Les plus populaires
Tous les sports
Voir tout

Ce que le football doit à Diego Forlán

Antoine Donnarieix

Mis à jour 09/08/2019 à 11:39 GMT+2

Voilà, c’est fini. À 40 ans et malgré de nouvelles propositions d’embauche, Diego Forlán a décidé de mettre fin à son immense carrière de footballeur professionnel cette semaine. Afin de souligner sa remarquable trajectoire dans un milieu où les émotions se raréfient, il semble essentiel de faire le point sur l’héritage laissé par l’avant-centre ambidextre dans un sport redevable de sa prestance.

Diego Forlan avec l'Uruguay durant la Coupe du monde 2010

Crédit: Getty Images

Dans la vie, il y a parfois des nouvelles qui viennent frapper à la porte du destin sans que l’on vienne leur en donner l’autorisation formelle. Ce mercredi 7 août, l’annonce officielle de la retraite sportive de Diego Forlán par le réseau social Twitter est venue mettre un soupçon de nostalgie dans les têtes des amoureux du football romantique, à la fois beau, sincère et pur. "Après 21 années, j’ai décidé de mettre fin à ma carrière de footballeur professionnel. Une belle étape se referme remplie de grands souvenirs et d’émotions, mais une nouvelle ère s’ouvre désormais avec de nouveaux défis. Merci à tout ceux qui, d’une manière ou d’une autre, m’ont accompagné dans ce chemin !" Et sur cette route, Diego Forlán laisse à coup sûr des traces indélébiles de son passage.

Moteur de l’Uruguay et héros sud-africain

Par où commencer pour rappeler à quel point Diego Forlán était un exceptionnel joueur de football ? Sans doute par le souvenir qui marque aujourd’hui le plus de monde, à savoir sa formidable prestation lors de la Coupe du monde 2010 en Afrique du Sud où le vice-capitaine de La Celeste (derrière Diego Lugano) va inscrire cinq buts. Cinq coups de canon : un doublé contre le pays hôte, un maître coup franc face au Ghana, une frappe du gauche surpuissante contre les Pays-Bas et une volée magistrale contre l’Allemagne. Pour la première fois depuis 1970, l’Uruguay s’invite dans le dernier carré d’un Mondial et termine quatrième de la seule édition organisée sur le sol africain à ce jour. En guise de récompense individuelle, Forlán décroche le prix du meilleur joueur du tournoi, à juste titre.
Huit ans avant ce coup de tonnerre de l’Uruguay sur l’échiquier mondial, celui que l’on surnommait "Cachavacha" en raison de son apparence à une sorcière dans une BD argentine honorait sa toute première cape avec sa sélection nationale. C’était en 2002, soit quatre longues années avant l’arrivée d’Óscar Tabárez au poste de sélectionneur, initiatrice d’un renouvellement dans la mobilisation culturelle de l’équipe. De fait, Tabárez va compter sur l’expérience de Forlán pour faire partie des piliers fondateurs de la restructuration de l’Uruguay. L’objectif ? Inculquer aux nouveaux éléments l’obligation d’un devoir fondamental de représentation du pays avec une ambition élevée dans les tournois internationaux. En quelque sorte, Forlán est devenu le grand-frère des futurs talents offensifs de l’Uruguay comme Luis Suárez ou Edinson Cavani. À la vue de l’évolution sportive des deux buteurs, dire que Diego Forlán est un frère aîné pédagogue tient de l’euphémisme.

