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Terrain en pente, écolo' : bientôt la fin pour l'atypique Schwarzwald Stadion de Fribourg

Fabien Esvan

Mis à jour 04/07/2020 à 19:02 GMT+2

BUNDESLIGA - Après près de soixante-six ans de bons et loyaux services, le Schwarzwald Stadion de Fribourg est sur le point de fermer ses portes. La fin de l’aventure pour l’un des stades les plus iconiques et les plus sympathiques du football allemand.

Schwarzwald-Stadion SC Freiburg

Crédit: Getty Images

Ce samedi 27 juin 2020 devait être une fête pour le SC Fribourg. En balayant un Schalke 04 apathique et sans idée (4-0), les hommes de Christian Streich ont validé leur belle huitième place en Bundesliga. Un succès “pour du beurre” pour le SCF, déjà distancé dans la course à l’Europa League, mais qui n’avait rien d’anodin pour les suiveurs du club. Cette rencontre devait être la dernière disputée au Schwarzwald Stadion, l’enceinte des Breisgau-Brasilianer, depuis 1954. Une “presque dernière” sans spectateurs, la faute à un virus qui a tout perturbé.
Aussi mythique que atypique, le petit écrin fribourgeois de 24 000 places est l’un des derniers vestiges du football allemand d’antan. Un stade responsable et chaleureux “où on se sent comme à la maison” comme aime le rappeler Patrick Guillou, le consultant de beIN SPORTS, originaire de Fribourg. Et sa très prochaine fermeture, décalée en raison de la crise du Covid-19, sera à marquer d’une pierre blanche de l’autre côté du Rhin. A raison.
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Le Schwarzwald Stadion de Fribourg, en 2020

Crédit: Getty Images

Petit par la taille, grand par les anecdotes

Car le Schwarzwald n’a rien d’un stade classique. S’il est connu pour être l’un des plus anciens du football professionnel allemand, il est aussi l’un des plus petits, caractérisé notamment par la proximité de ses tribunes. “Les tribunes sont très, très proches, à peine un mètre derrière les buts. On est vraiment au strict minimum”, confirme Patrick Guillou.
Outre son côté minimaliste, l’enceinte allemande se distingue par son terrain en pente. Une anomalie qui a fait l’objet de tractations administratives permanentes. “Il y a une autorisation spéciale de la DFL (ndlr, la Ligue de football allemande) pour jouer dans des conditions pareilles, parce qu’il y a 98 centimètres entre la tribune nord et la tribune sud”, explique le consultant de beIN SPORTS. Alors, avantage ou inconvénient pour les joueurs ? Pour Jonathan Schmid, joueur clé du SCF, cela relève plus de la croyance. “On sait qu’on a une préférence de jouer la deuxième mi-temps vers nos supporters car on sait que le terrain est en pente. C’est plus de la superstition car on ne le sent pas trop.”
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Les joueurs de Fribourg célèbrent un but au Schwarzwald Stadion en décembre 2019

Crédit: Getty Images

Symbole d’un football champêtre et populaire, le Schwarzwald est pourtant situé dans l’un des quartiers les plus prisés de la ville. Et les querelles de voisinage ont toujours été monnaie courante ces dernières années. Jusqu’à la saisie du tribunal de la part de certains riverains. Patrick Guillou le raconte. “Le Schwarzwald est dans un quartier très huppé de la ville. Il y a la rivière Dreisam qui coule juste derrière l’enceinte, il y a la Forêt Noire tout autour. C’est ce qui fait que les gens qui habitent dans ce quartier l’ont choisi : pour être tranquille. Alors quand ils voient un pèlerinage de 24000 personnes tous les quinze jours pour venir au match…

Le bastion d’un club, le miroir d’une ville

Oui, mais voilà, cette guéguerre n’est rien à côté de ce que représente le stade pour les habitants de Fribourg. Chaleureux et engagé, le Schwarzwald Stadion est à l’image de la ville et ses habitants.
Quand Joachim Löw vient au stade, il n’est pas en tribune présidentielle, il mange sa saucisse peinard, à côté des supporters.
Absence de loges, public d’habitués et de connaisseurs, l’ambiance familiale du Schwarzwald est le parfait reflet de ce qui se passe en ville au quotidien. Au stade, tout le monde est logé à la même enseigne. Même le sélectionneur national. “Quand Joachim Löw vient au stade, il n’est pas en tribune présidentielle, il mange sa saucisse peinard, à côté des supporters”, raconte Patrick Guillou.
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Joachim Löw au Schwarzwald Stadion de Fribourg en décembre 2019

