant compté le plus de clubs en Bundesliga, seuls quatre matches ont opposé des formations berlinoises dans l'histoire de ce championnat !
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Match amical Hertha-Tennis Borussia en 1963-1964

Crédit: Getty Images

Certes, le Hertha a occupé le terrain pendant 36 saisons, mais Tasmania ne l'a fréquenté qu'en 1965-1966 et Blau-Weiss en 1986-1987, à une époque où le Hertha n'y évoluait pas. C'est le Tennis Borussia qui a accompagné ce dernier dans l'élite, en 1974-1975 et en 1976-1977. Ces derbies concernaient deux clubs de Berlin-Ouest, rivaux certes, mais pas dans la dimension politique flottant entre deux formations séparées par le rideau de fer. L'Union Berlin, elle, est bien un club de l'Est - le premier, du reste, à réussir la montée en Bundesliga - même si le slogan placardé en ville ces derniers jours - "Berlin voit rouge" - concerne davantage les couleurs portées par les joueurs qu'un attachement aux souvenirs communistes, nonobstant une nostalgie est-allemande bien dans l'air du temps.

Légendaire match de la réunification

Union, fondé en 1966 sur les bases du SC Union Oberschöneweide, remportait la Coupe d'Allemagne de l'Est deux ans plus tard. Mais le club était à l'étroit dans les plis du rideau de fer et une amitié germa entre ses supporters et ceux du Hertha. Les Allemands de l'Ouest étant autorisés à passer à l'Est, ces derniers avaient pris l'habitude d'assister à des matches à la Vieille Forteresse, le stade d'Union, celui-ci devenant en parallèle un lieu de dissidence contre l'état est-allemand.
Reconnaissants, les supporters d'Union se déplaçaient pour leur part en Europe de l'Est à l'occasion des matches que le Hertha y disputait à l'extérieur, comme ce quart de finale de Coupe de l'UEFA 1979 à Prague, où la moitié des 30.000 spectateurs avait fait le voyage depuis les deux parties de Berlin. "Je connais beaucoup d'Unioner (les supporters d'Union, ndlr) qui étaient là, à l'extérieur, quand le Hertha jouait en Coupe d'Europe dans le bloc de l'Est", confirme Karsten Heine, ancien joueur des deux clubs, actuellement entraîneur d'une formation berlinoise en 4e division. "De quoi parler, plus ou moins, d'amitié."
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Le Hertha Berlin face à Duisbourg lors de la saison 1979-1980

Crédit: Getty Images

Le mur une fois abattu, cette solidarité perdura, les supporters berlinois se sentant représentants de la ville entière. Deux jours seulement après la chute, début novembre 1989, la réception de Wattenscheid par le Hertha en 2e division occasionna la venue de 44.000 supporters au stade olympique, qui en accueillait en moyenne seulement 10.000. Ce jour-là, des milliers de Berlinois de l'Est, accueillis gratuitement, faisaient partie de la foule.
Quelques semaines plus tard, le 27 janvier 1990, eut lieu le premier match en 28 ans entre le Hertha et Union. 51.270 personnes assistèrent officiellement à la rencontre, mais ce chiffre est probablement sous-estimé. Le prix d'entrée, symbolique, avait été fixé, Ouest et Est confondus, à cinq mark. Surtout, toute la ville était en fête, enivrée du parfum de la réunification. "Les spectateurs des deux camps se prenaient dans les bras et s'amusaient ensemble", se souvient l'ancien attaquant du Hertha Sven Kretschmer, qui a participé dans la foulée à un dîner commun avec partenaires et adversaires. Chris Lopatta, supporter d'Union, confirme : "C'était géant. Nous avons rencontré une quantité de fans du Hertha et sommes restés amis avec eux."

Une seule victoire pour Union

C'était une tête de pont. Perdu dans ses vicissitudes sportives et financières, Union connut ensuite des hauts et des bas, navigant tantôt au-dessus, tantôt en dessous de la ligne de flottaison de la 2e division. Revenu à cet étage en 2009, il s'y installa alors pour une décennie et c'est seulement à partir de là qu'une réelle rivalité sportive avec le Hertha put prendre racine. Quatre rencontres ont eu lieu dans ce cadre entre les deux clubs, la première le 17 septembre 2010 à Köpenick (1-1), la deuxième le 5 février de l'année suivante dans un stade olympique comble pour un match de légende (victoire d'Union 2-1 avec un but décisif sur coup franc direct de Torsten Mattuschka, entré à cette occasion pour de bon dans l'histoire du club), le seul, jusqu'à aujourd'hui, dont Union soit sorti vainqueur dans le derby.
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Torsten Mattuschka (en rouge) face à Fanol Perdedaj lors du derby remporté par l'Union en 2. Bundesliga le 17 septembre 2010

Crédit: Getty Images

Les deux clubs de Berlin, dont les stades sont distants de 26 kilomètres, ne sont pas jumeaux pour autant. Pour Ante Covic, l'entraîneur actuel du Hertha, ce dernier est "un club pour tout Berlin". Union, de son côté, s'appuie surtout sur sa base locale du quartier de Köpenick, traditionnellement peuplé d'ouvriers. Les écarts socio-économiques sont probablement la principale différence entre les deux communautés, mais sont insuffisants pour provoquer une réelle détestation. "Autant que je me souvienne, les relations ont toujours été amicales entre les deux. Y compris pour organiser des matches amicaux, justement", constate Covic. Les supporters abondent, voyant la rivalité comme un artifice médiatique pur et simple n'ayant rien à voir avec un quelconque duel entre Est et Ouest. Au moment de préparer le calendrier de la saison, les clubs allemands sont autorisés à exprimer leur souhait de date pour affronter tel ou tel adversaire. Le 30e anniversaire de la chute du Mur tombant un samedi, le Hertha a annoncé avoir demandé que le derby ait lieu ce jour-là, le 9 novembre, parce que "ce serait un jour fantastique" pour un tel match. Il aura finalement lieu une semaine avant.

Union et Dynamo, la vraie rivalité

Le président d'Union, Dirk Zingler, voit les choses autrement. "Pour moi, c'est un derby, ce qui implique une rivalité, une démarcation et une lutte des classes footballistique. Donner à cette rencontre un caractère amical sous prétexte de jouer pour l'unité de l'Allemagne est absurde." Fêter l'unité retrouvée de Berlin oui, nier l'enjeu sportif et géographique non. Mais la rivalité historique, de fait, est ailleurs : entre Union et le Dynamo, soutenu par la police politique est-allemande. Lors des derbies entre les deux clubs de l'Est, le public d'Union scandait "le mur doit disparaître" lorsque les joueurs adverses formaient le mur sur les coups francs... Les anciens joueurs de Hertha et d'Union, notamment ceux, nombreux, qui ont évolué dans les deux clubs, le confirment : vouloir créer artificiellement une lutte entre eux n'a pas de sens.
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Hertha-Union

Crédit: Getty Images

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