Modèle de CR7 et prototype de Griezmann

Bien avant cette fameuse Coupe du monde, Diego Forlán était confronté à la dure réalité du football européen. Buteur charismatique au sein du CA Independiente dans le championnat argentin, le joueur est transféré à Manchester United, club le plus sacré de l’histoire de la Premier League dirigé par Sir Alex Ferguson. Si les attentes sur le rendement offensif de la nouvelle recrue sont importantes du côté des Red Devils, les deux saisons de Forlán à MU s’avèrent délicates avec la concurrence féroce de Ruud van Nistelrooy et Ole Gunnar Solksjaer sur le front de l’attaque. Pourtant, l’athlétique avant-centre va particulièrement marquer un autre joueur de l’équipe au sein du vestiaire : Cristiano Ronaldo"
Et pour cause, le Portugais est impressionné par la ceinture abdominale de son acolyte uruguayen, dont CR7 souhaite s’inspirer en matière de musculation. "J’étais surpris, racontait Forlán pour la revue britannique The National en 2015. Cristiano était encore très jeune, mais il se souciait déjà de l'entretien de son corps, qui allait devenir son instrument. Nous nous entendions bien, c'est un bon gars. Il a montré un grand dévouement à sa mission : devenir le meilleur joueur du monde. Cristiano a travaillé énormément aux entraînements mais aussi en salle de gym avec notre préparateur physique Mike Clegg. Il y a dix ans, peu de joueurs se formaient ainsi." Et voilà comment lancer définitivement la longévité d’un futur quintuple Ballon d’or.
Transféré en Espagne par la suite, Diego Forlán va marquer le championnat espagnol de son empreinte en deux actes. D’une part, trois saisons sous le maillot de Villarreal où son alchimie sur le terrain avec Juan Román Riquelme va s’avérer dévastatrice : ensemble, les deux hommes emmènent le sous-marin jaune jusqu’à la demi-finale de la Ligue des champions en 2006 perdue contre Arsenal. D’autre part, Forlán effectue quatre saisons avec l’Atlético de Madrid, où le blondin formera un duo diabolique en compagnie d’un autre ancien joueur d’Independiente, un certain Sergio Agüero. Profil complet capable d’évoluer en pointe ou en attaquant de soutien, Forlán s’est même reflété dans le style contemporain d’Antoine Griezmann : un élastique pour maintenir une longue chevelure blonde, une stature de beau gosse et des efforts démultipliés sur le terrain pour défendre ou créer du danger.
picture

Diego Forlan bei Atlético Madrid

Crédit: AFP

La garra influence Forlán, Forlán influence le monde

Tout au long de sa vie, le natif de Montevideo s’est construit à travers le sport. Issu d’une famille plutôt aisée en Uruguay puisque son père Pablo et son grand-père Juan Carlos étaient eux aussi d’anciens footballeurs professionnels, le petit Diego s’essaye à une autre discipline avant de définitivement choisir le football. Dans le Carrasco Lawn Tennis Club, Forlán écume les courts de terre battue du quartier cossu de la capitale uruguayenne au point de devenir un espoir du pôle de formation national. Mais à ses 13 ans, un drame familial va définitivement l’inciter à choisir le football : sa sœur aînée Alejandra, également joueuse de tennis, est victime d’un accident de voiture dont elle sortira paraplégique à vie.
Logiquement ému, Forlán se confesse à sa sœur : "Je lui ai dit quand elle était dans son lit d'hôpital que je deviendrais une star du football, pour être sûr qu'elle puisse continuer à avoir une belle vie." Voici sans doute comment Forlán est parvenu à puiser une partie de sa force pour réussir dans le monde égocentriste du football. Désormais, ses anciens coéquipiers le félicitent pour sa carrière et soulignent de façon unanime son grand professionnalisme. De Peñarol où le garçon s’est formé au SC Kitchee où il a tiré sa révérence, tous les clubs convergent aussi pour dire que Forlán a marqué son époque. Bercé par une appétence multiculturelle qui l’aura fait découvrir neuf pays différents (Argentine, Angleterre, Espagne, Italie, Brésil, Japon, Uruguay, Inde et Hong-Kong), le quarantenaire donne à présent le sentiment d’avoir magnifié son sport. ¡ Muchas gracias, Cachavacha !
picture

Diego Forlan

Crédit: Getty Images

Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Sur le même sujet
Partager cet article
Publicité
Publicité