Crédit: Getty Images

Réputés pour être l’un des publics les plus bruyants d’Allemagne, les supporters sont toujours derrière leur équipe. Dans les bons, comme les mauvais moments. “C’est quelque chose d’assez unique en Allemagne. Le stade accueille 24 000 spectateurs, mais on dirait qu’il y en a plus. Pendant les quatre-vingt-dix minutes, ils sont en train de chanter, peu importe le résultat” , témoigne Schmid.
Ville responsabilisée, labellisée Eco-Stadt (ndlr, ville respectueuse de l’environnement), Fribourg a pensé son développement dans le respect de la planète, notamment pendant le long mandat de Dieter Salomon, premier maire Vert d’une grande ville allemande, entre 2002 et 2018. Réutilisation des matériaux, panneaux solaires, pistes cyclables, piétonisation du centre-ville, la ville s’est imposée comme une référence en la matière. Et le club a naturellement emboîté le pas de la municipalité.

Grands monsieurs, grands destins

Cette dynamique écolo et engagée a été portée par les dirigeants du SC Fribourg jusqu’au stade. Sous l’impulsion de son emblématique dirigeant Achim Stocker, président du club entre 1972 et 2009 (!), le SCF a toujours assumé son rôle de messager des valeurs de la ville et a été à l’origine de nombreuses initiatives comme le système de consignes pour les boissons.
Plus surprenant encore, c’est Volker Finke, l’entraîneur du club de 1991 à 2007 qui a été l’un des piliers du virage écologique, en proposant d’ajouter des panneaux solaires sur le toit du stade. “Finke qui met les panneaux photovoltaïques, ça rentre dans cette logique. Ca a été un avant-gardiste, un entraîneur qui est resté très longtemps et qui a fait énormément, tant sur le plan sportif qu’extra-sportif”, affirme Patrick Guillou.
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Volker Finke (r.) und Christian Streich (l.) in Schwarzwald Stadion, 2012

Crédit: Getty Images

Et l’héritage de l’ancien technicien du SCF a été entretenu par Christian Streich, l’actuel titulaire du poste depuis 2011 et récemment prolongé par la direction. “Christian Streich, c’est exactement pareil aujourd’hui. C’est ce même entraîneur qui vient en vélo aux entraînements, et qui après les matches quitte le stade en bicyclette”, complète le natif de Fribourg.

Nouveau stade pour une nouvelle vie ?

Mais ce qui devait arriver arriva. Après plus de soixante ans de service, de procédures administratives permanentes avec la DFL et l’UEFA en coupes d’Europe et surtout les nouvelles exigences financières du football moderne, le club se devait de posséder un nouveau stade pour continuer à grandir. Faute de place, les dirigeants ont dû se résoudre à voir ailleurs. Tout en conservant ce qui a fait le succès du Schwarzwald : une enceinte écologique et chaleureuse. Et c’est là, le plus grand défi du SC Fribourg.
Pour Patrick Guillou, ce nécessaire déménagement est un saut vers l’inconnu. “A partir du moment où tu construis un stade flambant neuf qui coûte 130 millions d’euros, tu ne peux plus dire que tu n’as pas de bons résultats à cause d’un manque de résultats, de sponsoring. Forcément, les attentes vont être plus élevées. La difficulté, ça va être de faire comprendre que même en changeant de stade, il faut garder cette ambiance familial, il ne faut pas élever le niveau d’exigence.”
Situé en lieu et place de l’ancien aéroport de la ville, le nouveau stade de 34 000 places conservera sa logique éthique et écologique avec la récupération des eaux de pluie, les panneaux solaires et l’utilisation de matériaux recyclés. D'autres initiatives devraient voir le jour.
Comble de ce déménagement, les problèmes de voisinage vont encore suivre les Fribourgeois. “Il y a des associations qui se sont déjà manifestées contre les nuisances sonores et pour éviter les matches après 19h en semaine et après 15h30 le dimanche. Et ils ont gagné en première instance ! Le club a fait appel et ce dernier n’a pas été rejeté. Il va y avoir un nouveau procès notamment pour les horaires des matches”, abonde le consultant de beIN SPORTS. Digne d’un épisode de Petits secrets entre voisins.
Crise du coronavirus oblige, la livraison du nouveau stade, déjà repoussée à plusieurs reprises, a encore pris du retard et les coéquipiers de Jonathan Schmid pourraient patienter avant de découvrir leur nouvelle maison. Et profiter, pourquoi pas, d’une dernière danse au mythique Schwarzwald Stadion. C’est, en tout cas, le souhait de tout un peuple.
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